Voie de fait en droit administratif (fr)
Cet article est une ébauche relative au droit français, vous pouvez partager vos connaissances juridiques en le modifiant, vous pouvez également faire une recherche dans le moteur...'
|
France > Droit public > Droit administratif > Droit administratif général >
Encadrement juridique de l'administration > Champ d'application du droit administratif >
Détermination des compétences administrative et judiciaire > Compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives >
Exceptions au principe de la compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives de gestion publique >
Théorie des matières réservées par nature à la compétence judiciaire
La voie de fait est un fait de l'administration qui porte matériellement et illégalement une atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété, et qui n'entre pas dans ses pouvoirs.
Lorsque l'administration se voit imputer des irrégularités particulièrement graves et qu'elle a porté atteinte à des droits individuels, on dit que l'administration a commis une voie de fait, que les actes ainsi accomplis ont perdu leur qualité d'actes administratifs et on en déduit que la compétence contentieuse appartient au juge judiciaire.
Sommaire
Le fondement de la théorie de la voie de fait
1- Comment justifier que l'administration relève du juge judiciaire à l'occasion d'activités administratives qui sont pourtant des activités de gestion publique, et ce, en raison d'irrégularités graves. L'explication classique consiste à dire que lorsqu'un acte de l'administration est entaché d'irrégularités exceptionnelles, il fait l'objet d'une dénaturation. Il perd sa qualité d'acte administratif et ne peut plus être considéré comme rattaché à la compétence administrative. Logiquement, il en résulte que cet acte devenu une simple voie de fait, et non plus une voie de droit, échappe à la compétence administrative et relève du juge judiciaire.
D'autres auteurs, comme Maurice Hauriou, complétaient cette explication en observant que la voie de fait entraîne aussi la volonté de sanctionner une attitude de l'administration considérée comme particulièrement condamnable. Il rappelait que la compétence administrative était un véritable privilège de l'administration et que ce privilège devait lui être retiré lorsqu'elle avait méconnu trop gravement le droit. Enfin, on peut encore ajouter, couronnant et englobant le tout, l'idée selon laquelle le juge judiciaire est considéré comme le gardien naturel de la propriété et des droits individuels.
Quoi qu'il en soit, la nature du comportement de l'administration dans l'hypothèse de la voie de fait exigerait la compétence judiciaire.
2- La théorie de la voie de fait a toujours suscité de la part de la doctrine des critiques très vives, notamment pour des raisons théoriques. On souligne que ce qui caractérise l'acte administratif, c'est le fait qu'il émane d'une autorité publique et que les irrégularités qu'il peut contenir ne sauraient en aucun cas en altérer le caractère.
On se demande aussi pourquoi une irrégularité manifeste peut ôter à un acte d'administration son caractère administratif alors qu'une simple irrégularité ne produit aucun effet.
On relèvera encore que l'administration peut toujours engager sa responsabilité à la suite d'une voie de fait sans doute devant le juge judiciaire, mais cela prouverait que l'acte administratif est toujours debout, ce qui implique un acte imputable à l'administration.
3- Quoi qu'il en soit, les objections permettent de comprendre pourquoi la notion de voie de fait ait été difficilement consacrée en jurisprudence. Il semble en effet que jusqu'en 1930, la jurisprudence soit restée hésitante. À partir de 1930, la jurisprudence devait retenir de manière incontestable la notion de voie de fait. On fait souvent remonter sa consécration à l'affaire Curé de Réalmont[1]. Dans cette affaire, le maire d'une commune avait donné l'ordre d'enlever la grille qui entourait une église sans utiliser la procédure de la désaffectation (pour nuire au curé). Le Tribunal des conflits s'est prononcé en faveur de la compétence du juge judiciaire. Mais cette jurisprudence est discutable car il semble que cette solution reposait ici plutôt sur des textes que sur la théorie de la voie de fait.
C'est surtout l'arrêt Action française[2] qui doit être considéré comme ayant expressément consacré la théorie de la voie de fait. Le 7 février 1934, le préfet de police avait fait saisir le journal L'Action française chez tous les dépositaires du journal à Paris et dans les autres villes. Le Tribunal des conflits a vu dans une saisie aussi générale et non justifiée une mesure constituant une voie de fait qui justifiait la compétence judiciaire. C'est à partir de là que la jurisprudence allait préciser le critère de la notion.
Le critère de la voie de fait
En matière de définition de la voie de fait, les deux idées qui dominent sont celle d'irrégularité manifeste et celle d'atteinte aux droits individuels.
