Contrat d'entreprise (fr)
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Le contrat d’entreprise n’apparaît pas dans le Code civil sous cette dénomination, on l’appelle « contrat de louage d’ouvrage ». À l’origine, le Code civil connaissait deux types de louage : le louage de choses (art. 1713) et le louage d’ouvrage (art. 1779 et suivants). Ils n’ont pas le même objet. Dans le contrat de louage de choses, les parties s’entendent sur la jouissance d’une chose (ex : contrat de bail). Dans le contrat de louage d’ouvrage, les parties s’entendent sur la réalisation d’un ouvrage, ce qui ne signifie pas forcément la réalisation d’une chose corporelle (ex : un costume sur mesure), elle peut être incorporelle et consister en un service (ex : se faire couper les cheveux).
Le contrat de louage d’ouvrage prend naissance à l’article 1779 du Code civil qui lui-même distingue trois espèces principales de louage d’ouvrage :
- le louage des gens de travail qui s’engagent au service de quelqu’un,
- le louage des voituriers qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises,
- le louage des entrepreneurs d’ouvrage et techniciens par suite d’études, des architecte, devis ou marchés.
Cet article pose quelques difficultés :
- le premier n’existe plus, c’est le contrat de travail qui est aujourd’hui peu réglementé par le Code civil mais surtout par le Code du travail.
- le second est maintenant extrêmement réglementé dans le cadre du contrat de transport que nous n’étudierons pas.
- le troisième est celui que nous étudierons mais le texte du Code civil est mal rédigé puisque, par exemple, l’insertion de « devis et marchés » ne qualifie pas le contrat d’entreprise mais juste une de ses modalités. De plus, les « techniciens, architectes, etc. » ne sont pas les seuls concernés (garagistes, médecins, etc.). Nous appellerons donc ce contrat de louage « contrat d’entreprise » à partir de maintenant. Celui-ci rencontre de nombreux problèmes de qualification. Il est délicat de le distinguer, dans un certain nombre de cas, de contrats voisins.
Sommaire
- 1 I. Le contrat d’entreprise et les contrats voisins
- 2 II. Définition du contrat d’entreprise
- 3 Section 1 – Le régime commun
- 3.1 I. La conclusion du contrat d’entreprise
- 3.2 II. L’exécution du contrat d’entreprise
- 4 Voir aussi
- 5 Notes et références
I. Le contrat d’entreprise et les contrats voisins
Ces distinctions fondatrices de la qualification du contrat d’entreprise peuvent s’opérer à plusieurs niveaux :
- Il faut d’abord le distinguer des autres louages d’ouvrage (contrat de transport, contrat de travail).
- Il faut aussi le distinguer des louages de choses (contrat de bail, etc.)
- Il faut le distinguer des contrats autres que le louage qui peuvent parfois être confondus avec lui.
A. Contrat d’entreprise et autres contrats de louage d’ouvrage
1) Contrat d’entreprise et contrat de travail
À première vue, ces deux contrats n’ont rien en commun. Le salarié met à la disposition de son employeur sa force de travail. L’entrepreneur réalise une chose pour le maître d’ouvrage. Mais si un artisan réalise à maintes reprises une activité pour une même personne, les deux notions se mêlent. Ex : un agent est employé par un golf pour réaliser l’entretien et la gestion d’un green, réalise-t-il un service (contrat d’entreprise) ou est-il salarié (contrat de travail) ?
Le tribunaux distinguent les deux contrat en utilisant le critère du lien de subordination. En l’occurrence, est-ce que l’agent répondait aux ordre, instructions et contrôle du dirigeant du golf ? En effet. Le contrat a donc été qualifié de contrat de travail[1].
Ce problème se pose dans de nombreux cas, surtout pour la catégorie des personnes travaillant à domicile. Elles bénéficient donc maintenant d’un régime dérogatoire que l’on trouve dans le Code du travail.
2) Contrat d’entreprise et contrat de transport
La difficulté surgit dans le contrat de déménagement où certaines obligations ressortent du contrat de transport (véhiculer les meubles) et d’autres du contrat d’entreprise (remonter les meubles, etc.).
Ici, les tribunaux ont opté pour le critère de l’accessoire. Dans chacun des contrats de déménagement, on regarde si c’est le contrat de transport ou le contrat d’entreprise qui domine. S’opère alors une distinction entre les déménagements longue distance (contrat de transport) et les déménagements courte distance (contrat d’entreprise, ex : déplacer une usine à 100m). Le choix s’explique par la lourdeur et la complexité du droit du contrat de transport (différent par air, par eau, etc.) par rapport à la légèreté des règles du contrat d’entreprise.
cf. 1ère civ. 25 novembre 1997, Bull. I n°332 : un moniteur de pilotage a son élève, l’enseignement prime sur le transport donc c’est un contrat d’entreprise.
B. Contrat d’entreprise et contrats de louage de chose
Hypothèses où la distinction est difficile : contrats concernant les résidences hôtelières avec services => mise à disposition d’un appartement (louage de chose) et préparation du petit déjeuner le matin (contrat d’entreprise). On applique, là aussi, le critère de l’accessoire. Dans la grande majorité des cas, on conclue que le louage de chose est plus important.
