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Un avocat pourquoi faire ? (ma)

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Par Maître Khalid Khalès
Avocat au Barreau de Rabat


Le rôle de l'avocat

Si en principe les hommes naissent libres et égaux en droits, et s’ils ont décidé de vivre dans une société organisée, les aléas de la vie créent des déséquilibres et même des inégalités. Le premier rôle de l’avocat est d’être le porte parole de celui ou celle dont les droits sont menacés. Par ailleurs, toute personne poursuivie devant les juridictions répressives a le droit de se défendre et aussi le droit et même le devoir d’être assistée par un avocat. Lorsque la société décide de la poursuivre pour un crime ou pour un délit, il est un principe universellement admis que toute personne est innocente jusqu’à ce qu’elle soit déclarée coupable et que toute personne a un droit naturel de se faire assister et de se faire défendre par le biais d’un technicien indépendant, l’avocat. Il en va de même de la partie civile, victime de l’acte incriminé.

C’est l’idée étroite que se fait le commun des mortels du rôle de l’avocat : défenseur plaideur devant les tribunaux répressifs ou « avocat pénaliste ». C’est l’effet « spectaculaire de la profession ». Or, la réalité de nos jours est toute autre et le champ d’intervention de l’avocat est beaucoup plus vaste. En effet, « il n’est pas un événement politique, économique, social, littéraire, scientifique, technique et même religieux qui n’ait un jugement d’échos dans les prétoires »(André Ginesse, «Seule la vérité blesse » ).

Par ailleurs, les activités économiques, quelle que soit leur nature, sont désormais régies par une multitude de textes, très souvent épars, généralement peu connus – c’est normal – des entrepreneurs.

D’autre part, la libéralisation de l’initiative entrepreneuriale, outre une concurrence sévère, n’obéissant parfois pas aux règles de l’éthique, introduit des difficultés relationnelles pouvant avoir de sérieuses conséquences sur la vie de toute entreprise

De même, les développements de la législation sociale, fiscale, commerciale, bancaire, financière ou autres, les arrêts jurisprudentiels en chaque matière et autres faits juridiques provoquent des interprétations divergentes, parfois préjudiciables au développement harmonieux de l’activité.

Pires sont les problèmes de la compétence (territoriale ou en raison de la matière), de la prescription des droits ou des délais de recours (qui varient en fonction de chaque cas d’espèce) et dont la négligence fait perdre aux justiciables des droits certains.

A travers ces quelques exemples, on peut déjà pressentir l’extrême complexité de ce qu’aucuns qualifient de « maquis juridique ».

Certes, toutes les personnes et toutes les entreprises ne sont pas forcément confrontées à ce « maquis » ; il est même manifeste que le droit est vécu par l’immense majorité des individus et des entreprises sans litige et donc sans procès. En effet, dans la majorité des cas, les relations se nouent et se dénouent à l’amiable. Cependant, le caractère incontournablement économique de la matière juridique (toute décision économique et sociale comporte un aspect juridique), fait que nul n’est à l’abri d’un litige, source de perte de temps et de déperdition d’énergies. Contre une telle éventualité, le management moderne retient le recours à un conseil spécialisé : l’avocat. Longtemps considéré par les entreprises comme un mal nécessaire (qu’il fallait consulter le moins possible), plutôt que comme un bien, l’avocat-conseil est devenu de nos jours l’assistant quasi-indispensable de la majorité des entreprises des pays développés. Les États Unis, le Japon et les pays de la communauté européenne, ont tous compris la nécessité de l’intégration de la profession d’avocat dans leurs stratégies économique et commerciale.

En effet, face aux mutations économiques, technologiques et sociales auxquelles toute personne physique ou morale est quotidiennement confrontée ; face aux défis personnels ou professionnels que cette personne souhaite relever, l’avocat est pratiquement le seul partenaire juridique valable pouvant offrir les garanties indispensables de confidentialité, de compétence, d’indépendance et de responsabilité.

