Contrats informatiques / Règles générales applicables (de) : Différence entre versions
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Version du 2 mars 2005 à 18:55
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Droit des contrats informatiques > Les règles générales applicables aux contrats informatiques
Les règles générales applicables aux contrats informatiques
Nous verrons :
- Les modifications de la partie générale du droit des obligations
- La qualification du logiciel
Les modifications de la partie générale du droit des obligations
Les modifications de la partie générale du droit des obligations ont porté principalement sur trois points : la codification dinstitutions prétoriennes, le droit applicable aux troubles dans lexécution des prestations contractuelles et la modification du droit commun de la prescription, dont il a déjà été question.
Sommaire
La codification d'institutions prétoriennes
La codification dinstitutions prétoriennes na pas eu lambition de les modifier. On peut donc se reporter à la jurisprudence antérieure1. Les institutions en question sont la responsabilité précontractuelle, le droit de résiliation extraordinaire, et la disparition du fondement contractuel. Nous laisserons de côté la « résiliation extraordinaire » (Kündigung aus wichtigem Grund), car ce droit ne présente pas de spécificité dans les contrats informatiques par rapport au droit commun.
La responsabilité précontractuelle
La responsabilité précontractuelle, ou ancienne culpa in contrahendo, a été codifiée au § 311 al. 2 BGB. Selon la nouvelle réglementation, on peut engager cette responsabilité dans trois cas : lorsque des pourparlers ont été engagés ; lorsque des mesures préparatoires à la conclusion dun contrat ont permis à une partie dagir sur « les droits, les biens ou les intérêts » de lautre partie ; enfin, lorsquil y a entre les parties des rapports daffaires similaires. Si lon se trouve dans lun de ces cas de figure, il existe entre les parties un rapport dobligation (Schuldverhältnis), qui oblige les parties à « respecter les droits, les biens et les intérêts de lautre2 », selon le § 241 al. 2 BGB.
On peut remarquer quil existe une ambiguïté quant au fondement de la responsabilité en droit allemand. La responsabilité précontractuelle avant la conclusion éventuelle dun contrat utilise de ce fait les notions du droit de la responsabilité délictuelle. Le mot « biens » dans le § 241 al. 2 BGB est la traduction du mot « Rechtsgüter », qui désigne une notion du droit de la responsabilité délictuelle allemand. Celui-ci nouvre droit à réparation que dans des cas bien délimités, et le § 823 al. 1er BGB entend par « Rechtsgüter » la vie, la santé, la liberté, la propriété et autres droits similaires (dont le droit des biens immatériels, cest-à-dire le droit dauteur, le droit des brevets, et le droit des marques et modèles déposés3). Si en droit français, la responsabilité précontractuelle est délictuelle (art. 1135 al. 1er C. civ.), certaines décisions ont cependant admis la responsabilité sur le fondement dune responsabilité contractuelle4. Les obligations précontractuelles sont en particulier lobligation dinformation, le devoir de conseil, le devoir daide et dassistance, les devoirs issus de promesses, qui, en elles-mêmes, ne constituent pas encore un accord contractuel, et lobligation de négocier de bonne foi5.
La responsabilité précontractuelle permet dindemniser le dommage né dune rupture abusive des pourparlers à deux conditions : lune des parties, a sans raison, laissé penser quelle voulait conclure un contrat pour ensuite interrompre les pourparlers6. La responsabilité précontractuelle permet également de sanctionner le dommage causé par un mauvais conseil donné durant la phase détude du contrat, ou celui découlant de lessai dommageable dun logiciel7. Cette responsabilité, intervenant dans la phase préparatoire du contrat, a donc le même effet que celle du manquement au devoir de conseil en droit français, si importante en matière de contrats informatiques8. Lobligation dinformer le cocontractant, comme en droit français, relève dune appréciation des juges au cas par cas9. Les critères utilisés par le juge allemand sont, entre autres, lexpérience du client, la connaissance professionnelle du fournisseur de programme, son niveau de connaissance professionnelle, ainsi que la confiance du client en la connaissance du professionnel10 ; en la matière, il faut prendre en compte la définition légale du consommateur et celle du professionnel (§§ 13, 14 BGB).
Le contrat légalement formé oblige les parties à respecter les obligations convenues. Lévolution de la situation apporte toutefois une exception à ce principe.