C. Contrat d’entreprise et contrats autres que les louages
1) Contrat d’entreprise et contrat de vente
La qualification est très souvent difficile, en tout cas pour toutes les entreprises qui livrent des produits à leur clientèle. Réalisent-elles des contrats de vente ou des contrats d’entreprise ? Dans les deux cas, il y a transfert de propriété d’une chose. Pour un contrat d’entreprise, la chose livrée est conforme aux spécifications du client, elle a demandé une longue mise au point et une confection non standardisée. Ex : distinction entre le prêt-à-porter (contrat de vente) et les vêtements sur mesure (contrat d’entreprise). Donc, si le produit est fabriqué en série et qu’il est disponible pour n’importe quelle personne intéressée, le contrat conclu est un contrat de vente. En revanche, si le produit a été fabriqué pour un client déterminé selon les spécifications que celui-ci a demandées, on sera face à un contrat d’entreprise.
Illustration récente : Cass. 3ème civ. 27 février 2008, Dalloz 2008 p.780
Ce problème de qualification est très important pour le client car la prescription GVC est de 2 ans (à partir de la découverte) dans le contrat de vente alors que la prescription de droit commun pour une obligation de faire mal exécutée est de 5 ans (à partir du moment où le défaut d’exécution est avéré).
2) Contrat d’entreprise et contrat de dépôt
Ex : contrat de stationnement, l’exploitant du parking doit prendre, conserver (dépôt) mais aussi surveiller la voiture (contrat d’entreprise). Ex : voiture chez le garagiste, il doit la réparer (contrat d’entreprise) mais aussi la conserver (dépôt). Pour opérer la distinction, on retrouve le critère de l’accessoire : quelle est la prestation dominante.
Illustration de la difficulté : Civ. 1ère 30 mai 2006, RTDCom 2007 p.222 : une personne avait confié un bateau à restaurer à une société, celle-ci l’avait réparé mais le client ne revient pas chercher le bateau, 3 mois plus tard le bateau brûle dans l’incendie de la société. Si c’est un contrat de dépôt, le dépositaire doit conserver la chose jusqu’à la restitution, pas dans le contrat d’entreprise. La Cour de cassation a, assez étrangement, considéré que le restaurateur était lié par les règles du dépôt et qu’il avait la charge de conserver le bateau jusqu’à sa restitution.
Deux manières d’interpréter cet arrêt :
- Le contrat de restauration est un contrat de dépôt alors que l’obligation principale est bien de restaurer la chose.
- Soit la Cour de cassation a voulu cumuler les obligations des deux régimes.
- Soit la Cour de cassation a considéré que le contrat d’entreprise était terminé au temps T et qu’à partir de là, un contrat de dépôt tacite a été utilisé jusqu’à T+3 mois.
Exemple de plan :
I. La renonciation de la Cour de cassation au critère de l’accessoire
II. La qualification à partir de son exécution au fil du temps et non par rapport à la volonté des parties.
3) Contrat d’entreprise et contrat de mandat
Le contrat d’entreprise peut porter sur des tâches intellectuelles et le mandat peut aussi être caractérisé par des tâches pratiques.
Ex : l’avocat a pour mission de représenter son client (prestation intellectuelle) mais le contrat d’avocat n’est pas un contrat de mandat mais bien d’entreprise car c’est la réalisation d’un service qui domine (rédiger des actes, rendre des conclusions, conseiller, etc.).
Ex : a priori, l’agent immobilier représente son client dans la vente immobilière mais cet agent va également réaliser des tâches matérielles (faire visiter le bien, rédiger un compromis de vente, etc.), c’est là encore un contrat hybride. Ici, le législateur a décidé de réglementer cette profession (loi du 2 janvier 1970 qui déroge donc à la fois au droit du mandat et à celui du contrat d’entreprise).
La plupart du temps, la recherche de qualification se fait donc au regard de la théorie de l’accessoire : quelle est la prestation dominante ? Seconde solution, le législateur peut intervenir pour sortir le contrat du droit commun et faire naître un régime particulier.
II. Définition du contrat d’entreprise
La définition du Code civil est donc incomplète et imprécise. La jurisprudence a donc donné une meilleure définition :
convention par laquelle une personne s’oblige, contre une rémunération, à exécuter pour l’autre partie un travail déterminé sans la représenter et de façon indépendante.
cf. arrêt 1ère civ. 19 février 1968, Bull I n°69 convention : accord de volonté créateur d’effets de droits, alors que le contrat crée des obligations, ex : partage, transaction (renoncer à un droit) = effets non obligationnels.
s’oblige : donc la convention est bien ici un contrat
rémunération : c’est donc un contrat à titre onéreux
travail déterminé : distinction avec la vente où les produits sont standardisés
sans la représenter : distinction avec le contrat de mandat
façon indépendante : distinction avec le contrat de travail
Dans le Code civil, on parle indépendamment de « entrepreneur » et de « locateur d’ouvrage », alors que le client est appelé « maître de l’ouvrage ».
Section 1 – Le régime commun
Le contrat d’entreprise recouvre une extrême diversité de relations contractuelles. Ce contrat peut porter sur des choses matérielles, qu’il s’agisse d’immeubles (construction, rénovation, etc.) ou de meubles (réparation, etc.), et sur des choses immatérielles (conseils, soins, études, etc.). Au sein de cette diversité, certains contrats d’entreprise portent plutôt sur des travaux concernant une chose mobilière ou immobilière alors que d’autres portent sur la fourniture d’un service.
