Contrats informatiques / Modification du droit de la vente (de)
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La réforme du droit de la vente
La réforme du droit des obligations a modifié le droit de la vente en s'inspirant du droit du contrat d'entreprise, mais n'a pas modifié les autres contrats spéciaux. Nous allons d'abord examiner le droit de la vente, puis nous verrons celui des autres contrats.
Sommaire
L'inexécution dans le contrat de vente
Le nouveau régime du contrat de vente se caractérise par le caractère extensif de la notion de défaut et par le nombre d'options dans le régime de la sanction du défaut.
La notion de défaut
Le § 433 BGB pose les obligations du vendeur (al. 1er) et celles de l'acheteur (al. 2). Lorsque le vendeur manque à ses obligations, l'acheteur dispose des droits précisés aux §§ 439 al. 1er et s. BGB, avec toutefois une certaine latitude laissée au vendeur (§ 439 al. 2, al. 3 BGB).
Les §§ 434, 435 BGB définissent les conditions du défaut de la chose vendue et soumettent à un régime unique ce qui correspond en droit français au vice caché (art. 1641 et s. C. civ) et à la non-conformité (art. 1604 C. civ.). Le régime du défaut, défini selon ces mêmes paragraphes §§ 434, 435 BGB, recouvre également la garantie d'éviction du droit français (art. 1626 et s. C. civ.), mais seulement en ce qui concerne le trouble de droit : une fois la propriété de la chose transmise, le résultat de la garantie du vendeur contre le fait personnel est atteint par l'application des §§ 985, 1004 BGB, qui s'appliquent, que l'auteur du trouble soit le vendeur ou un tiers. Cette notion du défaut se rapproche du droit de la CVIM[1].
La notion de défaut du nouveau droit allemand de la vente est plus simple qu'en droit français. Elle recouvre le manquement 1° aux stipulations contractuelles, 2° à l'emploi supposé par le contrat et 3° à l'usage et à la qualité habituels. Il est expressément précisé dans la loi que la chose est défectueuse lorsque le vendeur livre une autre chose ou une autre quantité que celle convenue (§ 434 al. 3 BGB). C'est donc une conception à la fois subjective et objective du défaut[2]. Elle remplace la distinction « souvent divinatoire[3] » entre peius et aliud, ce qui entraînait soit l'application du régime du vice caché, soit celui de l'inexécution pour violation positive d'une créance[4]. Il faut noter qu'en droit français, la distinction entre manquement à l'obligation de délivrance et vice caché est, elle aussi, devenue incompréhensible[5] et sa suppression a été proposée[6].
Le dysfonctionnement trouve le plus souvent son origine dans le programme[7]. Les normes du BGB lui sont applicables, puisque la Cour fédérale de justice l'a considéré comme une chose matérielle (v. supra). De même, les dispositions concernant la vente des biens de consommation (§ 474 et s. BGB) sont applicables au logiciel. Enfin, sont également applicables les dispositions sur la responsabilité du fait des choses défectueuses. Ce dernier cas n'est pas un cas d'école, étant donné son utilisation dans les appareils médicaux et militaires, mais il n'y a pas jusqu'à présent de jurisprudence à ce sujet[8].
La question de l'établissement du vice était un des points les plus discutés du droit du traitement des données[9]. Une définition précise du défaut est interdite par l'évolution de la technique[10]. Il est impossible de recourir à des standards généraux concernant l'exigence de qualité[11]. D'une part, l'industrie répète à loisir qu'il est impossible de faire un logiciel exempt de défaut[12], d'autre part, les auteurs s'accordent à penser qu'un dysfonctionnement peu grave et peu fréquent ne suffit pas à engager la responsabilité du vendeur[13].
La délimitation entre qualité garantie et vice est plus floue en matière de logiciel que dans les autres domaines du droit civil[14]. Avant la réforme, l'obtention de dommages et intérêts n'était possible que si une garantie sur la qualité avait été accordée[15]. Il était par conséquent conseillé au client de préciser au maximum dans le contrat ses attentes en matière de performances du logiciel[16].
Beaucoup des décisions reconnaissant un vice de la chose sont à imputer à une maladie de jeunesse dans la réalisation des logiciels, et ces défauts ont été supprimés[17]. Il est incontestable, par exemple, que constitue un défaut le fait qu'un programme imprime des points d'interrogation au lieu de guillemets. Mais la suppression de ce défaut peut entraîner pour le fabriquant des coûts exorbitants[18]. De telles questions ont été posées aux juges, ce qui marquait un certain durcissement de la part des fabriquants de logiciels[19]. La réforme du droit des obligations, en retenant une conception large du défaut, a donc considérablement amélioré la situation de l'acheteur.
Sanction du défaut
Le nouveau régime du défaut n'impose plus de distinguer le vice caché de la non-conformité. Si l'acheteur a eu connaissance du défaut ou s'il aurait dû en prendre connaissance (§ 442 al. 1er phrase2 BGB), le défaut est entré dans le champ contractuel. Si le vendeur a assumé une garantie sur un défaut ou s'il a dissimulé dolosivement le défaut lors de l'achat, il est responsable du défaut (§ 442 al. 1er phrase2 BGB). La garantie d'une qualité de la chose, selon la jurisprudence antérieure à la réforme, doit être plus que simplement convenue : il doit y avoir un véritable engagement de la part du vendeur[20]. Les exigences sectorielles habituelles servent de critère d'évaluation[21].
