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Mesure technique de protection (fr)

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France > Droit d'auteur 
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Une oeuvre a généralement pour objet de faire découvrir au public, ou à une certaine catégorie de public, le talent de son ou de ses auteurs. Avant l'apparition des instruments permettant la diffusion à grande échelle d'une oeuvre, la question du respect des droits de l'auteur se posait rarement. La Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1886) est la première à s'intéresser de manière concrète à la protection des droits d'auteur. Mais l'apparition de la radio puis de la télévision vont précipiter les choses, les auteurs percevant les risques d'une diffusion non autorisée de leurs créations. En France, la loi du 11 mars 1957 constitue les fondements du droit d'auteur contemporain. Si les oeuvres sont désormais protégées, celles-ci vont faire face à un nouveau péril apparu au millieu des années 90 : l'extraordinaire expansion de l'Internet et des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Désormais, les moyens de diffuser une oeuvre, et aussi de la pirater, sont extrêmement performants, rapides et accessibles au plus grand nombre. Par conséquent, ce péril a du être contré par différents stratagémes, dont l'un d'entre eux est dénommé "mesures techniques de protection".


La terminologie

Définition des termes

"Mesures techniques"

Selon l'article 6.3 de la directive du 22 mai 2001, on entend par "mesures techniques" "toute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les oeuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur prévu par la loi, ou du droit sui generis prévu au chapitre III de la directive 96/9/CE".

"Protection"

Le mot "protection" désigne le groupe de procédés par lesquels on peut se protéger de certains événements. Dans l'univers de la propriété litteraire et artistique, et si ce mot est couplé à "mesures techniques", "protection" désigne les dispositifs qui, sur certains supports, interdisent la copie de ceux-ci.

La gestion numérique des droits (GND)

La gestion numérique des droits, encore appelée "Digital Right Management" (DRM) en anglais, regroupe l'ensemble des mesures envisagées pour lutter contre le piratage numérique en matière de droit d’auteur. L'objectif est en fait de pouvoir contrôler l'utilisation qui est faite des oeuvres numériques. Parmi l'ensemble de ces mesures, on retrouve les mesures techniques de protection.

L'acception juridique de "mesure technique de protection"

Selon la loi du 1er août 2006, relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, il s'agit de toute technologie, dispositif ou composant permettant aux titulaires de droits de contrôler l'utilisation faite de leurs oeuvres grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage, ou encore tout mécanisme de contrôle de la copie.


Les mesures techniques de protection en droit français

Le traité de l'OMPI du 20 décembre 1996

Deux traités furent adoptés à cette date, mais ils ne seront ratifiés qu'en 2002. Le premier est relatif au droit d'auteur, et le second concerne les droits voisins. Le traité de l'OMPI sur le droit d'auteur du 20 décembre 1996 traduit les prémisses de la mise en place des mesures techniques et de leur protection. En effet, son article 11 énonce : "Les Parties contractantes doivent prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en œuvre par les auteurs dans le cadre de l’exercice de leurs droits en vertu du présent traité ou de la Convention de Berne et qui restreignent l’accomplissement, à l’égard de leurs œuvres, d’actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi". Ainsi, pour la première fois est évoquée la question de la protection juridique des mesures techniques. Ce texte va influencer les rédacteurs de la directive du 22 mai 2001.


La directive européenne du 22 mai 2001

L'article 6 de la directive n°2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins reprend la philosophie générale du traité OMPI. Notamment, il impose aux Etats membres de prendre des mesures pour lutter contre toute activité destinée à neutraliser les dispositifs de protection des oeuvres. C'est cette impulsion européenne qui entraînera , 5 ans plus tard, la rédaction d'un texte spécifique au droit d'auteur en France.