En toute hypothèse, ce contrat peut être civil, commercial ou mixte. Il est civil lorsqu’aucune des parties n’a la qualité de commerçant (entre un médecin et son patient) et commercial lorsque les deux parties ont la qualité de commerçant (entre un promoteur immobilier et sous-traitant), il est mixte entre un commerçant et un non-commerçant. Selon son caractère, on va lui appliquer toujours les règles de droit civil mais avec des ajouts de règles de droit commercial (ex : différentes règles de preuve selon la nature des parties).
Nous verrons d’abord les règles relatives à la conclusion du contrat d’entreprise puis les règles propres à l’exécution et l’extinction de ce contrat.
I. La conclusion du contrat d’entreprise
Cette conclusion pose un problème particulier : la fixation d’un prix. En effet, le contrat d’entreprise contient un prix qui n’a pas à être convenu à l’origine. Il sera convenu par la suite et le contrat ne sera définitivement formé qu’à condition que s’établisse un prix. En effet, le prix final ne peut être prévu dès le début, même si un devis peut être proposé.
Dans certains cas, le juge pourra même déterminer le prix si celui-ci est trop élevé (impensable dans la vente, théorie de l’imprévision). Donc la phase de conclusion du contrat s’allonge au-delà de l’échange initial des consentements.
A. L’accord de volonté initial
1) Les conditions de fond
Le contrat d’entreprise est un contrat consensuel, i.e. il naît d’un accord de volonté (contraire du contrat réel qui naît de la remise d’une chose, ex : contrat de prêt), ce qui n’interdit pas que le contrat se forme selon certaines modalités.
a. L’accord des parties
Le contrat se réalise par un simple échange de consentements sans qu’aucune formalité particulière ne soit exigée. Par exception, certains textes de loi imposent un écrit s’agissant de contrats d’entreprise particuliers, ex : le contrat d’architecte (code déontologie), la construction de maison individuelle, les contrats d’entreprise conclus entre un professionnel et un consommateur dans lesquels le professionnel doit indiquer par écrit, au moins, la date limite d’exécution de la prestation (art. L114-1 CConso, pour travaux supérieurs à 450 euros).
b. Les modalités particulières
Le contrat d’entreprise peut se former de trois manières selon sa complexité : instantanément, après une phase préparatoire, après une procédure d’appel d’offre.
- Il se forme instantanément à la suite d’une acceptation conforme à une offre préalable (chaussures chez le cordonnier).
- Il se forme après une phase préparatoire de pourparlers qui sont souvent ponctués d’un instrument qu’on appelle les devis, i.e. des offres réalisées par le futur entrepreneur à l’intention du futur client, ils sont négociés jusqu’à l’accord des parties.
S’applique à cette phase toute la jurisprudence sur la rupture des pourparlers : le principe veut que les parties peuvent refuser de conclure le contrat définitif pendant les négociations. Par exception, elles ne doivent pas rompre les pourparlers de manière brutale et de manière à nuire à l’autre partie (théorie de l’abus de droit). La rupture des pourparlers est sanctionnée par l’art. 1382 (responsabilité civile) et non l’art. 1147 (responsabilité contractuelle) puisqu’aucun contrat n’a encore été conclu.
- Les appels d’offre sont utilisés pour les contrats d’entreprise les plus importants, on parle d’ailleurs de « marchés » dans la pratique (immobilier, campagnes publicitaires, etc.). On voit le futur maître d’ouvrage / client utiliser la procédure d’appel d’offre en s’inspirant du droit administratif dont elle est issue. Cette procédure est aussi appelée « procédure de soumission » et peut prendre 3 formes plus ou moins lourdes :
- l’appelant (le futur maître d’ouvrage) ne s’engage pas et de leur côté, les soumissionnaires (les entrepreneurs) réservent leur acceptation dans l’hypothèse où ils seraient retenus au terme de l’appel d’offre. Ici, l’appel d’offre ressemble à de simples pourparlers, c’est la procédure la plus légère.
- dans cette procédure plus courante, l’appelant ne s’engage toujours pas mais il demande des offres fermes de la part des soumissionnaires. Ce ne sont plus de simples pourparlers mais bien une promesse unilatérale où les promettants sont les soumissionnaires.
- dans cette procédure plus rare, la plus lourde, l’appelant va s’engager envers celui qui lui présente la meilleure soumission, i.e. le soumissionnaire qui offre le meilleur rapport qualité/prix. Cela s’apparente alors à une promesse synallagmatique avec une condition suspensive liée à la qualité de la soumission. Cette condition suspensive n’est pas potestative car elle ne dépend pas de la volonté de l’appelant ni de celle du soumettant mais uniquement du rapport de chaque offre avec les autres offres (rapport objectif).
2) Les conditions de preuve
Ces conditions de preuve obéissent aux règles du droit commun et concernent l’existence et le contenu du contrat d’entreprise.
a. La preuve de l’existence du contrat
NB : toujours 2 questions à se poser => qui a la charge de la preuve ? quel mode de preuve s’applique ?
Charge de la preuve : art. 1315 du Code civil => la charge de la preuve incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat.