La disparition du fondement contractuel
Le § 313 BGB consacre la disparition du fondement contractuel (Wegfall der Geschäftsgrundlage), qui correspond à la théorie de limprévision11. Cette théorie permet de demander ladaptation, la résolution ou la résiliation dun contrat à exécution successive lorsque les conditions dans lesquelles le contrat a été conclu, ont tellement changé que léquilibre contractuel est modifié, au point que le contrat naurait pas été conclu, ou quil laurait été dans des conditions différentes si elles avaient été connues. Initialement fondée sur le principe de bonne foi (§ 242 BGB), laction est maintenant régie par le § 313 BGB.
Celui-ci concerne des cas exceptionnels : guerre ou inflation galopante, , mais la jurisprudence a admis même des raisons subjectives, tel le fait pour une chanteuse de ne pas aller exécuter son tour de chant parce que son enfant est très malade12. La disparition du fondement contractuel concerne en particulier « des changements de législation, des difficultés dexécution, lerreur dans la cause subjective du contrat lorsque le cocontractant connaissait et approuvait ces motifs, lerreur commune portant sur une circonstance essentielle pour la formation du contrat13 ». Cela amène à la disparition du fondement contractuel et permet par exemple de résilier un contrat de maintenance complète (préventive et curative) pour mauvaise exécution14, un contrat de distribution exclusive pour cause dévolution technique15, ou un contrat dentreprise portant sur la réalisation dun logiciel contre une rémunération fixe. Encore faut-il que léquilibre des prestations contractuelles ait été un élément déterminant dans la volonté des parties16. Le droit allemand applicable aux contrats informatiques admet désormais une autre possibilité de faire évoluer les obligations du contrat en fonction de lévolution de la situation : laction de lauteur dune uvre pour recevoir une rémunération proportionnée à son exploitation (v. infra).
La disparition du fondement contractuel permet la résolution dun contrat, à cause de la résolution ou de la nullité dun contrat distinct, dans les conditions ci-dessus, mais sans recourir à la notion dindivisibilité au sens du § 139 BGB17. Il existe cependant des décisions qui recourent à la notion dindivisibilité18. La solution en droit français est la suivante : lindivision est admise en droit français (art. 1217 et s. C. civ.), mais non limprévision. La résolution de contrats distincts portant lun sur du matériel informatique et lautre sur un logiciel est un problème important, en raison de létablissement du lien entre les deux19. Le critère de ce lien est que lindivision doit procéder dune volonté certaine, mais elle peut être implicite20. Par ailleurs, la théorie de limprévision nest pas admise en droit français21. En pratique, le résultat est le même en ce qui concerne la disparition dune convention distincte de la convention annulée ou résolue.
La codification de ces institutions prétoriennes na pas inclus la plus importante dentre elles, à savoir la violation de lobligation par un comportement positif (p.V.V.), car celle-ci a disparu dans la refonte du droit sappliquant aux « troubles dans lexécution des prestations contractuelles » (Pflichtverletzung).
Le trouble dans l'exécution des prestations contractuelles
La réglementation des troubles dans lexécution des prestations contractuelles est essentielle en matière de contrats informatiques parce que 10 à 15 % des projets informatiques échouent22. Cest le domaine où lon trouve le plus derreurs23. Nous allons dabord examiner la détermination des obligations contractuelles dans les contrats informatiques, avant de voir le droit sappliquant aux troubles dans lexécution des prestations contractuelles tel quil résulte de la réforme.
La détermination des obligations nées du contrat
La loi détermine les droits et obligations découlant du contrat suivant les différents types de contrat. Les obligations découlant du contrat de vente sont prévues par le § 433 BGB, celles découlant du contrat dentreprise par le § 631 BGB. Lexécution et linterprétation du contrat (§ 157 BGB) sont soumises au principe général de bonne foi (§ 242 BGB), dont le respect est contrôlé au cas par cas par les juges24. Cest ce principe qui permettra de sanctionner labsence de collaboration entre les parties. La loi met aussi des devoirs particuliers à la charge de certains professionnels, notamment pour les contrats conclus à distance (§§ 312b et s. BGB, § 3 BGB-InfoV). Comme nous lavons mentionné au début, les contrats informatiques passés par ladministration sont soumis aux EVB-IT.