La loi DADVSI du 1er août 2006

En 2005, la France fut condamnée pour non-tranposition de la directive du 22 mai 2001. C'est donc dans l'urgence que le Parlement décida de se saisir de la transposition de cette directive. Lors de son adoption, un vote "surprise" d'un de ses amendements fit débat : celui de la licence globale. Cette dernière avait pour objet de légaliser le téléchargement privé contre rémunération forfaitaire prélevée soit directement sur le montant total de la connexion Internet, soit auprès de chaque Internaute, en supplément du prix de sa connexion. Au final, la licence globale ne fut pas adoptée par l'Assemblée Nationale, celle-ci préférant recentrer le débat sur la gestion numérique des droits et sur l'interopérabilité entre les différentes techniques de protection. Ainsi, après être passé devant le Conseil constitutionnel le 27 juillet 2006, le texte fut adopté le 1er août 2006. Cette loi a pour principal objectif de lutter contre le téléchargement de fichiers illégaux sur les plates-formes de peer-to-peer (ou P2P, réseaux décentralisés permettant de partager des fichiers informatiques), via la protection de mesures techniques de protection (MTP ou DRM en Anglais), limitant l’accès et la copie de certains médias (CD, DVD).

La loi n°2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (loi "DADVSI"), prévoit donc plusieurs dispositions encadrant la mise en oeuvre de mesures techniques visant à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées d'une oeuvre par des titulaires de droit sur celle-ci. L'essentiel de ces dispositions ont été insérées au sein du Code de la propriété intellectuelle, à l'article L. 331-5. D'un point de vue technique, cette protection passe par la mise en place de systèmes permettant aux titulaires de droits de contrôler l'utilisation faite de son oeuvre, notamment grâce à un code d'accès, à une technique de cryptage, de brouillage, ou encore d'un mécanisme de contrôle de la copie. Par ailleurs, cette loi interdit expressément toute technique ayant pour objet de déjouer les mesures techniques de protection. L'article L. 335-3-2 du Code de la propriété intellectuelle indique que les peines varient de 3750 euros d'amende à six mois d'emprisonnement et 30000 euros d'amende si quelqu'un tente de déjouer ces mesures techniques.

Enfin, la loi énonce que les mesures techniques ne peuvent s'opposer au libre usage de l'oeuvre, et plus particulièrement, elles ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité dans le droit d'auteur. En clair, toute oeuvre, quel que soit son support (audio, vidéo...) ou format (wma, mp3, avi...) doit pouvoir être lisible sur n'importe quel lecteur, logiciel ou équipement prévu à cet effet. C'est dans ce domaine, celui de l'interopérabilité, que l'Autorité de régulation des mesures techniques joue un rôle central.

Le décret du 23 décembre 2006 relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d'auteur et aux droits voisins

Comme il a été vu, la loi DADVSI prévoit des sanctions pénales pour le contournement d'une mesure technique ; mais elle ne prévoyait pas les contraventions applicables au contournement réalisé à l'aide d'un outil spécifique. Vide comblé par ce décret du 23 décembre 2006 qui pénalise le fait de détenir ou d'utiliser un outil dédié au contournement d'une mesure technique: au maximum, de tels actes peuvent être sanctionnés par 750 euros d'amende (contravention de 4ème classe). Ce décret vient donc compléter l'arsenal répressif instauré par les dispositions de la loi DADVSI, notamment en insérant un nouvel article dans le Code de la propriété intellectuelle : il s'agit de l'article R. 335-3 qui énonce qu'"Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait : 1° De détenir en vue d'un usage personnel ou d'utiliser une application technologique, un dispositif ou un composant conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique efficace mentionnée à l'article L. 331-5 du présent code qui protège une oeuvre, une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme, un programme ou une base de données ; 2° De recourir à un service conçu ou spécialement adapté pour porter l'atteinte visée à l'alinéa précédent."

Mais pour mettre en oeuvre la loi et son décret, la création d'une autorité spécialement dédiée s'avérait être primordiale.



Le rôle de l'Autorité de régulation des mesures techniques

Historique

L'Autorité de régulation des mesures techniques a été créée par la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (loi DADVSI)[1] ; mais il faut attendre le décret du 4 avril 2007[2] pour que cette Autorité soit mise en place.

L'organisation

Le fonctionnement de cette nouvelle autorité administrative indépendante est régi par le décret du 4 avril 2007. Elle est composée de six membres, nommés par décret pour un mandat de six ans, sur proposition des responsables de leurs organismes d’origine, conformément à la loi, afin de garantir son indépendance.