L’avocat n’est plus un luxe, mais une nécessité. Il est l’outil juridique indispensable dont une entreprise bien structurée ne peut se passer de nos jours. Si le droit est aujourd’hui de plus en plus au cœur de la stratégie de l’entreprise, l’avocat est la dynamo de ce droit.

En effet, chaque jour apporte aux particuliers et aux entreprises son lot de textes législatifs ou réglementaires, son lot de circulaires administratives ou d’arrêts jurisprudentiels. En dehors d’un spécialiste du droit, la lecture et l’interprétation de ces textes ainsi que de cette jurisprudence sont souvent très difficiles pour un non spécialiste.

L’avocat est là pour informer son client des lois applicables à chaque cas d’espèce et sans doute est le seul à pouvoir naviguer dans ce labyrinthe de textes qui remonte à 1912 (traité de protectorat franco-marocain). L’avocat, qui suit quotidiennement l’évolution des textes ( promulgation, modification, abrogation, etc…) et de la jurisprudence ( avec ses revirements ), est à même d’informer l’entreprise sur la loi applicable et la tendance jurisprudentielle. L’avocat informe ses clients non seulement sur leurs droits mais aussi sur leurs devoirs.

A côté de l’information qu’il peut apporter à l’entreprise ou au particulier, l’avocat a un second rôle qui consiste à conseiller. Il joue dans ce cas le rôle des avocat-conseil. Pour ce faire, il étudie comment mettre en œuvre un projet dans le strict respect de la loi et dans tous les domaines du droit ( droit des affaires, droit fiscal , des droit des transports, de l’urbanisme, de l’environnement, des banques, du travail, etc…). Par ailleurs, le rôle de l’avocat-conseil consiste avant tout à éviter les procédures et à intervenir préventivement. Le conseil peut être oral ou écrit. On parle alors de consultation. Ce rôle de conseil juridique et fiscal est lié aux défis économiques et à la connaissance du risque contentieux. Pour pouvoir exceller dans ce rôle de consultant, tous les diplômes ne peuvent pallier le « sens juridique » si celui-ci fait défaut à l’avocat. En effet, si chaque personne a normalement cinq sens, l’avocat, lui doit avoir un sixième. C’est le « sixième sens juridique ».

Il peut en outre assister l’entreprise dans la conclusion d’un accord et essayer de trouver une solution négociée évitant le risque d’un conflit et l’enlisement de l’entreprise dans un litige, source de procès, de perte de temps et d’argent.

À côté de son rôle qui consiste à informer, conseiller, assister, l’avocat procède à la rédaction de tous actes et de tous contrats conformément à la réglementation en vigueur et aux intérêts de son client. Les actes que peut rédiger un avocat sont innombrables : statuts de société, d’association, contrat de bail commercial, professionnel, rural… ; contrat de travail, de vente, de prestation de services, de prêts ; contrat de licence ; de cession de fonds de commerce, de gérance-libre, de nantissement ; de vente d’actions ou de parts sociales, etc… L’avocat averti, en rédigeant lui-même un contrat ou tout autre acte, pense non seulement à l’intérêt des clients mais aussi aux moyens de défense que peut opposer une partie à l’autre en cas de litige. Généralement, un contrat ou un acte rédigé par un avocat spécialisé est net, clair et précis et englobe tous les points qui peuvent éventuellement prêter à confusion et même à contestation. Même un notaire se doit de consulter un avocat avant l’établissement de certains actes.

L’avocat peut en outre représenter une partie dans la conclusion d’un contrat, à la condition d’avoir reçu procuration spéciale.

