Erreur de fait en droit administratif (fr)
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Le juge administratif peut-il décider qu'en cas de pouvoir discrétionnaire, une erreur de fait, une inexistence des motifs en fait, peut vicier la décision ? La réponse est difficile. Dans l'hypothèse précédente de motifs erronés, à savoir l'erreur de droit, on pouvait toujours dire qu'il y avait eu violation de la loi. Mais ici, la même explication devient impossible. L'administration a un pouvoir discrétionnaire, mais elle a invoqué un fait inexact. On voit mal où peut se situer la violation de la loi.
Pourtant, la jurisprudence accepte de sanctionner de telles attitudes en appliquant la jurisprudence Camino.
Sommaire
Principe de la sanction de la décision entachée d'erreur de fait
Ce principe a été affirmé dans l'arrêt Trépont[1]. Le sieur Trépont, préfet, avait été mis en congé « sur sa demande », alors que pareille demande n'avait jamais été formulée, que le gouvernement disposait en cette matière d'un pouvoir discrétionnaire et qu'il n'avait donc pas à motiver sa décision. Le Conseil d'État a pourtant annulé la décision en relevant l'inexactitude du fait et en précisant que la décision du gouvernement reposait sur une cause juridique inexistante.
Cette jurisprudence a été confirmée à de multiples reprises[2].
On peut noter qu'à la fin des années soixante, la dissolution d'associations communistes a alimenté ce contentieux. Selon le Conseil d'État, entrent dans les prévisions de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées les organisations appelant au « grand soir » sans avoir commis d'acte révolutionnaire[3], ayant participé aux évènements de mai et juin 1968[4] ou ayant revendiqué des attentats à main armée[5].
L'appréciation des faits pouvant fonder une décision administrative
Le juge a eu à préciser l'appréciation des faits devant fonder les décisions administratives. À ce titre, il a estimé, d'une part, qu'une erreur bégnigne n'est pas suffisante pour faire annuler une décision, qu'une décision fondée sur des faits non avérés est entachée d'erreur, mais, d'autre part, qu'une appréciation inexacte des faits, causée par une erreur non fautive de la part de l'auteur de la décision peut aboutir à l'annulation de la décision.
Les faits à prendre en compte doivent avoir une influence sur la décision
Lorsque la décision ne repose pas sur une cause juridique inexistante, c'est-à-dire lorsque l'erreur n'a pas eu d'influence sur la décision, l'erreur de fait ne pourra entraîner l'annulation de la décision[6].
Les faits à prendre en compte doivent être avérés
Cette idée est présente dans l'arrêt Trépont. Lorsque des sanctions administratives s'ajoutent à la constatation d'une infraction, la matérialité des faits fondant la décision doivent être établis avec certitude et non reposer sur des soupçons par ailleurs vraisemblables[7].
Les faits à prendre en compte doivent se rapprocher le plus possible de la réalité
Lorsque l'erreur de fait n'est pas commise par l'auteur de la décision, la décision prise sur des faits inexacts sera entachée d'erreur de fait[8]. De même, des faits inconnus de l'auteur de la décision au moment où il l'a prise, mais ayant une influence sur le sens de celle-ci, conduisent le juge à la considérer comme entachée par une erreur de fait, la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date où elle est intervenue[9].
Ce dernier point marque un pas supplémentaire : l'administration doit même se fonder sur des faits qu'elle ne peut pas connaître. Il peut être difficile pour une décision d'être pleinement en accord avec les faits sur lesquels elle doit se fonder, ce qui illustre la dialectique du fait et du droit.
Notes et références
- ↑ Conseil d'État 20 janvier 1922 Trépont : RDP 1922 p. 81
- ↑ Conseil d'État 18 décembre 1968 Sieurs Durand et Barbero. Conseil d'État 14 février 1969 Secrétaire d'État au logement. Conseil d'État 23 janvier 1977 Sieur Prat. De même, le licenciement d'un agent contractuel délégué est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il est motivé par une « réorganisation du service » qui n'a pas eu lieu (Conseil d'État 17 octobre 1984)
- ↑ Conseil d'État 21 juillet 1970 Sieur Schroedt
- ↑ Conseil d'État 21 juillet 1970 Sieur Jurquet. Conseil d'État 21 juillet 1970 Sieurs Boussel et Stobnicer. Conseil d'État 21 juillet 1970 Sieurs Krivine et Frank
- ↑ Conseil d'État 13 janvier 1971 Sieur Geismar
- ↑ Conseil d'État 9 mai 1969 Pierson. Conseil d'État 24 juillet 1981 SARL X
- ↑ Conseil d'État 3 novembre 1989 CHINA TOWN LIMITED. Conseil d'État 22 mai 1992 Sieur Sabatier
- ↑ Conseil d'État 21 juin 1972 Sieur Foucaut
- ↑ Conseil d'État 26 février 1988
Voir aussi
- Trouver la notion "erreur de fait" AND administratif dans l'internet juridique français
- Erreur manifeste