Les compétences

L'ultime objectif de cette Autorité : l’interopérabilité des mesures techniques et la garantie de la copie privée. Parce que les possibilités techniques et les usages ne cessent de se modifier et évoluent rapidement, l’autorité de régulation des mesures techniques doit s'adapter et doit être constamment en phase avec les innovations technologiques, afin de préserver à la fois le droit d’auteur, l’exception pour copie privée et l’interopérabilité. Ainsi, l’Autorité peut fixer le nombre minimal de copies privées en fonction du type de support.

Par ailleurs, elle peut également ordonner l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité des mesures techniques à tout éditeur de logiciel ou tout exploitant de service. Le but est de permettre au consommateur de lire les œuvres sur le support de son choix.

L’Autorité se doit de favoriser la conciliation. Pour autant, le législateur a tenu à doter l’Autorité de pouvoirs étendus, en lui permettant notamment de prononcer des injonctions sous peine d’astreinte financière pour faire exécuter ses décisions. Elle a également, en matière d’interopérabilité, la possibilité de prononcer des sanctions pécuniaires lourdes pour ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements ou les injonctions de l’Autorité. Ses décisions peuvent être contestées en appel auprès d’une juridiction usuelle, la Cour d'appel de Paris.

La matérialisation des mesures techniques de protection

La loi a donc instauré ces mesures pour tenter de juguler le piratage incessant des droits d'auteur. Pour autant, concrètement, comment se matérialise des mesures techniques? Il faut distinguer quatre grandes catégories de supports :

Le logiciel et les systèmes d'exploitation

L'accès aux logiciels propriétaires fait le plus souvent appel aux mesures techniques de protection, notamment pour protéger le code source. Ainsi, de plus en plus de logiciels demandent un identifiant et un mot de passe. Cette autorisation d'utilisation du logiciel est bien souvent gérée localement en entrant simplement des données stockées sur un serveur accessible en ligne (chiffres/lettres).

Pour les systèmes d'exploitation, dans la majorité des cas, deux types de protections existent pour empêcher la copie privée : une protection technique (sur le support de stockage du fichier, lors du transfert de ce fichier, lors de la visualisation et par le système d'exploitation Windows Vista) et une protection juridique permettant l'utilisation de ces techniques et qui sanctionne leur non-utilisation.

La diffusion de services télévisuels

La protection des services TV est effectuée par un système d'accès conditionnel (en anglais Conditional Access System ou CAS). Le système est implanté sur une carte à puce qui s'insère dans le terminal. Le chiffrement en Europe utilise l'algorithme DVB CSA (Digital Video Broadcast Common Scrambling Algorithm). DVB est l'association européenne qui normalise les aspects de la télévision numérique. DVB n'a standardisé que l'algorithme de chiffrement et le transport de deux types de licences ECM (Entitlement Control Message) qui transporte la clé de déchiffrement et EMM (Entitlement Management Message) laquelle transporte les droits de l'usager. L'utilisation de ces licences ainsi que leur protection est propriétaire ("logiciel propriétaire" par opposition aux "logiciels libres", dont l'utilisation de la licence est moins contraignante). D'où l'emploi des cartes à puce. Afin d'offrir une forme d'interopérabilité des terminaux, DVB a normalisé une interface DVB-CI (Common Interface) qui permet de partager un même terminal avec plusieurs opérateurs d'accès conditionnels. DVB-CI utilise la même connectique que PCMCIA.

Ainsi, les services télévisuels français usent des mesures techniques, usage renforcé avec le passage au tout numérique d'ici 2011 : la norme de compression/décompression adoptée, le mpeg4, sera couplée à une technologie de chiffrement spécifique, laquelle s'inscrit totalement dans la définition type d'une mesure technique de protection.

Le DVD vidéo

Le DVD fut l'un des supports pionniers mettant en oeuvre un système de protection anti-copie. Les enjeux pour ce support sont considérables, et les majors de la distribution, en coalition avec les sociétés de prodution cinématographique, se sont regroupés au sein de la "DVD Copy Control Association" qui gère les licences d'utilisation et qui fournit aux utilisateurs une clé de décryptage permettant de lire les supports ; il existe plus de 40 clés différentes.