1- Il n'y aura voie de fait que si l'administration a commis une irrégularité d'une gravité exceptionnelle. Autrement dit, une simple illégalité ne peut donner lieu à voie de fait. On peut, pour faire apparaître la différence entre illégalité simple et irrégularité manifeste, se référer à l'affaire Carlier[3]. Le requérant était architecte et désirait visiter et photographier la cathédrale de Chartres. Le maire lui en avait interdit l'accès de certaines parties, et, comme il n'avait pas respecté cette interdiction, les forces de police avaient saisi les clichés. Le Conseil d'État a distingué catégoriquement les deux actes : la décision de refus d'accès et la décision de saisir des clichés. Le refus d'accès a été considéré comme un acte d'administration qui devait relever, même en cas d'irrégularité, du juge administratif. Au contraire, la décision de saisir les clichés a été considérée comme constitutive d'une voie de fait parce qu'aucun principe ne permet à l'administration de confisquer des objets appartenant à un particulier. Une telle saisie ne pouvait être considérée comme un acte d'administration. Elle revêtait le caractère d'irrégularité manifeste en fonction du caractère exceptionnel.
L'irrégularité manifeste peut présenter cependant deux aspects. Elle peut tout d'abord être inhérente à la décision elle-même. On dit alors, reprenant une expression de Maurice Hauriou, qu'il y a voie de fait par manque de droit. On veut dire par là que l'irrégularité manifeste se traduit dans la décision elle-même, même s'il n'y a pas exécution, encore qu'une simple menace d'exécution suffise. En pratique, les cas de voie de fait pour seule irrégularité de la décision sont rares. On peut citer l'exemple d'une décision qui a été annulée par le juge mais que l'administration exécute quand même[4]. Des militaires, sans utiliser les procédures légales de réquisition, avaient pénétré par effraction dans un immeuble, avaient déménagé les habitants et les meubles et avaient installé un centre d'accueil. Un ordre de réquisition a été pris quelques mois après. Le juge a décidé que de tels agissements, constitutifs d'une voie de fait, entraînaient la compétence du juge judiciaire.
L'irrégularité constitutive de la voie de fait peut donc revêtir un deuxième aspect. Elle peut se situer dans la mesure elle même. On parle alors de voie de fait pour manque de procédure (Hauriou). Nous verrons qu'il existe en droit positif un principe selon lequel l'administration ne peut pas sans recourir au juge procéder à l'exécution forcée de ses décisions. L'exécution forcée n'est légitime que lorsqu'un texte formel la prévoit, lorsqu'il y a urgence ou encore lorsqu'aucune sanction n'est prévue par le droit pour vaincre la résistance des administrés. Si donc l'administration recourt à l'exécution forcée, en dehors de ces hypothèses, elle commet une voie de fait et elle devient justiciable du juge judiciaire. Mais il y a aussi voie de fait lorsque l'exécution prévue par des textes a été réalisée en méconnaissance de ces textes. La jurisprudence offre des exemples très nombreux de voie de fait dans de telles hypothèses. Il en est ainsi très souvent lors de saisie de journaux[5]. Le maire d'une commune avait fait exhumer d'office les corps d'un caveau et avait disposé du terrain pour l'attribuer à une autre famille en invoquant que la famille ne respectait pas les prescriptions. Le Tribunal des conflits estima qu'il est interdit en l'absence de toute urgence de procéder à une exécution d'office et qu'une telle exécution, qui violait le respect dû aux sépultures, était constitutive d'une voie de fait[6].
Cette distinction entre deux sortes d'irrégularités constitutives de voie de fait – manque de droit et manque de procédure – est devenue classique. Toutefois, elle n'est pas exempte de toute critique. On peut remarquer que dans la plupart des hypothèses, l'irrégularité atteint l'exécution et la décision. C'est ainsi que dans l'affaire Action française, la saisie des journaux était entachée d'irrégularités manifestes à deux égards : elle ne pouvait pas être rattachée à la police et son exécution était interdite. De plus, l'exécution forcée suppose un ordre. Dans ces conditions, on peut se demander s'il ne serait pas plus simple, souhaitable, de réunir ces faits en les présentant sous la forme d'un critère unique, plus synthétique.
Il apparaît que l'irrégularité manifeste suppose toujours une absence de pouvoir pour caractériser la voie de fait. Ce terme d'absence de pouvoir pour caractériser la voie de fait est parfois utilisé par le juge lui-même. Par exemple, dans l'affaire Carlier, le Conseil d'État s'exprime ainsi : « Cette saisie, qui apparaît dans les circonstances de l'affaire comme manifestement insusceptible d'être rattachée à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration, cette saisie constitue une voie de fait ».
