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Interprétation de la règle pénale (fr)

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Version du 7 juillet 2009 à 11:53 par Jean louis bader (discuter | contributions)

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Interpréter une règle de droit, c'est en fixer le sens et la portée. Le sens d'une loi doit être fixé ou établi lorsque le sens en est obscur. Quant à la portée du texte, une règle de droit est une règle abstraite et impersonnelle. Même si elle est claire, il faut fixer sa portée pour savoir si elle s'applique ou non à telle situation concrète.

L'application de la loi pénale soulève deux problèmes : d'une part celui de l'autorité compétente pour interpréter la loi pénale, et, d'autre part, celui de la manière avec laquelle interpréter la loi pénale.

Qui interprète la loi pénale ?

Parfois, une règle de droit pénal est interprétée par son auteur (par le Parlement ou par l'autorité administrative). C'est alors un interprétation authentique. Le Parlement peut ainsi adopter une loi interprétative, ce qui est assez rare. Ce qui est plus fréquent est un erratum. Ex: la forme de vente au déballage est punie par un texte qui l'a définie de manière erronée comme une « vente qui s'effectue dans des locaux habituellements destinés au commerce ».

Mais le plus souvent, l'interprétation d'une règle pénale est faite par des tribunaux répressifs. La solution est certaine lorsque le texte interprété est une loi.

Il y a beaucoup de difficultés lorsque le texte à interpréter est un règlement parce que seules les juridictions administratives sont alors compétentes. Le problème se pose aussi lorsqu'il y a des interprétations différentes. Depuis le Code pénal, les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter des règlements. « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis » art. 111-5. Ex: les arrêtés d'expulsion. Si les juridictions répressives n'étaient pas compétentes, elles devraient surseoir afin qu'une juridiction administrative se prononce. Le cours de la justice pénale serait ralenti. Ce pouvoir du juge répressif constitue une exception à la compétence du juge administratif expliquée par la théorie des questions accessoires.

Les modes d'interprétation de la règle pénale

Comment un tribunal répressif interprète-t-il une règle pénale ? Un grand principe, que la jurisprudence avait dégagé, et qui a été repris par le Code pénal, est le principe de l'interprétation restrictive[1]. Selon ce principe, les lois ou règlements comportant une sanction pénale doivent être strictement interprétés (art. 111-4 C. pén). Il est une conséquence directe du principe de légalité. Or il est évident que si un tribunal répressif pouvait interpréter largement une règle de droit pénal, le principe de la légalité serait rapidement tourné. Un tribunal finirait par punir un acte qu'aucune loi ou qu'aucun règlement n'a prévu. Le juge se ferait législateur.

Ce principe est simplement une directive qui ne détermine pas quels sont les modes d'interprétation permis et quels sont les modes d'interprétation interdits. La jurisprudence, au fil des années, a dégagé des règles en interdisant certains modes d'interprétation. De cette évolution jurisprudentielle, il résulte que, premièrement, l'interprétation par analogie est interdite, tandis que, deuxièmement, l'interprétation déclarative (de la volonté de l'auteur : interprétation téléologique) est favorisée.

Interdiction de l'interprétation par analogie

L'interprétation par analogie est une interprétation qui consiste à appliquer un texte visant un acte ou un fait précis à un acte ou un fait voisin ou analogue. Cette méthode consiste simplement à étendre le domaine d'application d'une loi à une situation voisine de celle que prévoit le texte. Ce mode d'interprétation est directement contraire au mode d'interprétation restrictive et est donc interdit[2].