Le débat sur les mesures techniques de protection a trouvé son point d'orgue avec la célèbre affaire "Mulloland drive" : le support DVD fut au centre du débat et il a été jugé par la Cour de cassation que les mesures techniques prévalaient sur le droit à la copie privée. La jurisprudence valide donc, pour le support DVD, les dispositions de la loi DADVSI.

Périphériques et supports CD

Par périphériques, il convient d'entendre tout support capable d'enregistrer, de capter, ou de diffuser toute donnée ou information numérisée. Ainsi, avec le phénomène de convergence des médias, ces périphériques constituent un danger pour les ayants-droits qui craignent une reproduction massive (et non autorisée) de leurs oeuvres, quelle que soit la nature de celles-ci (audio, vidéo...). Ces périphériques sont donc directement visés par la loi DADVSI : ils peuvent comporter des mesures techniques de protection destinées à protéger les droits d'auteur. Mais il faut cependant que l'interopérabilité soit préservée. L'exigence d'interopérabilité entraîne inéxorablement la question de la copie privée, intimement liée au sujet, comme le démontre l'affaire Mullholand Drive vue plus haut.

Pour le support CD, support matérialisé et nettement plus classique, les mesures techniques ne sont pas nouvelles. Pour les CD musicaux traditionnels (entendons ici ceux émanant des maisons de disques), ils sont bien souvent protégés afin d'éviter toute copie intempestive. Mais là encore, se pose le problème de l'exception (et non du droit) à la copie privée. Aujourd'hui, le conflit entre ces DRM et la copie privée est non seulement récurrent, mais aussi problématique. Lequel de ces deux droits prévaut? Force est de constater que les DRM ont tendance, depuis peu, à s'assouplir afin de plier aux exigences des fervents défenseurs de la copie privée (inscrite dans le Code la propriété intellectuelle). Enfin pour les CD vierges (CD-R ou CD-RW), notons qu'une taxe spéciale fut instaurée au nom de l'exception de copie privée, taxe qui vaut pour aussi pour les DVD vierges et pour les disques durs (pour les disques durs multimédias, taxe en vigueur au 1er février 2008, que l'on appelle "redevance pour copie privée" ou encore "droit d'auteur forfaitisé" ; pour les disques durs "traditionnels", taxe en vigueur depuis le 1er octobre 2007).

La question résiduelle de l'applicabilité de la loi aux jeux vidéos

En droit, les jeux vidéos restent un objet juridique non identifié. Est-ce un vidéogramme ou un logiciel ? Est-ce un cumul des deux ? Du point de vue de la propriété littéraire et artistique, est-ce une oeuvre collective ? Les décisions de jurisprudence confirment l'incertitude quant au statut juridique du jeu vidéo. Et la loi DADVSI entretient ce flou, puisque l'article L. 331-5 du Code de la propriété intellectuelle ne vise pas expressement les jeux vidéos. Ainsi, nul ne sait si les jeux vidéos sont soumis à la loi DADVSI et s'ils peuvent bénéficier des mesures techniques de protection. Ce sera aux juges de trancher.


Les remises en cause des mesures techniques de protection

Pour les consommateurs, comme pour certains professionnels de l'industrie audiovisuelle et de l'industrie informatique, les dispostifs anti-copies sont illicites et vont à l'encontre des droits fondamentaux des utilisateurs. Parmi ces droits fondamentaux bafoués, on retrouve celui de la vie privée du consommateur. Mais d'autres arguments des détracteurs de la loi DADVSI ont été soulevés, comme celui de l'atteinte à l'exception de copie privée.

Une atteinte à l'exception de copie privée?

