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Inexistence en droit administratif (fr)

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France > Droit administratif > Portée du principe de légalité Sanction de l'obligation de légalité
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Le problème de l'inexistence

Au-delà de la nullité de l'acte, on se demande s'il ne convient pas de retenir en droit administratif une sanction plus rigoureuse qui correspondrait à une irrégularité exceptionnelle, à savoir l'inexistence. L'acte inexistant serait dépourvu de toute existence juridique, ce qui entraîne des conséquences plus importantes que la nullité.

La notion d'inexistence vient du droit civil et a donné lieu à de vives controverses

On a pensé en droit civil que l'inexistence permettait surtout de sanctionner des irrégularités graves non prévues par les textes. Par exemple on n'a pas pensé à interdire le mariage entre homosexuels, tellement cela paraissait évident jadis qu'un mariage se faisait entre un homme et une femme.

En droit administratif, le problème se pose différemment. La théorie en droit administratif diffère du droit privé. La différence consiste en ce que le juge administratif a une plus grande liberté que le juge civil dans la définition de l'illégalité, plus de pouvoir d'appréciation.

En ce qui concerne l'intérêt contentieux de l'inexistence, elle permet à tout juge de constater l'inexistence de l'acte administratif et d'établir l'irrégularité d'un acte n'ayant pas fait l'objet d'un recours contentieux dans les délais normaux. La notion d'inexistence ne peut être retenue que dans certaines limites. Si elle est trop largement admise, elle aboutit à écarter le principe de sécurité juridique, c'est-à-dire le principe d'intangibilité des actes.

C'est avec beaucoup d'hésitations que le Conseil d'État a fait place à la théorie de l'inexistence. Les arrêts de principe sont de Fontbonne[1] et Rosan-Girard[2]. Dans l'arrêt Rosan-Girard, des élections municipales avaient eu lieu dans une commune de la Guadeloupe et avaient donné lieu à de graves et nombreux incidents pendant leur déroulement et pendant le dépouillement. Le préfet, au lieu de soumettre l'affaire au juge administratif, avait pris un arrêté, constatant lui-même l'irrégularité des opérations électorales, et une délégations spéciale avait été instituée par décret en vue de nouvelles élections. Le Conseil d'État avait estimé que le préfet était ainsi intervenu dans une matière qui était réservée par la loi au juge administratif et que « eu égard à la gravité de l'atteinte ainsi portée par l'autorité administrative aux attributions du juge de l'élection, le dit arrêté doit être regardé comme un acte nul et non avenu », c'est-à-dire inexistant.

En présence des arrêts qui ont statué en matière d'inexistence, on peut s'efforcer de définir cette notion

Juridiquement, il s'agit de préciser quelles sont les irrégularités de nature à entraîner l'inexistence.

1- On peut remarquer que l'inexistence peut être rattachée à la non-existence matérielle ou littérale de l'acte. Il en est ainsi lorsqu'un acte n'a pas été effectivement pris[3].

2- Il est plus difficile de définir l'inexistence juridique, déterminée par un degré de gravité de l'irrégularité de l'acte. Disons qu'on tend à exiger pour qu'il y ait inexistence une irrégularité particulièrement grossière. Un exemple caractéristique se rencontre dans l'arrêt de Fontbonne. Le requérant avait été autorisé à souscrire un engagement dans l'armée en qualité de sergent-major infirmier alors qu'il avait atteint la limité d'âge et que la législation interdisait expressément un tel engagement. Le Conseil d'État a considéré qu'il y avait là plus qu'une simple illégalité. Il a précisé que la décision d'autorisation administrative avait été prise en méconnaissance de la situation juridique et que cet élément, ajouté à la méconnaissance des textes, permettait de retenir l'inexistence.

Dans l'affaire Rosan-Girard, l'inexistence a été liée à la gravité de l'atteinte portée par le préfet aux attributions du juge de l'élection. Il s'agissait non pas d'une simple incompétence mais d'une véritable usurpation de fonction. Il apparaît ainsi que c'est seulement dans des cas exceptionnels, à l'occasion d'irrégularités très graves, que le juge retient la notion d'inexistence.

3- C'est surtout dans l'interférence de la théorie de l'inexistence avec une autre théorie, la voie de fait, que l'on peut le mieux préciser le degré d'irrégularité de nature à entraîner l'inexistence. La voie de fait est une théorie qui permet au juge judiciaire de juger l'administration lorsque c'est normalement le juge administratif seul qui peut le faire. La voie de fait suppose deux éléments : une atteinte aux libertés individuelles et une décision manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration.

C'est ce deuxième élément qui peut avoir des points communs avec l'inexistence. Dans l'arrêt Guigon[4], le Tribunal des conflits estime que la décision prise par l'autorité militaire d'apposer des scellées sur le logement occupé par le capitaine Guigon est manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir administratif, qu'elle est constitutive d'une voie de fait et qu'elle doit être considérée comme « nulle et non avenue ».

Les conséquences juridiques de l'inexistence

Nous avons dit que l'inexistence devait jouer un rôle essentiellement pratique dans la jurisprudence administrative. Le juge y fait appel pour compléter et pour corriger certains aspects de la théorie de l'illégalité.

1- La théorie de l'inexistence se présente en quelque sorte comme un complément utile de la théorie de l'illégalité proprement dite. Elle permet tout d'abord de constater la nullité d'actes qui ne pourraient plus faire l'objet de recours contentieux parce que le délai est écoulé, d'autant que même les décisions prises en application d'un acte administratif inexistant, d'un acte qui n'a pas été attaqué dans les délais légaux, peuvent faire l'objet de recours contentieux par voie de conséquence (Rosan-Girard), alors que normalement, le retrait d'un acte administratif irrégulier ne peut être effectué que dans le délai des recours contentieux.

2- D'autre part, l'inexistence d'un acte administratif peut être constatée par le juge judiciaire aussi bien que par le juge administratif. Dans l'arrêt Guigon, le Tribunal des conflits, après avoir affirmé que la décision était nulle et non avenue, spécifie ensuite « qu'il appartient tant à la juridiction administrative qu'à l'autorité judiciaire de constater cette nullité ». En cela, quoique inexistant, l'acte doit quand même faire l'objet d'un recours contentieux. C'est au juge et au juge seul qu'il appartient d'analyser cet acte et de le déclarer inexistant. Par conséquent, l'acte inexistant ne se distingue pas tellement de l'acte irrégulier.

3- En dernière analyse, la distinction est surtout formelle.

Notes et références

  1. Conseil d'État 3 février 1956 de Fontbonne
  2. Conseil d'État 3  mai 1957 Rosan-Girard
  3. Conseil d'État 27 janvier 1951 Galy : Rec. p. 46, Conseil d'État 28 février 1986 Commissaire de la République des Landes : RDP 1986 p. 1468
  4. Tribunal des conflits 27 juin 1966 Guigon

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