Par ailleurs, si le sixième rôle de l’avocat est la défense du client, défendeur ou demandeur, devant les juridictions du royaume, qu’elles soient civiles, commerciales, administratives, pénales, disciplinaires, etc…, et s’il peut aussi assurer cette défense devant les juridictions des pays étrangers ayant conclu une convention judiciaire avec le Maroc, un rôle tout aussi important incombe à l’avocat et que je nommerai ici le rôle de « l’espoir ». En effet, la personne qui s’adresse à un avocat ne le fait généralement pas « de gaieté de cœur » mais en désespoir de cause et parce que toutes les portes ont étés fermées devant elle et qu’elle se sent perdue. Si l’avocat reçoit ce client perdu, abattu et parfois même hagard, son rôle est de le calmer et de lui insuffler l’espoir. L’avocat assume le rôle du psychologue. Que de justiciables n’avons-nous pas vu démoralisés en entrant dans le Cabinet d’un avocat et en ressortir confiants et souriants. Pour bien réussir ce rôle, l’avocat doit cultiver ce que l’on appelle « l’art de l’écoute ». Cet art ne s’apprend pas sur les bancs des facultés de droit, ni ailleurs. C’est un don que l’on peut développer au fil des années de pratique.

Autre rôle de l’avocat et pas des moindres est celui « d’amortisseur de chocs » en cas de décision judiciaire qui va à l’encontre de ce qu’attend le client. Cela émane de son devoir de délicatesse. En effet, l’avocat doit faire preuve de délicatesse au moment du compte rendu de la décision prononcée. Très souvent, on ignore le grand rôle de l’avocat lors de cette phase. Or sans avocats délicats, compatissants avec leurs clients et leur donnant un nouvel espoir en leur proposant de porter le litige devant une juridiction d’un degré supérieur, combien de juges n’auraient-ils pas été malmenés et même agressés ?…

N’oublions pas de signaler ici le rôle traditionnel et avant-gardiste de l’avocat dans la défense non seulement de son client mais aussi et surtout dans le combat qu’il mène pour veiller à la bonne marche de la justice. Un arrêt de la Cour de cassation égyptienne en date du 16 avril 1970 a bien précisé que « le but du législateur dans la consécration du ministère de l’avocat est en même temps la protection de l’utilité publique et la réalisation de l’utilité privée ». La doctrine française considère que l’avocat constitue à lui seul un service public…( sur le rôle traditionnel de l’avocat et qu’il continue à assurer avec brio, voir les différentes études dans Al Mouhamat, n° 27, 1987 et dans les différentes revues spécialisées des Barreaux ). Mais ce côté de la mission de l’avocat a été tellement développé par d’autres confrères qu’il serait vain de le répéter.

Par ailleurs, l’avocat pourra jouer le rôle d’arbitre, que ce soit au sein d’une institution spécialisée ou simplement parce que deux parties ont fait appel à son arbitrage. S’il a rendu sa sentence arbitrale, il va de soit qu’il ne peut se constituer pour défendre l’une ou l’autre des parties en cas de contentieux.

A côté de « l’avocat pénal » et de « l’avocat d’affaires », etc…, nous aimerions souligner ici le rôle de « l’avocat politique », qui mène quotidiennement des combats, à l’intérieur et à l’extérieur des prétoires pour la défense des droits humains en général et pour l’instauration effective de la séparation des pouvoirs au sein d’une société qui se caractérise par son manque de démocratie, sa politique répressive et par la confusion de ses différents pouvoirs, politique, législatif et judiciaire. Cet avocat est partout présent : au sein des partis politiques, au sein du Parlement, des collectivités locales, des associations pour la défense des droits humains et dans diverses autres organisations non gouvernementales. Son rôle est de dénoncer les abus du pouvoir répressif et non démocratique.

Certes la spécialisation n’est pas encore entrée dans les mœurs des avocats marocains, et, devant le vide législatif, rien n’interdit en effet à un avocat de s’intéresser et d’exercer dans les différents domaines : politique, pénal, du conseil, des affaires, etc…

Notons que le nombre des juridictions, que ce soit au Maroc ou dans les pays ayant conclu une convention judiciaire avec lui, étant considérable, le problème qui se pose en premier lieu à l’avocat est celui de la compétence de chaque juridiction. Laquelle choisir et comment combiner la compétence ayant trait à l’attribution avec celle ayant trait à la territorialité ?