2- L'atteinte aux libertés individuelles. On souligne toujours que la voie de fait suppose une atteinte aux libertés individuelles. Il y a là la conséquence du principe selon lequel le juge judiciaire demeure le gardien naturel des droits individuels et des droits privés. Effectivement, la jurisprudence donne des exemples très nombreux de voies de fait à propos d'atteinte aux différentes libertés individuelles.
Ex:
- atteinte à la liberté de culte[7],
- atteinte à la liberté de la presse[8],
- atteinte à l'intimité du domicile[9],
- atteinte à la liberté de correspondance[10]
- atteinte au droit aux concessionnaires de terrains dans les cimetières[11],
- atteinte à la liberté d'association[12]
- atteinte à la liberté d'aller et venir[13].
Quant au droit de propriété, il peut lui aussi donner lieu à l'application de la théorie. Mais il faut remarquer qu'en matière d'atteinte à la propriété immobilière, la théorie de la voie de fait peut interférer avec une autre théorie, à savoir la théorie de l'emprise irrégulière[14]. Le Tribunal des conflits dit que « les communes intéressées n'ont pas fait la preuve de l'existence d'un accord amiable, invoqué par elles, qui aurait été conclu avec ladite société ou avec une dame Treille, précédent propriétaire ;qu'il s'ensuit, qu'en l'état, cette occupation sans titre a constitué une voie de fait ». Quant à l'atteinte à la propriété mobilière, elle constitue aussi une voie de fait (Carlier).
On a pu s'interroger d'ailleurs sur la portée de la condition relative aux atteintes aux droits individuels et se demander s'il pouvait y avoir voie de fait alors qu'il n'y avait pas atteinte à un droit ou une liberté individuelle. Logiquement, en effet, on pourrait soutenir que la théorie de la voie de fait peut s'appliquer dès lors qu'on est en présence d'une décision administrative affectée d'une irrégularité manifeste. La jurisprudence ne l'a pas admis et elle considère qu'il ne peut y avoir voie de fait que s'il y a eu atteinte à une liberté individuelle. Même l'acte très gravement irrégulier ne constitue pas une voie de fait[15]. Dans le même sens, l'arrêt Préfet de police c/ M. Boussadar[16] rejette la compétence judiciaire s'agissant du refus de visa opposé à un étranger appelé à comparaître en personne à une audience devant une juridiction française, nonobstant l'impossibilité pour le ressortissant étranger de bénéficier du droit à un procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l'homme.
Les conséquences de la voie de fait
La théorie de la voie de fait entraîne la compétence du juge judiciaire, laquelle compétence est entendue largement.
1- Le juge judiciaire est d'abord compétent pour établir la voie de fait, c'est-à-dire pour apprécier la gravité de l'irrégularité qui entache l'acte administratif. On justifie cette compétence du juge judiciaire en soulignant que dans le cas de voies de fait,l'acte aurait perdu son caractère administratif. Mais cette compétence du juge judiciaire est une compétence partagée avec le juge administratif car en effet, la jurisprudence a décidé que le juge administratif pourrait lui aussi, lorsqu'il était saisi, reconnaître le caractère de voie de fait d'un acte de l'administration et en constater la nullité. Les deux juges peuvent donc reconnaître la voie de fait.
Cette décision essentielle a été formulée dans l'arrêt du Capitaine Guiguon. En exécution d'une décision prise par l'autorité militaire, des scellées avaient été apposées sur le logement du capitaine Guiguon. Le Tribunal des conflits a décidé que cette mesure ne pouvait se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration, qu'elle constituait une voie de fait, mais qu'il appartenait tant à l'autorité judiciaire qu'à l'autorité administrative d'en constater la nullité. Le juge judiciaire est ainsi obligé de partager sa compétence.
2- Le juge judiciaire est également compétent, mais cette fois exclusivement, pour en tirer les conséquences, pour faire cesser la voie de fait et pour la réparer, et cela en condamnant l'administration à des dommages et intérêts. C'est ici qu'apparaît tout l'intérêt de la compétence judiciaire en ce domaine. Le juge judiciaire dispose de moyens efficaces pour contraindre l'administration. En effet, la jurisprudence a reconnu que le juge judiciaire pouvait adresser des injonctions à l'administration. Ex: le juge judiciaire peut ordonner un référé préventif, des expulsions ou des restitutions[17]. Le Tribunal des conflits a même autorisé le juge judiciaire à condamner l'administration à des astreintes[18].
On peut dire que ces conséquences de la théorie de la voie de fait sont normales. Dès lors qu'il y a voie de fait, il n'y a plus activité administrative et on peut logiquement en déduire une soumission complète de l'administration aux règles de droit privé. Ces solutions sont également heureuses sur le plan pratique car elles assurent efficacement la défense des administrés contre les atteintes portées aux libertés par l'administration.