Comme il a été vu, la loi prévoit, sous certaines conditions, un droit à la copie privée[3]. C'est donc en toute logique que les opposants aux DRM ont soulevé l'argument de "droit à" la copie privée. Mais les juges français ont recadré ce droit en le requalifiant d'"exception". En effet,selon une première jurisprudence, la mesure qui restreint l'usage et interdit la copie n'est pas en soi répréhensible [4]. Dans cette affaire,un consommateur français s'était procuré légalement le film Mulholland Drive en DVD. Mais, à sa grande surprise, il lui fut impossible de faire une copie de sauvegarde de son disque acheté dans le commerce, à cause de la protection bloquant cette fonction sur son ordinateur. Après avoir contacté l’UFC Que Choisir, l’association dépose devant le Tribunal de Grande Instance de Paris une plainte contre les sociétés Alain Sarde et Studio Canal, ainsi que contre le distributeur Universal Pictures Video, estimant que cette restriction nuit aux libertés fondamentales de l'utilisateur. Dans sa décision, la Cour d'appel rappelle que l'exception de copie privée est une exception légale au droit d'auteur, et non pas un droit absolu reconnu à chaque usager ; en outre, elle précise que cette exception ne peut être limitée qu'aux conditions prévues par la loi. Enfin, la Cour affirme que l'exception de copie privée serait conforme au "test des trois étapes". Ainsi, on le voit, le droit à la copie privée à été recadré et devient une "exception à la copie privée".

Dans une seconde jurisprudence, la Cour de cassation dans un arrêt du 28 février 2006 [5] casse la décision de la Cour d'appel. En effet, la Cour estime qu'en application du test en trois étapes, l'exception de copie privée doit être exclue car elle porte atteinte à "l'exploitation normale de l'œuvre". Les mesures techniques de protection sont donc entièrement légitimées et elles prévalent sur l'exception de copie privée. Il convient de noter que cette jurisprudence a été confirmée récemment par une nouvelle décision de la Cour d'appel de Paris, laquelle restreint encore plus fortement l'exception de copie privée [6] .

L'argument du vice caché

Dans le passé, les juges ont à plusieurs reprises estimé que les restrictions d'usage rendent le support impropre à sa finalité originelle. [7] [8] Dans ces décisions, les juges ont estimé que les mesures techniques de protection constituaient des restrictions d'usage inacceptables pour le consommateur, lequel ne pouvait s'attendre, lors de l'achat du produit incriminé, à perdre une des fonctionnalités principales dudit produit. Dès lors, les juges ont affirmé que ces restrictions d'usage rendaient le support impropre à l'usage auquel l'utilisateur pouvait légitimement s'attendre ; l'éditeur du support fut, dans ces deux cas, condamné à rembourser le prix d'achat du support. Une décision plus récente du tribunal de grande instance de Paris a statué dans le même sens le 10 janvier 2006.

Une atteinte aux droits des consommateurs?

Sur le terrain de la protection des droits fondamentaux des consommateurs, l'atteinte à la vie privée de ces derniers apparaît comme un argument central. Pour autant, un autre argument est fréquemment soulevé par les consommateurs : le défaut d'information.

L'argument du défaut d'information

Dans un rapport du 23 juin 2004 [9], le Conseil économique et social souhaite que les consommateurs soient avertis de manière claire et explicite de l'existence de mesures techniques sur l'emballage du produit. De même, il recommande qu'il y soit indiqué leurs contraintes. Dans un arrêt de la Cour d'appel de Versailles [10],les juges ont estimé que l'insuffisance d'information était de nature à induire en erreur puisque les mesures techniques de protection sont susceptibles de provoquer des incompatibilités avec certains lecteurs. Ainsi, la société défenderesse fut condamnée à indiquer sur les emballages de ses produits vendus la mention "attention, il -le disque- ne peut être lu par tout lecteur ou autoradio" et à 10 000 euros de dommages et intérêts.

Les incompatibilités entre les formats et les appareils de lecture

Ces incompatibilités sont les conséquences concrètes et malheureusement bien connues des utilisateurs ; ainsi, la loi DADVSI précise que "les conditions d'accès à la lecture d'une oeuvre, d'un vidéogramme d'un programme ou d'un phonogramme et les limitations susceptibles d'être apportées au bénéfice de l'exception pour copie privée (...) par la mise en oeuvre d'une mesure technique de protection doivent être portées à la connaissance de l'utilisateur" [11].