Se posera ensuite à l’avocat le dilemme des procédures judiciaires ou extra-judiciaires qu’il serait conduit à suivre. Généralement, c’est l’avocat qui comprend le sens d’un constat, d’une sommation interpellatrice, d’une injonction de payer, d’une expertise, d’une saisie conservatoire, d’une saisie-arrêt, d’une saisie descriptive, d’un commandement immobilier, d’une vente globale de fonds de commerce, d’une action possessoire, d’une action pétitoire, d’un appel incident et je n’ai cité que les plus simples sans entrer dans les minorités de blocage, de l’action en nullité ou en dissolution d’une société, du redressement judiciaire, de la faillite, de la responsabilité pénale des personnes morales ou autres.

L’avocat examinera non seulement les problèmes que posent les différentes prescriptions des droits ( qui se comptent par centaines ) mais aussi celles ayant trait aux voies et délais de recours. Si certains ( et qui sont extrêmement nombreux et variables ) commencent à courir à partir de la notification de la décision, d’autres en revanche le sont à partir du prononcé du jugement. Il y a des délais de 8 jours, de 10, de 15,… de 30 pour ne citer que ceux-là. Le non respect de ces délais rend le justiciable forclos de ses droits.

L'avocat au quotidien

Seul un avocat peut « nager » dans ces méandres obscurs. Mais pour pouvoir le faire, l’avocat a besoin de disposer d’une infrastructure performante : bureaux, bibliothèques, photocopieuses, salle de réunion , archivages , ordinateurs, imprimantes, scaners, modems, internet, sémaphones, centrale téléphonique, téléphones mobiles, fax, voitures. Il a aussi besoin d’être tenu informé des dernières nouveautés en matière juridique : abonnement au Bulletin officiel, aux revues spécialisées, abonnement d’accès aux différentes banques de données juridiques existantes dans le pays ( Arthemis conseil, Masnaoui Mazars, etc…) ou étrangères ( Justel, Credoc, Judit, etc.. ), création d’une banque de données propre au cabinet ; achat d’ouvrages multiples, etc…

Bien avant de pouvoir s’installer, un avocat qui veut s’inscrire au stage du barreau de Rabat doit payer au jour de la rédaction de cet article au Conseil de l’Ordre des avocats la somme de 35.000,00 dirhams s’il vient directement de l’université et 70.000,00 dirhams s’il a déjà travaillé dans le secteur privé ou public. Le Conseil de l’Ordre apprécie souverainement le montant des droits d’inscription du candidat. Le juge n’a aucun droit de contrôle sur les tarifs que fixe le Conseil de l’Ordre ( Cour d’appel de Rabat, 24/1/2001, G.T.M n°88, p.155 ).

L’avocat au Maroc est un Bac+8 minimum détaillé comme suit : licence en droit : 4 ans ( art.5, al.3, dahir du 10/9/1993 ) + Certificat d’Aptitude ( même art. al.4 ) à l’exercice de la Profession d’Avocat + au moins une année dans un Centre Régional de Formation ( centre prévu par le même dahir, art.6, mais le décret d’application n’a pas vu le jour en fait depuis presque 10 ans – c’est ce centre qui devait en principe délivrer le C.A.P.A ) + 3 années de stage dans le Cabinet d’un Avocat inscrit au Tableau.

L’avocat agréé auprès de la Cour suprême est un Bac+18 minimum puisque pour y être agréé, le législateur exige l’exercice effectif de la profession pendant 10 années ( période de stage non incluse-art.34 dahir 1993 ).

Une fois titulaire et installé, de préférence dans les conditions indiquées plus haut, un avocat est également confronté au paiement d’autres charges permanentes : loyers, eau et électricité, téléphone, fax, internet, fournitures de bureau ( papier imprimantes, papier photocopieuses, toner, cartouches, etc…

L’avocat est également tenu de payer des cotisations au Conseil de l’Ordre des avocats ainsi que les services rendus par ce dernier, des vignettes, des timbres.. et j’en passe. A titre d’exemple, un dossier de taxation coûte 400 dirhams à l’Ordre des Avocats de Rabat. D’autre part, plusieurs types d’assurances sont imposés à l’avocat. Outre les assurances des véhicules automobiles ( ou les vignettes de ces dernières), l’avocat doit s’assurer contre la responsabilité civile, contre les accidents de travail, contre l’incendie, contre l’inondation, contre le vol… ; la C.N.S.S est là aussi pour réclamer ses cotisations et rares sont les avocats qui payent des cotisations à la Caisse Nationale de Retraite faute de moyens.