3- Il a même été décidé que la théorie de la voie de fait permettait au juge judiciaire d'apprécier la légalité des règlements portant atteinte à la liberté individuelle[19]. Le juge judiciaire a donc plénitude de juridiction.
L'avenir de la voie de fait
La théorie de la voie de fait, qui avait été admise avec certains hésitations a connu depuis lors un essor considérable et atteint un degré de précision relativement satisfaisant. Les adversaires de la voie de fait croient déceler aujourd'hui une contestation, un déclin de la voie de fait. Pourquoi?
1- D'abord, les adversaires relèvent et reprennent sur le plan théorique les critiques déjà formulées au début du XXe siècle par la doctrine, critiques qu'ils reprennent et développent. Ils insistent d'abord sur le rôle historique qu'aurait joué la théorie de la voie de fait dans les périodes troublées. À l'heure actuelle, ce rôle serait terminé, les choses s'étant normalisées.
Ils insistent aussi sur les incertitudes de compétence que soulèvent la théorie de la voie de fait. Une véritable condamnation de la théorie de la voie de fait a été prononcée par le commissaire du gouvernement Fournier dans ses conclusions de l'arrêt Voskresensky[20]. Il faut rappeler, pour comprendre la thèse soutenue par Fournier, les dispositions de l'art. 136 du Code de procédure pénale substitué à l'ancien art. 112 du Code d'instruction criminelle. Ce texte décide qu'en cas d'atteinte à la liberté individuelle, ainsi qu'à la sûreté personnelle et à l'inviolabilité du domicile, les tribunaux judiciaire sont toujours exclusivement compétents. Ce texte paraît donc retenir une compétence judiciaire de principe. Mais on a toujours pu observer une tendance à maintenir dans ce domaine une certaine compétence au juge administratif. Le juge des conflits considère que le principe de séparation ne peut pas être complètement écarté et que tout texte contraire à ce principe de séparation doit être interprété restrictivement. Le Tribunal des conflits avait ainsi décidé que la compétence judiciaire devait être retenue seulement lorsque l'action était dirigée contre les agents publics et non pas contre l'État (Dame de Lamurette). Cette disposition ne pouvait être maintenue en présence de la rédaction incluse dans le nouvel art. 136 du Code de procédure pénale. Toutefois, le Tribunal des conflits a encore décidé, en invoquant toujours le principe de séparation des pouvoirs, que le juge judiciaire ne pouvait apprécier la légalité des actes administratifs (Clément). C'est en se fondant sur les dispositions de l'art. 136 du Code de procédure pénale que Fournier a considéré que la théorie de la voie de fait était aujourd'hui en grande partie dépourvue d'intérêt. Les dispositions de l'art. 136 suffisent à établir la compétence judiciaire dans le cas d'atteinte à la liberté individuelle; point n'est besoin de recourir à la théorie de la voie de fait. À cela, d'autres représentants de la doctrine ajoutent encore que la théorie de l'emprise irrégulière permet de justifier la compétence judiciaire lorsqu'il y a atteinte à la propriété immobilière. On est alors conduit à conclure que pour les atteintes aux libertés autres que les libertés individuelle, le droit de propriété privée et de propriété immobilière, le juge administratif doit être compétent. Le problème n'a pas été tranché dans l'arrêt Voskresensky car le Conseil d'État a admis la compétence judiciaire en se fondant sur l'article 136 du Code de procédure pénale.
2- On peut observer encore que le juge administratif s'est reconnu compétent dans certaines hypothèses qui paraissaient cependant constituer d'authentiques voies de fait. Il faut faire ici état de l'arrêt SARL Éditions du témoignage chrétien[21]. L'hebdomadaire Témoignage chrétien avait fait l'objet de saisies sur une décision préfectorale qui a été annulée par le Tribunal administratif de Rouen. L'administration se pourvoyait en appel devant un autre juge qui l'avait condamné à réparation. Il semblait bien que les principes formulés dans l'arrêt Action française étaient applicable. Le Conseil d'État s'est reconnu implicitement compétent pour apprécier la responsabilité. En réalité, il semble que des considérations d'opportunité ou d'équité aient joué un rôle essentiel. Le juge administratif a statué car il a voulu éviter au requérant de s'adresser à un nouveau juge (dix ans de procédure). Il demeure quand même que la compétence administrative est difficilement explicable dans cette espèce. La notion de voie de fait aurait dû être reconnue. Après la décision Témoignage chrétien, certains ont pu penser qu'il y avait un déclin, voire même un abandon de la théorie de la voie de fait. Il n'en est rien et on va voir dans la jurisprudence intervenue depuis lors qu'on peut percevoir une orientation qui est favorable à la voie de fait.