Mode de preuve : liberté de preuve en matière commerciale (preuve par tout moyen), preuve par écrit en matière civile au-delà de 1500 euros donc ni témoignages ni présomption. Si on n’a pas d’écrit, on peut avoir un commencement de preuve par écrit, cf. 1347 du Code civil, sous la forme ici d’un devis souvent. Le commencement de preuve ne doit pas être isolé mais complété par des éléments de preuve comme des témoignages et présomptions. Sinon, il reste l’impossibilité morale qui peut être invoquée (la faire établir par le juge avant de lui apporter d’autres éléments de preuve comme des témoignages ou présomptions).
Deux autres moyens théoriques désuets : serment, aveux.
b. La preuve du contenu du contrat
La preuve du contenu du contrat incombe au demandeur. Ex : ce sera au garagiste qui a réparé le véhicule de prouver que les réparations effectuées sont bien celles qui avaient été demandées. Les mêmes modes de preuve sont utilisés (principe de l’écrit au civil, liberté de preuve au commercial).
B. L’établissement du prix
Le contrat d’entreprise est obligatoirement un contrat à titre onéreux. Il suppose donc une rémunération (on n’utilise pas le mot « prix » mais « rémunération » pour un contrat d’entreprise). Lorsqu’il n’y a pas de prix, il ne s’agit plus d’un contrat d’entreprise mais d’un contrat à titre gratuit qui échappe complètement au régime du contrat d’entreprise (bénévolat, etc.).
La particularité du contrat d’entreprise est que le prix, qui est pourtant un élément essentiel du contrat sans lequel il n’y a pas de contrat, n’a pas à être déterminé lors de la formation du contrat (cf. Civ. 1ère 15 juin 1973, Dalloz 1973 Infos rapides p.199). Le contrat n’est pas parfait dès l’accord des volontés, il faudra attendre que le prix soit fixé et accepté pour qu’il soit parfait et que la phase de conclusion se termine. Le prix peut être fixé par les parties, par le juge (assez extraordinaire), ou réduit par le juge.
1) La détermination du prix par les parties
Les parties peuvent déterminer le prix de deux manières : par voie de référence ou en s’accordant sur ce prix postérieurement à l’exécution.
a. Par voie de référence
Les parties se réfèrent alors à un barème de prix ou d’honoraires (architectes, huissiers, etc.). Le prix sera alors déterminé en référence à ce barème par l’addition des différents travaux réalisés par l’entrepreneur. A défaut de barème, on utilise deux méthodes : celle du marché à forfait et celle du marché sur série.
b. Le marché à forfait (le plus simple)
C’est un contrat d’entreprise où le prix des travaux est fixé à l’avance, globalement, fermement et définitivement. Il se réalise souvent suite à un devis ferme et définitif. Dans cette technique, le prix est dit « intangible », i.e. l’entrepreneur a l’obligation de réaliser la prestation quels que soient les travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l’ouvrage.
c. Le marché sur série
C’est un contrat d’entreprise dans lequel le prix des travaux est défini par rapport au prix unitaire des matériaux et des heures de main-d’œuvre nécessaires à la réalisation de l’ouvrage. Ex : chez le garagiste (coût d’une heure de main d’œuvre + coût unitaire des pièces détachées), chez l’avocat (honoraires pour une heure de travail), etc. Le total de la facture intervient donc à la fin de l’ouvrage.
2) La détermination du prix par le juge
Dans le cadre du contrat d’entreprise, le juge intervient lorsqu’aucun prix n’a été déterminé par les parties à la conclusion du contrat ou postérieurement à cette conclusion. Lorsqu’aucun prix n’a été fixé dans le contrat d’entreprise, le contrat reste licite et valable, il est simplement imparfait (c’est d’ailleurs souvent le cas jusqu’à la fin de la réalisation où un prix est proposé par l’entrepreneur). Si le client est d’accord avec ce prix, le contrat devient parfait. S’il n’est pas d’accord avec le prix proposé à la fin (la facture), l’une des deux parties peut demander au juge de fixer un prix.
Le juge dispose alors d’un pouvoir souverain d’appréciation et de fixation du prix. Il peut, dans la pratique, commettre un expert qui ira sur place voir l’ouvrage, ou il peut se reporter aux usages professionnels, ou encore se référer à des barèmes professionnels auxquels les parties n’ont pas songé à faire référence.
Illustration – prix d’un tableau commandé : Cass. 24 nov. 1993 (Bull. IV n°339)
NB : pouvoir souverain des juges du fond = la technique de fixation du prix (question de faits et non de droit) est librement choisie par le juge du fond et ne peut être contrôlée par la Cour de cassation, sauf erreur manifeste d’appréciation (cf. abus de droit).
3) Le pouvoir de révision judiciaire du prix
Ce pouvoir de révision intervient lorsque le prix a effectivement été fixé par les parties. Ce pouvoir est en contradiction évidente avec l’art. 1134 du Code civil (intangibilité du contrat) et pourtant, la jurisprudence, s’agissant de certains contrats d’entreprise, a admis que le juge du fond pouvait réduire la rémunération de l’entrepreneur. Ce pouvoir exceptionnel intervient à la demande du maître de l’ouvrage et il ne concerne que les contrat d’entreprise qui donnent lieu à des honoraires, i.e. les contrats d’entreprise réalisés par des professionnels libéraux qui exercent des professions intellectuelles.