Le BGB définit également en négatif ce que doivent être les obligations du rapport dobligation. Outre les nullités pour atteinte aux bonnes murs (§ 138 BGB) ou pour violation dune loi (§ 134 BGB), le droit des conditions générales daffaires, incorporé au BGB dans les §§ 305 à 310, interdit les clauses abusives dans les contrats dadhésion, non seulement dans les contrats passés avec des consommateurs, mais également dans les contrats passés entre professionnels25. La sanction de lillicéité dune clause générale daffaires est particulièrement efficace puisque seule la clause illicite est invalidée (§ 307 BGB). Le droit dauteur limite également la liberté contractuelle (v. infra), mais à lintérieur des bornes que fixent les §§ 312b et s. BGB (v. infra).
À lintérieur de ces limites, il revient aux parties de définir les obligations du contrat. Contrairement au droit français26, la définition exacte des obligations pourra se faire après la conclusion du contrat en matière de vente, soit unilatéralement par lune des parties, soit par un tiers (§§ 315 et s. BGB). La liberté des parties est grande en ce domaine, la limite étant le respect du principe de bonne foi. La possibilité de définir la portée des obligations dun contrat après sa conclusion peut également être réalisée au moyen dun avant-contrat, distinct du contrat principal, ce qui est admis aussi bien en droit français27 quen droit allemand28.
En ce qui concerne les contrats informatiques, la détermination des obligations est une opération complexe, qui se fait souvent progressivement, fréquemment au moyen dun cahier des charges ou dautres documents préparatoires29. Ces documents sont, dune part le cahier des charges, fait par le client, et, dautre part, un document de lentrepreneur déterminant, du côté des informaticiens, les caractéristiques techniques du logiciel à concevoir30. Une hiérarchie est souvent établie entre ces documents, chacune des parties cherchant à faire prévaloir sa définition des prestations contractuelles31. Ce procédé est retenu par le VOL/B (§ 1 al. 2)32, qui dispose quen cas de contradiction dans le contrat, sont applicables par ordre de priorité : la description de lobligation, les conditions contractuelles particulières, toute condition contractuelle complémentaire, toute condition contractuelle additionnelle, toute condition contractuelle technique générale, les conditions contractuelles générales pour lexécution des obligations.
Lorsque des conditions générales daffaires sopposent, la Cour de justice fédérale considère quelles se neutralisent et que le droit commun est applicable33. En droit français, la solution est différente : la Cour de cassation a décidé quavant lexécution du contrat, lautre partie aurait dû refuser celles des conditions générales qui ne lui convenaient pas34.
Une définition trop vague des caractéristiques dun programme à concevoir permet au maître douvrage de tout exiger35. Il en va de même pour la clause autorisant le maître douvrage à modifier unilatéralement les caractéristiques du programme à élaborer36. Si une clause ne contrevient pas aux §§ 312b BGB, labus dans lusage de cette clause pourra tout de même éventuellement être sanctionné par le § 242 BGB. Il appartient au juge de reconnaître lexistence dune obligation issue du rapport dobligation et dapprécier son exécution37.
Le renvoi à des documents extérieurs au contrat, afin de définir les obligations nées du contrat, ne découle pas forcément de la volonté expresse des parties. Le législateur a inclu dans la définition du défaut de la chose les déclarations publiques du fabriquant, telles que la publicité sil en est responsable (§ 434 al. 1er phrase 3 BGB). Cela réduit la portée dun principe bien admis en droit allemand mais non en droit français, principe selon lequel une offre faite à un public indéterminé ne vaut pas offre38. Certes, la présentation par le fabriquant des qualités dune chose ne vaut pas offre, mais si un contrat est conclu, cette présentation aura précisé le contenu du contrat à condition quelle soit entrée dans le champ contractuel ([[Code civil Art.434|§ 434 al. 1er phrase< 3 BGB). La conformité du contenu du contrat avec le contenu de la publicité est sanctionnée par le droit de la concurrence (§§ 3 et s. UWG).
La situation en droit français nest pas différente car la vente sur référence est également admise39. Dans lappréciation de létendue des obligations contractuelles, la jurisprudence prend en compte divers documents, tels que documents techniques, types, modèles, normes, catalogues, voire documents publicitaires, à condition quils aient été communiqués au client40.
Les règles concernant la définition des obligations ayant été exposées, nous allons maintenant examiner les règles sanctionnant leur violation.
Le nouveau droit applicable aux troubles dans lexécution des prestations contractuelles
Les règles anciennes ainsi quune importante institution prétorienne ont cédé la place à un principe général sanctionnant la violation des obligations contractuelles41, selon lequel toute violation dune obligation contractuelle donne droit à indemnisation (§ 280 al. 1er BGB). Ce principe est inspiré de la CVIM42, mais, conformément au droit allemand, son application exige lexistence dune faute, traditionnelle en droit allemand43.