Nous relèverons d'abord l'arrêt Société civile immobilière des Praillons[22]. Il s'agissait du déversement ordonné par deux communes d'ordures ménagères sur un verger appartenant à un particulier. Le Tribunal des conflits a déclaré que l'acte en cause était constitutif d'une voie de fait dès lors qu'il n'y avait pas d'accord de volonté (contrat).
Mais il s'agit surtout de l'arrêt Muselier[23]. À la suite du décès de l'amiral Muselier, le chef de la marine (sous de Gaulle) avait ordonné la saisie de certains documents qui se trouvaient dans le logement de l'intéressé. L'administration maritime de Toulon n'avait aucune habilitation; elle ne pouvait faire état que d'un vieux décret de 1870 qui décidait que le juge judiciaire devait donner son autorisation et assister à la saisie. Le Commissaire du gouvernement a montré que l'administration en décidant et en exécutant cette décision, avait ainsi usurpé des pouvoirs appartenant à l'autorité judiciaire et porté atteinte aux droits des consorts Muselier dans des conditions insusceptibles de se rattacher à l'exercice des pouvoirs de l'administration.
On peut citer aussi les arrêts Commune de Bou Guenais et Eucat. On ne saurait méconnaître l'importance de ces décisions du Conseil d'État, dans lesquelles la haute juridiction administrative et le Tribunal des conflits expriment leur attachement à la voie de fait. Elles démontrent en tout cas que la notion de voie de fait a connu des vicissitudes plutôt qu'un déclin. La théorie de la voie de fait a connu dès son origine des critiques. On ne saurait non plus méconnaître les avantages appréciables apportés par la théorie de la voie de fait lorsque les libertés individuelles sont en jeu. En conclusion, on peut dire que la théorie de la voie de fait est bien vivante.
Voir aussi
- Trouver la notion "Voie de fait" dans l'internet juridique français
Notes et références
- ↑ Tribunal des conflits 4 juillet 1934 Curé de Réalmont : Rec. p. 1247
- ↑ Tribunal des conflits 8 avril 1935 Action française
- ↑ Conseil d'État 18 novembre 1949 Carlier
- ↑ Tribunal des conflits 17 mars 1949 Époux Léonard-Defraiteur : Rec. p. 592 (arrêt Hôtel du Vieux Beffroi ???
- ↑ Tribunal des conflits 25 novembre 1963 Commune de Saint-Just-Chaleyssin : Rec. p. 793
- ↑ Conseil d'État 10 octobre 1969 Muselier : AJDA 1969 p. 699 au sujet d'une apposition de scellées au domicile d'un officier de marine lors de son décès
- ↑ Tribunal des conflits 4 juillet 1934 Curé de Réalmont
- ↑ Action française
- ↑ Tribunal des conflits 27 juin 1966 Capitaine Guigon : AJDA 1966 p. 547
- ↑ Tribunal des conflits 10 décembre 1956 Randon : Rec. p. 592
- ↑ Tribunal des conflits 25 novembre 1963 Commune de Saint-Just-Chaleyssin
- ↑ Cass. 1e civ. 24 octobre 1977 Commune de Bou Guenais : JCP 1979 II 19.157
- ↑ Tribunal des conflits 9 juin 1986 Eucat : RDP 1987 p. 1073
- ↑ Tribunal des conflits 30 juin 1969 Société civile immobilière des Praillons : AJDA 1969 p. 699, arrêt rendu à l'occasion d'un déversement par deux communes d'ordures ménagères sur un terrain privé
- ↑ Conseil d'État 8 avril 1961 Klein : Dalloz 1961 p. 587
- ↑ Tribunal des conflits Préfet de police c/ M. Boussadar
- ↑ Tribunal des conflits 17 mars 1949 Société immobilière Rivoli-Sépastopol
- ↑ Tribunal des conflits 17 juin 1948 Manufacture de velours et peluches : Rec. p. 513 ; Dalloz 1948 jurisprudence p. 377
- ↑ Tribunal des conflits 30 octobre 1947 Barinstein : Rec. p. 511
- ↑ AJDA 1965 p. 605
- ↑ Conseil d'État 4 novembre 1966 SARL Éditions du témoignage chrétien : AJDA 1967 p. 40
- ↑ Tribunal des conflits du 30 juin 1967 Société civile immobilière des Praillons
- ↑ Conseil d'État du 11 octobre 1969 Muselier : RDP 1970 p. 774