Exemples : conseils en entreprise, avocats, généalogistes, experts-comptables, agents d’affaires, mandataires, médecins.
Concernant ces contrats, le juge peut donc intervenir pour réduire de façon autoritaire des honoraires. Limite : le juge perd ce pouvoir lorsque le client et le professionnel libéral se sont entendus dès le départ en connaissance du service rendu sur le prix final de la prestation. On parle alors de « convention d’honoraires ».
II. L’exécution du contrat d’entreprise
Étude en deux temps :
- Les obligations qui lient le maître d’ouvrage à l’entrepreneur
- L’extinction du contrat et les modalités de terminaison
A. Les obligations à la charge des parties
Le contrat d’entreprise est un contrat synallagmatique, c'est à dire qu'il impose des obligations à la charge des deux parties.
1) Les obligations de l’entrepreneur
a. L’obligation principale : réaliser l’ouvrage
L’entrepreneur doit réaliser l’ouvrage qu’il a promis et tous les travaux qu’il s’est engagé à faire. En matière de contrat d’entreprise, cette obligation principale est extrêmement variable (soins dispensés à un malade / ravalement de façade). Cette extrême variabilité affecte ses modalités d’exécution et la portée de la responsabilité de l’entrepreneur :
- Modalités d’exécution
Certains travaux sont visibles (la façade est ravalée) alors que d’autres sont « prévus » (soins médicaux). Il y a donc une obligation de résultat sur certains travaux alors qu’il n’y a qu’une obligation de moyen sur d’autres. Trois remarques :
- la prestation doit être réalisée, par principe, par l’entrepreneur lui-même. En effet, l’obligation de l’entrepreneur est une obligation de faire qui répond à l’article 1237 du Code civil (« l’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même »). La sous-traitance est donc par principe interdite (intuitu personæ très fort dans l’obligation de faire, capacités personnelles de l’obligé). Cependant, le créancier peut autoriser, le cas échéant, le débiteur à déléguer l’exécution de sa prestation, on parle alors de contrat de sous-traitance.
- l’étendue et le contenu de l’obligation de l’entrepreneur dépend bien sûr de ce qu’ont convenu les parties mais aussi des règles de l’art spécifiques à la prestation (art. 1135 du Code civil). Ces règles de l’art seront, au besoin, désignées par des experts lors d’une procédure.
- le contrat d’entreprise peut ou non indiquer un délai d’exécution (obligatoire quand le maître de l’ouvrage est un consommateur, L114-1|article L114-1 du Code de la consommation). Si aucun délai d’exécution n’a été prévu, ce sera au juge d’apprécier, en cas de différend, quel aurait dû être le délai raisonnable d’exécution (au regard des usages, de la nature de la prestation, etc.).
- Responsabilité de l’entrepreneur en cas d’inexécution
- nature de la responsabilité : c’est une responsabilité contractuelle (art. 1147 et suivants du Code civil). En matière de contrat d’entreprise de construction immobilière, il y a un régime dérogatoire prévu aux articles 1792 et suiv. ainsi qu’à l’article 2270 du Code civil.
Cass. AP 06 octobre 2006 : l’entrepreneur peut engager sa responsabilité délictuelle si une malfaçon de l’ouvrage a causé un dommage à un tiers (avantage : indemnisation totale du préjudice alors qu’en matière contractuelle, l’indemnisation est limitée au préjudice prévu ou prévisible, article 1150 du Code civil).
- portée : la responsabilité de l’entrepreneur sanctionne soit une obligation de moyen soit une obligation de résultat. Le choix entre les deux obligations va déterminer le régime de preuve applicable.
1ère hypothèse : le contrat indique la nature de l’obligation de façon expresse et dans ce cas, le juge est lié par la volonté des parties.
2ème hypothèse : si rien n’est prévu, le juge devra apprécier l’aléa auquel est soumise la réalisation de l’ouvrage pour déterminer si l’obligation est de résultat (construction, garagistes, etc.) ou si elle est de moyen (procès gagné ou perdu, guérison d’un patient). La doctrine oppose fréquemment les prestations intellectuelles (obligation de moyen) et les réalisations concrètes (obligation de résultat). Ainsi, la responsabilité du médecin, de l’avocat, du coiffeur, etc. sont de simples obligations de moyen.
Ex : Cass. com. 9 octobre 1990 (Bull. IV n°234) pour une campagne de publicité n’ayant pas eu de succès. Cf. article Geneviève Viney « la responsabilité des entreprises prestataires de conseil » (JCP Semaine Juridique 1975 I art. 2750).
- aménagement possible par deux techniques contractuelles :
Soit pour alourdir la responsabilité de l’entrepreneur, le maître d’ouvrage peut insérer des clauses pénales qui vont venir évaluer forfaitairement le préjudice causé au client en cas de défaillance de l’entrepreneur (afin de le dissuader de mal exécuter son obligation). Le juge peut néanmoins les réduire (article 1152 du Code civil) si elles sont excessives ou trop limitées.