Par ailleurs, l’avocat ne peut pas travailler seul devant le nombre impressionnant des juridictions de Rabat, par exemple, sans même parler des juridictions qui se trouvent dans les autres villes ou dans les pays autres que le Maroc. Il a besoin d’avoir des associés responsables , des avocats collaborateurs, des avocats stagiaires, des secrétaires juridiques, des coursiers et des correspondants dans les autres villes. S’il s’agit d’un Cabinet spécialisé, l’avocat a parfois recours à des personnes étrangères au Cabinet, tel des docteurs universitaires ou des spécialistes en fiscalité, pour faire des recherches sur un point précis de droit.

C’est dire que le cabinet d’avocat constitue à lui seul aujourd’hui une véritable entreprise qui, pour bien fonctionner, doit elle-même être bien structurée et composée de personnes qualifiées, à commencer par les avocats eux mêmes qui doivent constamment se recycler, en passant par les collaborateurs, les secrétaires juridiques, etc.

Tout ce beau monde, a besoin d’être payé et bien payé pour mener à bien les taches que le cabinet d’avocat lui confie. Tout ce beau monde se déplace à longueur de journée, que ce soit à l’intérieur de la ville où se trouve le Cabinet ou en dehors de celle-ci entre les différents tribunaux et Cours ou entre les différentes administrations.

Le cas de Rabat

Le seul cas de Rabat peut faire l’objet d’une étude à part qui démontrera non seulement l’improvisation et le manque de planification du Ministère de la justice ( ne faudrait-il pas l’appeler « Ministère des Affaires Judiciaires » ?. L’appellation actuelle n’est-elle pas trop prétentieuse ? ) qui n’arrive pas encore, malgré les efforts accomplis depuis quelques années, à maîtriser ni la forme ni le fond de la chose du droit, mais aussi et surtout les efforts considérables accomplis quotidiennement par les avocats de Rabat. En effet, les différentes juridictions sont éparpillées à travers les différents quartiers de la ville. La Cour suprême est par exemple à Hay Riad, le tribunal administratif est au quartier Souissi ( rue Zerhoune ), le tribunal de première instance est au quartier de l’océan, la Cour d’appel est au centre ville, le tribunal militaire est au quartier de l’Agdal, la Cour spéciale de justice est au quartier de la Tour Hassan, le Tribunal de commerce est à l’ex. place Piètri, la Cour d’appel de commerce à Casablanca, le tribunal du Chraa ( avenue de la Victoire ), le Conseil constitutionnel à Bab Laalou…( dix juridictions ). D’autres juridictions seront mises en place incessamment et notamment le Tribunal de la famille. On parle aussi du « Tribunal Financier » et du « Tribunal Foncier ». Ne parlons pas des différentes administrations qui sont éparpillées un peu partout à travers la ville. Pour celui qui habite Rabat ou pour celui qui n’a qu’une carte de cette dernière, l’imagination de la fournaise des conditions dans lesquelles oeuvrent inlassablement les avocats est vite établie. A cause de cette dispersion des juridictions et des conditions médiocres dans lesquelles il travaille, l’avocat est devenu un homme « mangé », dispersé, « atomisé » n’ayant ni le temps de préparer correctement ses dossiers, ni celui de recevoir ses clients et de les renseigner sur l’évolution de leurs dossiers. N’était-il pas possible que ce même Ministère pense à l’édification d’un véritable Grand Palais de Justice, avec des aires de parking, pour regrouper toutes ces juridictions qui auraient gardé leurs spécificités propres et leurs compétences, facilitant ainsi et aux justiciables et à leur défenseurs l’accès à la justice. Cette dispersion des locaux n’est-elle pas préjudiciable au budget de l’État lui-même ?