Exemples :

  • Une loi de 1873 a défini pour la première fois le délit de filouterie, qui consiste à se faire servir des aliments et à ne pas les payer. Peu après, des individus ont commis des actes de filouterie de transport. La Cour de cassation a estimé que la loi sur la filouterie d'aliment ne pouvait être étendue. Il a fallu attendre 1926 pour que ce délit soit incriminé. La loi sur la filouterie de transport de 1926 visait les « voitures de place » (taxi) et non les autres véhicules ; cette loi n'a pu être étendue aux ambulances.
  • La Cour de cassation a estimé que la loi sur le délit de conduite en état d'ivresse ne pouvait s'appliquer aux conducteurs de locomotive.
  • Le Code pénal punit le délit de faux témoignage (art. 342). Le texte sur le faux témoignage ne peut pas être étendu à la falsification par un expert de son expertise[3].
  • Une loi exige l'apposition d'étiquette sur les bouteilles de vin. La Cour de cassation a décidé que ce texte n'était pas applicable aux tonneaux de vin[4].

Cependant, dans certains cas, très limités, les tribunaux procèdent à une interprétation par analogie. Il y a d'une part l'interprétation in favorem et, d'autre part, les interprétations in defavorem. Parfois, la loi pénale contient une disposition favorable au délinquant. En général, les tribunaux interprètent les dispositions favorablement à la personne poursuivie. Ex: l'art. 327 de l'ancien Code pénal dispose qu'« Il n'y a ni crime ni délit en cas de légitime défense » ou en cas de démence. La Cour de cassation a appliqué ce texte aux contraventions. Cette extension de la portée des textes n'est pas obligatoire. En effet, les lois d'amnistie ne sont pas étendues.

La jurisprudence admet quelquefois des interprétations in defavorem. Les exemples sont peu nombreux. Jamais il n'a été affirmé que l'interprétation par analogie était défavorable.

Exemples :

  • Ch. crim. 29 mai 1940 au sujet du délit d'usurpation d'identité. Ce délit visait l'usurpation d'identité civile, de l'état civil d'une personne. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a appliqué l'usurpation d'identité civile au numéro d'immatriculation d'une voiture. En 1958, le Code de la route a expressément puni ce délit, ce qui implique une désapprobation vis-à-vis de cet arrêt.
  • Le texte de l'ancien Code pénal punit le délit d'abandon de famille comme « le fait de ne pas verser à son conjoint la pension alimentaire ». La Cour de cassation a appliqué ce texte au conjoint divorcé qui ne versait plus la pension alimentaire à l'ex-conjoint. Dans le Code pénal, le texte précise « où à l'ex-conjoint divorcé ».
  • Une loi de 1856 qui exige la possession d'un permis de navigation pour conduire des navires propulsés par un moteur à vapeur. La question était de savoir si ce texte était applicable aux navires propulsés par un moteur diesel. La Cour de cassation a répondu par l'affirmative. « sans porter atteinte au principe d'interprétation restrictive de la loi pénale, l'extension de l'article&nbp;138 à tous les modes de propulsion mécanique correspond à la seule interprétation raisonnable dudit article[5] ».

Ainsi, il y a quelques bavures.

L'admission de l'interprétation téléologique

Cette méthode d'interprétation consiste à interpréter la règle pénale en fonction de la volonté de l'auteur. En d'autres termes, le juge doit s'efforcer de rechercher la raison pour laquelle un acte a été ordonné et l'appliquer à une situation correspondante. Se pose une question : comment le juge pénal recherche-t-il la volonté du législateur ? que fait-il si la règle est ancienne ? Faut-il prendre en compte la volonté du législateur de l'époque ou réactualiser ?

La recherche de la volonté de l'auteur de la règle pénale

Interprétation littérale

Cette volonté, peut être recherchée par la lecture même du texte qu'il faut interpréter. Ex: une loi de 1973 punit « toute publicité mensongère sous quelque forme que ce soit ». L'utilisation dans le texte d'une certaine formule montre bien que le législateur a voulu punir toutes les formes d'un certain délit. Le Code punit la « destruction ou dégradation de monuments ou statues ou autres objets destinés à l'utilité ou à la décoration publique ». Ce texte s'applique à la destruction de toilettes publiques. Le mot « notamment » indique une liste énonciative. Souvent, le texte même révèle que le législateur ne s'est pas contenté d'un texte limitatif.

