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Abrogation des décisions exécutoires (fr)

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Actes juridiques de l'administration > Acte administratif unilatéral > Durée des effets de la décision exécutoire
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L'abrogation des décisions exécutoires est la cessation pour l'avenir de la force juridique de celles-ci. Elle ne joue que pour l'avenir. La faculté d'abrogation met en cause le principe de l'intangibilité des effets individuels des actes. Dans certains cas, l'abrogation est possible, dans d'autres, elle est obligatoire.

La possibilité d'abrogation

L'abrogation des actes réglementaires

S'agissant des actes réglementaires, leur abrogation pour l'avenir est toujours possible. Un règlement peut faire acquérir des droits dans le passé, mais il ne peut en faire acquérir pour l'avenir. Une jurisprudence constante reconnaît qu'un règlement peut être abrogé totalement ou modifié. Il a même été décidé que lorsqu'un règlement avait été pris pour une certaine durée, l'administration conservait la faculté de le modifier[1].

L'abrogation des actes individuels

En ce qui concerne les actes individuels, on se réfère ici à l'existence ou à la non existence de droits acquis. L'acte individuel qui a créé des droits au profit des administrés ne peut être abrogé pour l'avenir. Par contre, il peut l'être lorsqu'il n'a pas créé des droits[2].

Il convient donc de préciser la notion de droits acquis. Sur cette notion, la jurisprudence est assez stricte. Elle considère comme non-créateurs de droits, et donc susceptibles d'être abrogés, les actes suivants :

  • acte affecté d'une condition suspensive[3] ;
  • acte obtenu frauduleusement[4] à l'occasion d'un certificat mensonger pour postuler à un diplôme universitaire ;
  • rejet d'une demande (= refus, mesure négative)[5] ;
  • mesure de police administrative, à cause de l'ordre public[6] ;
  • mesures recognitives comme par exemple les mesures à caractère pécuniaire[7].

Inversement, si l'acte individuel a créé des droits, il ne peut être abrogé.

Il faut bien comprendre ce que signifie cette prétendue intangibilité des effets des actes individuels. On ne veut pas dire que l'acte est à jamais immuable. On veut simplement dire qu'il ne peut être abrogé que selon les formes et les procédures prévues par le droit. C'est ainsi que, selon un exemple classique, l'acte de nomination d'un fonctionnaire ne peut être abrogé parce qu'il a créé des droits. Mais l'administration peut parfaitement prononcer la révocation du fonctionnaire en utilisant les procédure légales comme la révocation disciplinaire le licenciement administratif ou la mise à la retraite. On veut simplement dire que l'acte n'est pas un acte discrétionnaire mais un acte réglementé. C'est en cela qu'il y a eu création de droits.

L'obligation d'abrogation

Si l'abrogation se présente ainsi comme un droit, on peut se demander si, dans certaines conditions, il ne peut pas y avoir une obligation d'abrogation, c'est-à-dire un droit non pas pour l'administration, mais pour les administrés. Nous rencontrons ici l'influence du changement de circonstances sur les actes administratifs. Une jurisprudence remarquable reconnaît que les administrés peuvent en invoquant un changement de circonstances demander à l'autorité administrative de modifier ou d'abroger un règlement et de soumettre éventuellement au juge la décision de refus.

Dans l'affaire Despujol[8], le conseil municipal de Chaumont-sur-Loire avait pris des mesures en vue de limiter et de taxer le stationnement des automobiles dans l'agglomération. Les requérants prétendaient que cette réglementation ne correspondait plus aux circonstances de fait et qu'elle devait être abrogée. Les délais pour intenter un recours en excès de pouvoir étaient expirés. Ne devait-on pas atténuer les conséquences de cette réglementation et permettre qu'un règlement devenu illégal ne reste pas en vigueur ? Le Conseil d'État l'a admis en posant deux règles qui traduisent l'influence des circonstances nouvelles sur l'acte administratif.

  • S'il y a changement dans les circonstances de fait qui ont motivées le règlement, les intéressés peuvent s'adresser à l'auteur de l'acte en lui demandant de l'abroger et ils peuvent soumettre au juge administratif le refus éventuel.
  • S'il y a situation juridique nouvelle, c'est-à-dire un changement dans les circonstances de droit qui ont motivées le règlement, créées par exemple par une loi ultérieure, les intéressés peuvent demander l'annulation du règlement pour excès de pouvoir.