Le régime du défaut en droit allemand est tout d'abord régi par le droit commun de l'inexécution des prestations contractuelles (§ 439 al. 1er nos2 et 3 BGB), que nous avons déjà vu. Toutefois, selon le § 437 al. 1er n° 2 BGB, le droit de résolution est exclu par l'exercice du droit à la réduction du prix de vente (Minderung), conformément au § 441 al. 1er BGB.
L'acheteur peut également demander l'exécution ultérieure[22] (Nacherfüllung) sur le fondement du § 439 al. 1er n° 1 BGB, qui recouvre soit la suppression du défaut, soit la livraison d'une chose exempte de vice. Le vendeur peut refuser l'une et l'autre si cela entraîne pour lui des coûts disproportionnés (§ 439 al. 3 BGB). La loi prévoit des règles s'appliquant au cas où la suppression du vice échoue : en général, la suppression du défaut est réputée avoir échoué après deux essais infructueux (§ 440 phrase 2 BGB). La jurisprudence devra préciser cette question en ce qui concerne les logiciels.
Les dispositions spécifiques en matière d'appréciation du vice dans les vente commerciales (§§ 377, 378 HGB) restent inchangées par la réforme. Il s'agit, entre commerçants, de l'obligation pour l'acheteur d'inspecter la chose dès la réception et de signaler immédiatement les éventuels défauts décelables[23]. Étant donné la difficulté, parfois, de déceler un défaut, la question a été posée de savoir si ces normes étaient applicables aux programmes d'ordinateur. La Cour fédérale de justice a tranché positivement cette question, du moins en ce qui concerne les logiciels standards[24]. Cependant, cette jurisprudence a été atténuée en ce qu'elle apprécie différemment le critère de l'immédiateté de la réclamation[25].
La notion et le régime de vice de la chose ont été modifiés. Nous verrons la notion de défaut juridique à la lumière de la réforme du droit d'auteur.
Le défaut juridique
Le vendeur est tenu à garantie contre le fait du tiers pour un trouble de droit, en droit français (art. 1602 et s. C. civ.) comme en droit allemand (§ 433 al. 1er, phrase 2 BGB). En matière d'informatique, le matériel ne peut fonctionner sans un programme, lequel est protégé par le droit de la propriété littéraire et artistique. Les contrats informatiques contiennent donc presque toujours la transmission de droits d'utilisation en faveur du acheteur, ceux nécessaires à la réalisation du contrat (v. supra).
Le trouble de droit peut provenir de ce que le vendeur n'était pas titulaire des droits d'exploitation qu'il a vendus ; dans ce cas, l'acheteur peut se voir assigner en cessation du trouble et en dommages et intérêts (§ 97 al. 1er UrhG) ou en suppression ou abandon des copies de l'œuvre (§ 98 UrhG). L'acheteur devra céder devant le titulaire des droits d'auteur[26] et se retourner contre son vendeur en raison du défaut juridique dont est affectée la chose. Il est vraisemblable que l'action ex post de l'auteur fondée sur le § 32a UrhG ne peut constituer un défaut, car elle ne peut être préventivement exclue.
En droit français, la question de savoir si la vente de programme d'ordinateur est admise n'est pas tranchée[27]. Signalons simplement que l'art. 1599 C. civ. frappe de nullité, relative selon la jurisprudence[28], la vente de la chose d'autrui : « La vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ».
Le nouveau régime de la vente est en grande partie inspiré de celui du contrat d'entreprise.
Liens et références
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2285.
- ↑ H. Brox, W.-D. Walker, op. cit., p. 31 et s., § 4 n° 9.
- ↑ W. Rosch, Le nouveau droit de la vente : présentation générale, RIDC 4-2002, p. 973.
- ↑ H. Brox, op. cit., 25e éd. C.H.Beck 1998 Munich, p. 168, n° 168.
- ↑ Ph. Mallaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, op. cit., p. 209.
- ↑ Ph. Le Tourneau, Conformité et garantie dans la vente d'objets mobiliers corporels, RTD com. 1980, p. 231 et s. ; P. Jourdain, op. cit., p. 4.
- ↑ M. Henssler, op. cit., p. 489.
- ↑ J. Marly, Softwareüberlassungsverträge, p. 480, n° 1152.
- ↑ M. Henssler, op. cit., p. 491.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ J. Marly, Softwareüberlassungsverträge, p. 482, n° 1155.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ Heussen, Computerrechts-Handbuch, nos 182 et s.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ M. Henssler, op. cit., p. 492.
- ↑ M. Henssler, loc. cit.
- ↑ C. Zahrnt, op. cit., p. 134.
- ↑ C. Zahrnt, op. cit., p. 135.
- ↑ La Nacherfüllung est la possibilité pour le débiteur d'achever ou d'exécuter son obligation conformément au contrat, après la fixation d'un délai raisonnable par le créancier.
- ↑ H. Brox/W.-D. Walker, op. cit., p. 41 et s., § 4 n° 39.
- ↑ BGH 24 janvier 1991 ; JZ 1990, p. 972, note Lieb.
- ↑ C. Marly, op. cit., p. 502, n° 1200.
- ↑ C. Marly, op. cit., p. 173, n° 391, qui envisage toutefois l'application de la théorie de l'apparence. En admettant l'utilisation par analogie de l'action dont dispose l'auteur pour demander une rémunération proportionnée à l'usage de l'œuvre (§ 32a UrhG), la solution serait envisageable.
- ↑ J. Huet, op. cit., p. 799.
- ↑ Ph. Mallaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, op. cit., p. 156, n° 185.