L'avocat dans la société marocaine d'aujourd'hui

Au rythme où évoluent les juridictions, l’avocat d’aujourd’hui doit s’organiser de telle sorte qu’il puisse garder sa noblesse, sa grandeur et son idéal. Seule la spécialisation et la société d’avocats pourra le faire sortir de cette fournaise. Certains confrères ont essayé la formule de l’association ( art.25 ), mais l’esprit de société n’étant pas encore bien ancré chez nous, leur association s’est transformée après quelques années ( parfois quelques mois ) en une simple cohabitation pour finir par une séparation pure et simple. Les avocats sont-ils conscients des dangers qui les guettent avec cette mondialisation qui nous a été imposée et ces cabinets d’avocats étrangers qui commencent à s’implanter au Maroc ? ( un à Casablanca et un autre ayant formulé déjà la demande sur Rabat ). Je ne peux que tirer la sonnette d’alarme sur les menaces qu’implique une telle implantation pour le devenir de l’avocat classique, l’avocat traditionnel qu’est l’avocat marocain. Nonobstant la différence dans les moyens mis en œuvre par ces nouvelles sociétés, qu’on ne peut comparer aux moyens dérisoires des cabinets des avocats marocains, ni leur intégration et leur maîtrise du milieu des affaires, de nombreux problèmes se poseront dans le futur. Le premier en fait est qu’il s’agit là de succursales multiples dont le siège social se trouve à mille lieux d’ici et par conséquent échappent à tout contrôle. Le deuxième danger et non des moindres est l’alimentation de ces sociétés par des capitaux extérieurs à la profession d’avocat. Les détenteurs de ces capitaux pourront se servir des avocats pour attirer une clientèle dont ils conserveront le monopole. Le troisième danger viendra du non équilibre entre les cabinets classiques et ces nouvelles sociétés multinationales qui engendrera une mainmise sur le cabinet de l’avocat traditionnel auquel ne restera d’autre choix que le salariat. Mais encore faut-il qu’il remplisse les conditions qui seront posées par les capitaux extérieurs. Après avoir vendu son eau, son électricité, son téléphone… et même ses ordures, viendra un jour où le marocain verra la vente des cabinets de ses avocats ( plutôt leurs fermetures ) et n’ayons pas peur des mots, la vente de l’indépendance de ces avocats.

Les différents Barreaux du Maroc et à leur tête leur Association doivent prendre ces dangers au sérieux et organiser des tables rondes, des séminaires, des congrès sur cette question, au lieu de perdre un temps fou dans des problèmes de politique politicienne ou dans des questions tribales et même raciales qui ne font que pousser une profession vers la dérive, si elle n’y est déjà. Un bâtonnier ou un membre du Conseil de l’Ordre des avocats ainsi que tout membre d’un Barreau doit oublier qu’il fait parti de tel ou tel parti politique telle ou telle tribu, telle ou telle race, la robe de l’avocat étant la même pour tous et telle doit être leur conduite et c’est leur Union qui perpétuera leur force et non le contraire. C’est à ces conditions et à elles seules que les avocats pourront travailler et cohabiter ensemble. Les personnes qui président aux destinées de cette profession doivent aussi penser à une refonte complète de la loi de 1993 et des lois internes de chaque barreau bien archaïques avant même leurs promulgations.