1- Sur le changement dans les circonstances de fait, la jurisprudence Despujol a eu l'occasion d'être confirmée[9]. Il faut savoir que la répartition du contingent de production de rhum entre les sucreries de la Guadeloupe était organisé par un décret de 1933, alors que la production globale de sucre avait alors triplé et que l'activité des entreprises avait augmenté dans des proportions variables. Le règlement était à l'évidence inadapté aux circonstances nouvelles. Pouvait-on transposer dans le domaine de l'administration économique la jurisprudence Despujol ?

Le juge administratif a répondu par l'affirmative, mais a précisé qu'en matière économique, cette faculté doit être limitée aux cas où le changement de circonstances dans lesquelles la disposition trouvait sa base légale « a revêtu, pour de causes indépendantes de la volonté des intéressés, le caractère d'un bouleversement tel qu'il ne pouvait entrer dans les prévisions de l'auteur de la mesure et qu'il a eu pour effet de retirer à celle-ci son fondement juridique ».

Ainsi, trois conditions ont été posées par le Conseil d'État pour que l'abrogation d'une mesure économique puisse être exigée:

  • Il faut que le changement de circonstances revête le caractère d'un bouleversement des situations de fait (théorie de l'imprévision).
  • Il faut que ce bouleversement soit indépendant de la volonté des parties, ce qui est essentiel en matière économique, afin d'éviter la spéculation.
  • Il faut enfin que le bouleversement n'ait pu être prévu par l'auteur de l'acte.

2- Sur le changement des circonstances de droit, la jurisprudence a eu là aussi l'occasion d'appliquer la jurisprudence Despujol, s'agissant cette fois de changement dans les circonstances de droit[10].

3- On doit mentionner encore que le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers[11] dispose que l'autorité compétente est tenue de faire droit à une demande d'abrogation d'un règlement illégal dès son origine ou qui l'est devenu la suite des circonstances postérieures à son édiction. Ces circonstances sont notamment l'adoption ou l'entrée en vigueur d'une norme du droit communautaire.

Ce texte ne change rien à la jurisprudence, d'autant que celle-ci a décidé que l'obligation d'abroger était un principe général du droit et qu'elle devait s'effectuer sans aucune condition de délai[12]. De surcroît, la jurisprudence a décidé que cette règle valait non seulement pour les actes réglementaires, mais aussi pour les actes non-réglementaires[13].

Les articles 2 et 3 du décret de 1983 ont été abrogés[14] en 2006 parce que l'art. 16-1 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration[15] a confirmé cette jurisprudence :

« L'autorité administrative est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ».

Notes et références

  1. Conseil d'État 25 juin 1954 Syndicat national de la meunerie à seigle : Dalloz 1955 p. 49
  2. Conseil d'État 1er décembre 1950 EDF : Sirey 1951 III p. 61
  3. Conseil d'État, 6 mars 1953 Levert: p; 116
  4. Conseil d'État 17 juin 1955 Silberstein : p. 334
  5. Conseil d'État 5 mai 1944 Cie maritime de l'Afrique orientale
  6. Conseil d'État 4 juillet 1958 Greaff : RDP 1959 p. 315. Dans cette affaire, l'autorisation donnée à des enfants de fréquenter une école privée avait été retirée pour des motifs sanitaires
  7. Conseil d'État 15 octobre 1976 Buissière : AJDA 1976 p. 557
  8. Conseil d'État 10 janvier 1930 Despujol
  9. Conseil d'État 10 janvier 1964 Ministre de l'agriculture c/ Sieur Simonnet : Rec. p. 19. V. également Conseil d'État 30 janvier 1987 Gestin
  10. Conseil d'État 10 janvier 1964 Syndicat national des cadres de bibliothèque : Rec. p. 17. Conseil d'État 12 mai 1976 Leboucher et Tarandon : AJDA 1977 p. 261
  11. Art. 2 et 3 du décret n° 83-1025 du 25 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers (version consolidée) : JORF n° 280 du 3 décembre 1983, p. 3492
  12. Conseil d'État, assemblée, 3 février 1989 Alitalia : Recueil Lebon, p. 44
  13. Conseil d'État 30 novembre 1990 les Verts : RFDA p. 571
  14. Par le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif (version consolidée) : JORF n° 280 du 3 décembre 1983, p. 3492, entré en vigueur en 2007
  15. loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration (version consolidée) : JORF n° 88 du 13 avril 2000 p. 5646

Voir aussi