Soit pour l’alléger, il est possible d’insérer des clauses limitatives ou exclusives/exonératoires de responsabilité (CLR) dans le contrat d’entreprise. Ces clauses sont valables sauf 4 exceptions :
- elles peuvent être considérées comme abusives si elles sont conclues au préjudice d’un consommateur (déf : procure un avantage excessif au professionnel qui tire ainsi un avantage de sa position de suprématie économique sur le consommateur)
- ces clauses ne peuvent jamais concerner les dommages corporels causés au maître de l’ouvrage (le corps humain est une chose en dehors du commerce juridique)
- ces clauses ne peuvent jamais conduire à remettre en cause l’obligation essentielle du contrat (arrêts Chronopost Cass. com 22 octobre 1996)
- ces clauses sont écartées si faute lourde de l’entrepreneur (1ère civ. 7/02/1989, Bull. I n°73)
b. Ses obligations accessoires
Il existe deux types d’obligations accessoires : les obligations générales qui concernent tous les entrepreneurs et les obligations spéciales qui n’en concernent que certains.
Les obligations générales
- Obligation de renseignement et de conseil
Contenu de l’obligation : elle concerne tous les contrats d’entreprise (spécificité par rapport au contrat de vente où sa présence reste exceptionnelle). Elle se confond, pour certains contrats d’entreprise, avec l’obligation principale (tous les contrats de conseil, ex : conseil juridique). Elle est accessoire dans la plupart des autres contrats et en particulier dans les contrats à dominante intellectuelle (ex : avocat, préparation de la défense en ayant conseillé et renseigné le client préalablement sur les risques du procès ; idem pour les conséquences d’un traitement médical, 3ème civ. 11/02/98).
Dans un arrêt récent 3ème civ. 31 janvier 2007 (pourvoi n°05-18311 sur Légifrance), la Cour de cassation fait peser l’obligation même entre entrepreneurs.
Portée : L’obligation de renseignement et de conseil est complète lorsque le client est ignorant dans la matière où intervient l’entrepreneur (obligation de résultat). En revanche, elle est amoindrie en considération des compétences du maître de l’ouvrage. cf. Com. 18/02/1997, Bull. IV n°51.
NB : la tendance est de renforcer cette obligation pour les professionnels du droit car la jurisprudence considère que les compétences du client en cette matière importent peu, elle radicalise l’obligation renseignement conseil des notaires, avocats, etc. cf. 1ère civ. 3 avril 2007.
- Obligation de sécurité
cf. gazette du palais 1997 tome II doctrine p.1184 sur la dispersion des obligations de sécurité dans les contrats spéciaux, par Philippe Dellebecq
Contenu : l’obligation de sécurité pèse sur l’entrepreneur principalement lorsque le contrat porte sur la réalisation d’une chose corporelle. À cet égard, la jurisprudence introduit une distinction qui lui permet d’encadrer cette obligation. Elle estime qu’avant la livraison de la chose, l’entrepreneur n’est pas tenu d’une obligation de sécurité envers son client. En revanche, après la livraison, il assume cette obligation lorsque la chose livrée cause un dommage au client.
Portée : Selon les cas, l’obligation de sécurité constitue une obligation de moyens ou de résultat. La distinction s’établit sur le critère de l’aléa : un dommage peut-il être causé au client après la livraison de la chose ?
Ex : agence de voyage vend un voyage, l’avion s’écrase, elle ne pouvait pas garantir l’arrivée à bon port => obligation de moyens (choisir une bonne compagnie) cf. 1ère Civ. 29 mai 1990, Bull. I n°128
Dans la plupart des autres cas, la tendance de la jurisprudence est de renforcer cette obligation, par exemple en matière de transport (passager d’un train agressé par un autre passager en état d’ébriété, 1ère civ. 12/12/2000 Revue CCC 2001 n°53) où c’est une obligation de résultat, idem pour les centres de transfusion sanguine (analysés comme des contrats d’entreprise où il n’y a pas de GVC mais cette obligation de sécurité, obligation de résultat de fournir au receveur des produits exempts de défauts cf. 1ère civ. 14/11/1995 RTDCiv 1997 p.146).
- Obligation de prudence et de surveillance
Contenu : l’hôtelier est tenu d’une obligation de surveillance vis-à-vis du véhicule du client stationné dans son parking (1ère civ. 19/01/1999, Bull. I n°20). Cette obligation n’est pas vraiment autonome mais découle de la nature même de la prestation que l’entrepreneur exécute.
Obligations accessoires spéciales
Elles n’existent que pour les contrats d’entreprise qui ont pour objet une chose, elles ne concernent pas les contrats d’entreprise qui ont trait aux personnes.
- Obligation de conserver la chose
L’entrepreneur doit conserver la chose qu’il réalise ou qu’il répare. L’obligation vient de l’art. 1137 al.1 et s’applique plus particulièrement aux contrats de rénovation tant que la chose est détenue par l’entrepreneur. La disposition du Code civil laisse penser qu’il s’agit d’une obligation de moyens (charge de la preuve au client) mais la jurisprudence ne l’accepte pas et renverse la charge de la preuve en s’appuyant sur les art. 1302 et 1245 du Code civil, c’est au contraire à l’entrepreneur de démontrer que le dommage ne lui est pas imputable (1ère civ. 5/07/1973, Bull. I n°234).