En cas de manquement à une obligation contractuelle, le débiteur ne peut être condamné à lexécution forcée, mais le créancier peut demander une indemnisation (§ 280 al. 1er en relation avec : soit le § 281, soit le § 282, soit le § 283 BGB) et la compensation des frais engagés (§ 280 al. 1er en relation avec le § 284 BGB). Le droit à dommages et intérêts nexclut pas le droit de résolution du rapport dobligation (§ 325 BGB).
Les §§ 323 et s. BGB autorisent également le créancier de lune des obligations nées dun contrat synallagmatique à opérer la résolution (Rücktritt) du contrat pour non-exécution dune obligation née du rapport dobligation (§ 323 en relation avec le § 241 al. 1er BGB) ou dune obligation secondaire de celui-ci (§ 324 BGB), ou en cas dimpossibilité dexécuter lobligation (§ 326 BGB).
Les règles que nous venons de voir constituent le droit commun des contrats. Nous verrons par la suite les règles relatives aux contrats spéciaux. Les contrats informatiques doivent en outre respecter le droit de la propriété littéraire et artistique, car ils portent la plupart du temps sur lusage dun logiciel.
- W.-T. Schneider, La codification dinstitutions prétoriennes, RIDC 4-2002, p. 967.
- W.-T. Schneider, loc. cit.
- H. Brox/W.-D. Walker, op. cit., p. 451, § 51 n° 9.
- Ph. Mallaurie, note sur larrêt C. cass. 7 mars 1989 Valverde : D. 1991, p. 2.
- Zahrnt, op. cit., p. 175.
- <FONT id="IT-V39C. Zahrnt, op. cit., p. 41.</FONT>
- J. Marly, Softwareüberlassungsverträge, p. 223, n° 496.
- Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 8.
- J. Marly, op. cit., p. 223 n° 499.
- J. Marly, loc. cit., p. 224 n° 500.
- W.-T. Schneider, op. cit., p. 964.
- H. Brox, Allgemeiner Teil des BGB, p. 216, n° 427.
- W.-T. Schneider, op. cit., p. 965.
- C. Zahrnt, op. cit., p. 327.
- Selon C. Zahrnt (op. cit., p. 64), qui donne lexemple suivant : lorsque la mémoire vive était chère, un importateur avait négocié le droit exclusif dimporter un programme de compression des données, en contrepartie de quoi, il sengageait à en commercialiser une quantité minimum. La fonction remplie par ce programme était contenue en standard dans la version suivante de MS-DOS.
- Zahrnt, op.cit., p. 272.
- Marly, op. cit., p. 124, n° 271.
- Marly, loc. cit.
- Ph. Mallaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, Contrats spéciaux, 13e éd. Cujas 2000, p. 139, n° 4.
- F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil Les obligations, 6e édition, Dalloz 1996.
- C. cass. 6 mars 1876, D. 1876, I, p. 193 Canal de Craponne, note Giboulot.
- N. Müller, loc. cit.
- N. Müller, loc. cit.
- H. Brox, op. cit., p. 309, n° 640.
- J. Bauerreis, Le nouveau droit des conditions générales daffaires, RIDC 4-2002, p. 1015.
- F. Ferrand, Droit privé allemand, Dalloz 1997, p. 323 et s., nos 308 à 310.
- Ph. Mallaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, op. cit., p. 116 et s.
- H. Brox, Allgemeines Schuldrecht, C.H. Beck Munich 1998, p. 40, nos 54 et s.
- Marly, op. cit., p. 21, n° 47.
- N. Müller, loc. cit.
- N. Müller, loc. cit.
- Verdingungsverordnung für Leistungen, loc. cit.
- J. Bauerreis, op. cit., p. 1013.
- Ch. com. 3 décembre 1985 : RTD com. 1987, p. 111, obs. J. Huet.
- N. Müller, loc. cit.
- N. Müller, loc. cit.
- V. par exemple http://www.jusdata.info/de/meinung/200307.html
- H. Brox, Allgemeiner Teil des BGB, p. 309, p. 32, n° 170.
- Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 69.
- Id.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2285.
- F. Ranieri, La nouvelle partie générale du droit des obligations, RIDC 2002, p. 943.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2281 et s.