En ce qui concerne les textes, la Cour de cassation a permis aux tribunaux répressifs de corriger des textes contenant une absurdité ; ils ne sont pas lié par ces textes. Ceci leur permet de restituer le sens du texte[6]. Le texte était un règlement disant : « Il est interdit de descendre des trains ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté ».

La consultation des travaux préparatoires

La consultation des travaux préparatoires n'est possible que s'il s'agit d'une loi : « Il appartient aux juges du fond de rechercher le domaine d'application en consultant les travaux préparatoires[7] ».

Exemples :

  • Trib. corr. Toulouse 30 octobre 1985. Un concubin était poursuivi pour avoir facilité l'entrée en France de sa concubine; l'ordonnance de 1945 punit « toute personne qui aura facilité l'entrée irrégulière en France d'un étranger ». Le Parlement avait voulu viser les agissements de réseaux terroristes ou d'espionnage. Par conséquent, l'infraction ne visait pas ce cas.
  • Colmar décembre 1971.

L'interprétation téléologique

La volonté de l'auteur peut être découverte en recherchant le but poursuivi, la finalité, la ratio legis. Ex: le vol, étant défini comme la « soustraction frauduleuse de la chose d'autrui », pouvait-il recouvrir le vol d'usage ? La volonté du législateur était de protéger tous les attributs du droit de propriété ; cette définition concerne donc le vol d'usage.[8]. Un règlement exige une autorisation administrative pour ouvrir un débit de boisson. Un bar gratuit est-il un débit de boisson ? Le législateur a voulu lutter contre l'alcoolisme : un bar gratuit est donc considéré comme un débit de boisson.

L'interprétation d'une règle ancienne

De quelle volonté le juge doit-il tenir compte pour interpréter la règle de droit pénale : de la volonté historique du législateur ou de la volonté qui aurait été la sienne aujourd'hui ? La soustraction frauduleuse de la chose d'autrui peut-elle englober le vol d'électricité qui n'est pas une chose ?

Il y a deux méthodes d'interprétation pour le juge. La méthode de l'exégèse ne tient compte que de la volonté historique du législateur. Cette méthode respecte parfaitement la volonté de l'auteur de la règle. L'inconvénient de cette méthode est de figer le texte. La deuxième méthode est la méthode de la libre recherche scientifique, qui consiste à tenir compte de la volonté modernisée du législateur. Un texte ancien sera interprété comme s'il avait été adopté aujourd'hui, en suivant l'évolution de la société et de la science.

Entre ces deux méthodes la jurisprudence n'a jamais hésité : elle a toujours adopté la méthode de la libre recherche. Ainsi, la Cour de cassation a décidé que le terme « chose » pouvait recouvrir l'électricité. De même, une loi de 1881 punit notamment la diffamation par voie de presse. La jurisprudence a décidé d'étendre ce texte à la radio et à la télévision, et l'a étendu à Internet[9].

La loi sur la presse punit également l'apologie des crimes de guerre par des discours, des écrits, des imprimés. Une Cour d'appel avait appliqué la méthode de l'exégèse à un disque de Le Pen ; la Cour de cassation a cassé l'arrêt en disant qu'« un imprimé est tout moyen de reproduction de la pensée d'une personne[10] ». Les tribunaux peuvent interpréter un texte librement sans être lié pas la volonté du législateur. C'est un moyen d'adapter les textes aux évolutions.


Notes et références

  1. Crim. 10 décembre 1985
  2. Crim. 31 mars 1992
  3. CA Paris 24 juillet 1917
  4. Ch. crim. 1945
  5. Crim 1er avril 1965
  6. C. cass. 8 mars 1930 (affaire Bailly)
  7. Crim. 10 décembre 1985
  8. Ex: Trib. de Paris 26 janvier 1971
  9. Crim 30 janvier 2001. Cette solution a été modifiée par l'art. 6 V de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, partiellement censurée par la décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 du Conseil constitutionnel
  10. Crim. 14 janvier 1971, affaire Le Pen

Voir aussi