De plus, le Code civil distingue deux situations en cas de perte totale de la chose : selon que la matière est fournie par l’entrepreneur (art. 1788 du Code civil : le moment où les risques sont transférés au client est le moment de la mise en demeure du client de venir retirer la chose) ou par le maître d’ouvrage (art. 1789 Civ. : la perte est en principe à la charge de l’entrepreneur sauf si celui-ci, conformément aux articles 1302 et 1245 du Code civil, démontre son absence de faute).
- Obligation de livraison
L’entrepreneur doit livrer la chose à la date convenue par les parties lors de la conclusion du contrat. Cette obligation implique pour le maître d’ouvrage l’obligation réciproque de venir retirer la chose.
Trois situations :
- Cette obligation est bien exécutée lorsqu’elle intervient dans les délais prévus et que la chose livrée est conforme, apparemment, à la chose commandée. C’est la seule hypothèse où l’exécution est dite « libératoire », i.e. l’obligation de livraison s’éteint par sa réalisation.
- Cette obligation est mal exécutée lorsqu’elle n’intervient pas dans les délais prévus ou lorsque la chose livrée n’est pas conforme à ce qui était attendu. Ici, l’entrepreneur n’est pas libéré de son obligation, il doit « reprendre son ouvrage ». A défaut, le client pourra solliciter la résolution du contrat ou l’allocation de D&I.
- Cette obligation n’est pas du tout exécutée quand la chose n’est pas livrée (ou en tout cas pas dans les délais). Comme précédemment, le client peut agir en résolution du contrat ou en réparation du préjudice qui lui est causé. NB : article 1230 du Code civil, une mise en demeure adressée à l’entrepreneur est indispensable pour constater le délai ou l’absence de livraison.
§ Pas d’obligation de garantie des vices cachés (GVC) sauf en matière immobilière : en matière de contrat d’entreprise, aucun texte n’existe par rapport à la GVC, contrairement au droit de la vente. Donc si l’entrepreneur a fourni la matière en même temps que son travail, il n’a pas à garantir contre les vices cachés de la chose fournie. Ici, les règles de la vente ne s’appliquent pas même s’il y a transfert de propriété des matériaux fournis, a fortiori lorsque l’entrepreneur ne fournit pas la matière donc lorsque la matière fournie par le client contient déjà des vices. cf. CA Rouen 8 novembre 1995, Sem. Jur. 1996 IV n°2037.
Cette absence de GVC va déterminer tout un contentieux quant à la qualification du contrat. Le client qui subit un vice caché essaiera de prouver qu’il s’agit d’un contrat de vente alors que l’entrepreneur essaiera de démontrer que c’est un contrat d’entreprise pour échapper à la GVC. Cette absence de GVC ne vaut, en pratique, que pour les choses corporelles mobilières. En effet, en matière immobilière, l’art. 1792 du Code civil prévoit que le constructeur d’un immeuble est responsable de plein de droit des dommages causés au maître de l’ouvrage, donc responsable des vices cachés.
§ Obligation accessoire de transport : elle est née d’une construction prétorienne et plus précisément d’un cas où une personne avait chargé un entrepreneur de restaurer un meuble, ce client est venu reprendre ce meuble une fois la restauration effectuée, les deux ont transporté le meuble de l’entrepôt au coffre de la voiture et le client a fait une chute pendant le transport. Il a été jugé, au vu de la configuration des lieux qui supposait que le client participe au transport du meuble, que l’entrepreneur était responsable du dommage causé au client. La doctrine en a déduit une obligation accessoire de transport à la charge de l’entrepreneur (il devait seul acheminer le meuble restauré). cf. 1ère civ. 16/07/1997 RJDA 1997 n°1456 et 1482.
2) Les obligations du maître de l’ouvrage
a. Obligation principale : payer le prix
- Le règlement du prix incombe au maître de l’ouvrage qui doit le régler à l’entrepreneur. Deux exceptions qui distinguent les contrats d’entreprise d’autres contrats en cas de faillite de l’entrepreneur : une loi du 31 décembre 2002 peut permettre, dans certains cas, au sous-traitant de demander le paiement au maître d’ouvrage. Celui-ci devra aussi payer les salariés de l’entrepreneur (art. 1798 civ.).
- Les modalités de règlement du prix découlent du contrat signé par les parties qui déterminent l’échéancier des paiements, etc. Traditionnellement, on dit que l’entrepreneur a droit au solde de sa rémunération à la « réception des travaux ». Le maître d’ouvrage peut bien sûr retenir le prix si les travaux sont mal faits, la chose livrée avec du retard, etc. => il soulève l’exception d’inexécution.
- Les garanties de paiement : l’entrepreneur dispose d’un privilège mais uniquement pour les frais de conservation de la chose qu’il a dû engager (art. 2332-3). En revanche, ce privilège ne s’applique pas aux autres dépenses faites pour réaliser l’ouvrage. Ce privilège concerne tous les entrepreneurs, d’autres plus spéciaux existent : (article 2374 4° du Code civil) et en matière de marchés de travaux privés visés par l’article 1779 3° du Code civil, au-delà d’un certain seuil fixé par décret en Conseil d'État.