Le problème plus général de l'interopérabilité

L'une des dispositions de la loi Dadvsi affirme le principe suivant : les mesures techniques de protection ne doivent pas empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité dans le respect du droit d'auteur. L'objectif est de concilier les mesures techniques avec l'interopérabilité, laquelle permet au consommateur d'une oeuvre légalement acquise de l'utiliser sur un lecteur dont la finalité est de permettre la lecture de l'oeuvre. Mais en pratique, force est de constater que l'interopérabilité n'est pas véritablement effective. De nombreux problèmes ont été signalés par les consommateurs, comme l'impossibilité de lire un CD musical légalement acheté sur un auto-radio ou sur un ordinateur. Dans ces cas précis, on peut douter de la légitimité d'une mesure technique de protection : une oeuvre ne tend-elle pas à l'universalité? une fois qu'elle est légalement acquise, son utilisateur doit-il être restreint en ce qui concerne un usage "normal" de l'oeuvre? Autant de questions sans réponse. La nouvelle Autorité mise en place par la loi DADVSI aura pour lourde tâche de combler ces lacunes en favorisant l'interopérabilité tout en préservant les mesures techniques.

Une atteinte à la liberté et à la vie privée du consommateur

Plus globalement, tous ces problèmes soulevés par la mise en oeuvre de la loi DADVSI ont pour certains porté plus ou moins directement atteinte à la liberté et à la vie privée du consommateur.

Liberté tout d'abord car la consommateur est censé être libre concernant l'utilisation d'une chose légalement achetée. Il a été prouvé que les DRM limitent considérablement le "libre" usage d'une oeuvre.

Atteinte à la vie privée en second lieu car certaines mesures techniques, comme des programmes spécifiques, vérrouillent des accès précis aux utilisateurs et permettent même d'espionner ses moindres faits et gestes (sur Internet évidemment) ; le tout au nom de la protection des droits d'auteur... Il est par conséquent logique que les consommateurs se soient insurgés de la mise en oeuvre de ces mesures techniques. La loi DADVSI fut chargée de corriger toutes ces failles. Mais, comme il a été affirmé, ce sera à l'Autorité spécifiquement créé de remédier à ces défaillances.

Vers la fin des mesures techniques de protection?

Au début de l'année 2008, après EMI, Warner et Universal Music, Sony BMG, dernier éditeur musical à avoir conservé ses verrous numériques, s'est enfin plié à la décision d'abandon des DRM. Il semblerait donc que la mode soit, au niveau international, au délaissement des mesures techniques. L'industrie du disque étant en crise, les majors ont décidé de revoir leur stratégie. Pourquoi alors la France continue-t-elle à vouloir appliquer les DRM? Rien est moins sûr, le rapport Olivennes sur le téléchargement illégal propose le filtrage des réseaux contre la fin des DRM. Or, on le sait, ce rapport est hautement important pour l'avenir de l'industrie musicale et audiovisuelle française. Un texte de loi est en préparation, lequel pourrait mettre fin aux DRM s'il suit à la lettre le rapport olivennes.


Voir aussi

Liens externes


Notes et références

  1. Loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, J.O n° 178 du 3 août 2006
  2. Décret n° 2007-510 du 4 avril 2007 relatif à l'Autorité de régulation des mesures techniques instituée par l'article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle, JORF n° 81 du 5 avril 2007 page 6427
  3. articles L. 311-1 à L. 311-8 du Code de la propriété intellectuelle
  4. Cour d’appel de Paris, 4e Chambre B, 22 avril 2005 Stéphane P. et UFC Que Choisir c/ Universal Pictures Video France ; affaire dite "Mulholland Drive"
  5. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 28 février 2006 Universal Pictures vidéo France, SA Studio canal et Syndicat de l’édition vidéo, SA Films Alain Sarde c/ M. Stéphane P. et UFC Que Choisir
  6. Cour d'appel de Paris, 4e chambre, section A, 4 avril 2007 Association UFC - Que Choisir, Monsieur S. P. c/ Société Universal Pictures Video France, S.A. Films Alain Sarde, S.A. Studio Canal et Syndicat de l’édition video
  7. TGI Nanterre, 2 septembre 2003, Madame F.M. et UFC Que Choisir c/ SA EMI Music France et Sté Auchan France
  8. Cour d'appel de Versailles, 1ere Chambre, 1ere section, 30 septembre 2004 EMI MUSIC FRANCE c/ CLCV
  9. Rapport "LES DROITS D'AUTEUR"
  10. Cour d'appel de Versailles, 15 avril 2005, Françoise M., UFC-Que Choisir c/ SA EMI Music France
  11. Article L.331-12 du Code de la propriété intellectuelle