Dispersé, atomisé, mangé, et bientôt envahi, l’avocat aujourd’hui n’est pas au bout de ses peines. Je préfère passer sous silence les mentalités et le niveau encore trop bas d’une grande partie du monde judiciaire que doit « affronter » ( et le terme est encore faible ) l’avocat à longueur de journée ( départements confondus ) pour faire valoir les droits de son client. Au Maroc, l’avocat travaille dans des conditions draconiennes et sous pression. Certains juges, à qui on a inculqué à l’avance un certain préjugé sur l’avocat, ne lui facilitent pas la tâche non plus. Leur comportement vis à vis des jeunes avocats laissent beaucoup à désirer. Au lieu de leur tendre la main, de les guider, de les orienter, ces mêmes juges et heureusement qu’ils ne sont pas très nombreux, excellent dans le soupçon, dans l’agressivité et dans l’intimidation. Pourtant ce sont les avocats qui forgent un juge et non l’inverse. Le juge des juges d’Égypte Abdelaziz Fahmi l’a bien expliqué en disant que « Si tu mets en balance le travail du juge et de l’avocat, tu trouveras que le travail de l’avocat est plus précis et plus dangereux puisque la fonction du juge se limite à examiner les preuves tandis-que la fonction de l’avocat c’est la créativité,(…) et la formation » « . Un autre grand juge n’a-t-il pas dit lui aussi que « l’avocat naît avocat tandis-que le juge ce sont les jours qui le façonnent ! ». Plus, ces mêmes juges ne trouvent généralement refuge qu’auprès des avocats pour les défendre ou défendre les leurs, pour publier leurs recherches scientifiques dans les différentes revues des barreaux du Maroc et leur ouvrir grandes les portes de la profession lorsqu’ils décident de quitter le corps de la magistrature pour devenir avocats. Afin d’assurer un meilleur service judiciaire, les avocats et les magistrats doivent cohabiter dans un climat serein, responsable et emprunt de respect mutuel. L’absence de ce climat fait perdre aux uns et aux autres leur crédibilité devant le justiciable et porte atteinte et au corps des avocats et à celui des magistrats.

Par ailleurs, les déboires quotidiens de l’avocat avec certains services du greffe font que le plus endurci et le plus patient des citoyens aurait « déposé les armes » depuis le premier mois de leur fréquentation. Faire un tour au service du registre du commerce de Rabat donnera une idée de ce que vit l’avocat et l’exemple de ce service est transposable à presque tous les autres services du greffe dans les autres tribunaux ou cours. Le manque de moyens, le manque du personnel dans ces services et l’étroitesse des locaux rendent le travail du greffe et par conséquent de l’avocat des plus difficiles qui soient.

Enfin, n’oublions pas que le client en confiant son dossier à l’avocat se « décharge » sur ce dernier de son problème et c’est l’avocat « qui le vit » désormais avec toute la pression imaginable et inimaginable. Sa seule récompense est souvent morale : avoir gagné une procédure pour laquelle il a tant bataillé, tant attendu et tant espéré. Sa souffrance n’est pas descriptible lorsqu’un jugement vient débouter son client dans une affaire claire et qu’il a en plus bien ficelée et dans laquelle d’autres considérations que celles de l’équité ont joué. On remarquera cependant que malgré son rôle primordial dans le juridique ou dans le judiciaire, l’avocat reste le mal-aimé de la justice et n’est pas pour autant le bien-aimé du justiciable. Cet état de fait mérite une étude particulière mais soulignons tout de même que la responsabilité d’une telle situation incombe non seulement à chaque avocat mais aussi et surtout aux différents conseils de l’ordre des avocats qui n’ont pratiquement rien entrepris pour vulgariser et la nécessité du droit dans la société et le rôle ou les rôles que joue l’avocat en tant que dynamo de ce droit. Sans droit, c’est la jungle et une personne qui a décidé de vivre seule dans une île n’a pas besoin de lois. Le droit ne se conçoit que dans un environnement social ( J.J. Rousseau ) composé de plusieurs personnes dont les intérêts sont contradictoires et la loi intervient pour réglementer leurs droits et leurs devoirs à commencer par leur vie familiale. Le but du droit c’est d’assurer la sécurité de l’individu et l’organisation de la société. Personne ne peut imaginer la ville de Casablanca ou de Rabat sans feux et sans panneaux de signalisation par exemple. C’est la loi de la circulation. Tel est le cas dans tous les autres domaines de la vie en société : politique, économique, sportif, familial, … que nous ne pouvons tous citer ici. Sans avocat, le droit restera statique, sans âme. Par conséquent la société tout entière ne peut se passer de ses avocats.

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