- La prescription est de 5 ans (article 2224 du Code civil). Il existe des prescriptions spécifiques pour certaines professions (2 ans, 6 mois, etc. à vérifier au cas par cas).
b. Ses obligations accessoires
- Devoir de collaboration : il découle de l’obligation de bonne foi posé à l’art. 1134 al.3 du Code civil. Il existe pour tous les contrats. En matière de contrats d’entreprise, il se conçoit avant tout de manière négative : le maître d’ouvrage ne doit pas s’immiscer dans les travaux de l’entrepreneur, plus spécialement dans les contrats de construction. C’est une manière pour l’entrepreneur de s’exonérer de sa responsabilité si le maître d’ouvrage a aidé aux travaux de manière infructueuse.
- Devoir de réception du travail : elle est prévue de façon expresse pour les constructions mais c’est aussi un usage. Par la réception, le maître de l’ouvrage reçoit l’ouvrage à son achèvement et reconnaît que l’exécution est correcte. La réception constitue pour le maître de l’ouvrage une véritable obligation, il ne peut donc la retarder. A défaut de réception volontaire, l’entrepreneur peut exiger du juge qu’il condamne le maître de l’ouvrage à recevoir, sous astreinte, ou même que le juge prononce lui-même la réception (art. 1792-6 al.1 du Code civil en matière de construction, valable par extension jurisprudentielle pour tous les contrats d’entreprise, ex : 3ème civ. 30 juin 1993).
Cette « réception » correspond le plus souvent à la prise de possession de l’ouvrage par le maître. Elle peut avoir lieu en plusieurs fois lorsque les travaux se réalisent par étapes. Elle peut s’accompagner de réserves sur la conformité de l’ouvrage aux spécificités demandées. Quoiqu’il en soit, cette réception doit s’effectuer de manière contradictoire, i.e. l’entrepreneur et le maître de l’ouvrage doivent être présents tous les deux sur les lieux pour effectuer la réception qui se transcrit dans un procès verbal (le « PV de réception »). La réception est donc un acte juridique (acceptation de part et d’autre) qui vient clore l’exécution du contrat d’entreprise.
Cette obligation de réception entraîne 4 conséquences :
- la réception entraîne l’exigibilité du paiement intégral du prix sauf clause contraire, règle posée par la jurisprudence dans 3ème civ. 14 novembre 1968 Bull. III n°475.
- elle entraîne transfert de la garde de la chose au regard de l’article 1384 (responsabilité du fait des choses) du Code civil.
- elle entraîne le transfert des risques de la chose.
- elle libère l’entrepreneur des vices apparents de l’ouvrage.
B. L’extinction du contrat d’entreprise
1) Les causes d’extinction relatives au contrat
Le contrat d’entreprise se termine par l’exécution complète de ses obligations : réalisation de l’ouvrage, réception de l’ouvrage et paiement intégral du prix. Il existe aussi des causes pathologiques d’extinction :
a. La nullité du contrat
Les causes de nullité du contrat d’entreprise sont celles du droit commun des contrats : vices du consentement, etc.
b. La résolution du contrat
Régime général : la résolution du contrat d’entreprise intervient par application de 1184 en cas d’inexécution grave par l’une des parties de ses obligations. La sanction de cette résolution est la destruction rétroactive du contrat (pas de résiliation, destruction que pour le futur). La deuxième sanction sera l’allocation de D&I sur le fondement de 1147 et suiv. Deux cas particuliers :
Le cas de résiliation du contrat pour perte de la chose, cf. 1788 et 1789 du Code civil. La résiliation unilatérale du marché à forfait (devis dès le départ) : ce contrat d’entreprise peut être résilié unilatéralement par le maître de l’ouvrage à tout moment, art. 1794 du Code civil. Donc même après avoir accepté le devis, il peut interrompre à tout moment les travaux et résilier unilatéralement (contrairement au principe d’intangibilité des contrats de l'article 1134 Code civil). C’est donc une exception importante au droit commun.
Le maître d’ouvrage doit alors verser à l’entrepreneur une somme correspondant à toutes ses dépenses, ses travaux déjà engagés mais également de « tout ce que l’entrepreneur aurait pu gagner dans cette entreprise », ce qui correspond à l’un des rares cas où la perte de chance (de finir le chantier) est indemnisée à hauteur de la marge bénéficiaire (et non du chiffre d’affaires qu’il aurait dû réaliser).
2) Les causes d’extinction inhérentes à l’entrepreneur
a. Le décès de l’entrepreneur
L’art. 1795 du Code civil prévoit que le contrat prend fin par le décès de l’entrepreneur. La solution est justifiée par le très fort intuitu personae du contrat d’entreprise. Donc les héritiers de l’entrepreneur n’ont pas à poursuivre l’exécution du contrat mais ils peuvent réclamer au maître d’ouvrage la valeur des travaux et la valeur des matériaux apportés mais à la seule condition que les travaux effectués par le défunt aient été utiles au maître de l’ouvrage (art. 1796 Cc), influence du quasi-contrat (fr (enrichissement sans cause).
b. La procédure collective
En cas de procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation, l’exécution des contrats d’entreprise peuvent être poursuivis par l’administrateur (art. 622-13 du Code de commerce). Ces contrats peuvent même être cédés au repreneur, l’art. 642-7 du Code de commerce autorise la cession forcée des contrats au repreneur.
Voir aussi
- Trouver la notion "Contrat d'entreprise" dans l'internet juridique français
Notes et références
- ↑ Cass. soc. 8 novembre 1995, Gaz. Palais 1996, I, Panorama p.15