Séjour des étrangers (fr)
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Historiquement, le droit français a un traitement pénal des infractions aux règles d'entrée et de séjour irrégulier sur le territoire national. Ce traitement précède le traitement administratif. Cependant, les officiers de police judiciaire n'apprécient pas l'opportunité des poursuites en droit français. Le traitement administratif est privilégié par rapport au traitement pénal. La découverte d'un étranger en situation irrégulière commence souvent par un contrôle d'identité régi par la procédure pénale, mais se prolongera par des mesures administratives.
À tout moment, une demande d'asile peut être introduite. La théorie et la pratique sont de ne pas prendre de risque et d'examiner chaque demande d'asile, même lorsqu'à l'évidence, les demandes déposées sont dilatoires. Compte tenu des difficultés pratiques, certains juges admettent la consultation d'un consulat sur l'identité d'un demandeur d'asile, mais d'autres sanctionnent cette mesure car elle pourrait signaler la situation d'un opposant à son pays.
Sommaire
Droit pénal
Le Procureur de la République est décisionnaire dans la procédure pénale concernant l'entrée et le séjour irréguliers. Il est extrêmement rare que le délit de séjour illicite soit seul poursuivi sans qu'il n'ait été accompagné de la commission d'autres infractions ou d'un refus de communication de la part de l'étranger.
Les dispositions principales sont celles de l'art. L 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Cet article définit en son alinéa premier un délit passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 Euros pour le non-respect des conditions posées par les art. L 211-1 et L 311-1 CESEDA.
L'art. L 621-1, al. 2 définit la peine complémentaire d'interdiction du territoire (ou mesure de sûreté V. Fonctions des mesures de sûreté). L'art. L 311-1 CESEDA s'applique aux étrangers ressortissants de l'Union européenne. Ces derniers ne sont en principe pas sanctionnés pénalement, mais peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière.
La méconnaissance des mesures d'éloignement ou d'assignation à résidence[1] punit la soustraction à une mesure d'éloignement ou le non-respect d'une mesure d'éloignement. Lors de l'interpellation, le relèvement de cette sanction peut être demandé. À la différence de l'art. L 621-1 CESEDA, l'art. L 624-1 n'exclut pas les étrangers de l'Union européenne.
Des sanctions pénales sont également prévues pour
- L'aide à l'entrée et au séjour irréguliers[2], vise plutôt les réseaux de passeurs ou les employeurs ayant profité d'une main d'œuvre bon marché, mais peut incriminer des particuliers. Pour vérifier l'existence du « délit de solidarité », il faut examiner la jurisprudence du tribunal correctionnel et de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
- La reconnaissance d'enfant et le contracté à seule fin d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française[3]
- La méconnaissance des obligations incombant aux entreprises de transport[4]. Cette responsabilité n'est engagée qu'en cas de mauvaise foi évidente du transporteur. Par exemple s'il a fermé les yeux sur une falsification ou un faux évident d'un document de voyage. Par contre, elle l'est toujours concernant l'obligation de retour, y compris lorsque le transporteur n'a assuré que la dernière partie du transit de l'étranger.
Droit administratif
Découverte d'un étranger en situation irrégulière
L'hypothèse est celle de la présence sur le territoire national d'un étranger qui ne remplit pas ou plus les conditions d'entrée et de séjour, non celle du placement en zone d'attente.
Un étranger en séjour irrégulier peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, d'un arrêté ministériel d'expulsion et d'une interdiction du territoire.
L'obligation de quitter le territoire est un acte administratif qui va devenir exécutoire à l'expiration d'un délai de recours suspensif ou du prononcé de la décision statuant sur l'obligation de quitter le territoire. Le tribunal compétent est le Tribunal administratif. L'obligation de quitter le territoire s'appelait « invitation à quitter le territoire » jusqu'en 2007, mais elle n'entraînait aucune obligation et ne constituait qu'un conseil. L'obligation de quitter le territoire accompagne le refus de séjour pour ne pas laisser d'ambiguïté, ou dès que les conditions du séjour ne sont plus remplies, en particulier l'obligation de disposer de conditions de subsistance prévue par l'art. L 121-1 CESEDA. L'obligation de quitter le territoire est notifiée par voie postale à l'adresse indiquée par l'étranger. À partir du retour à l'expéditeur, il y a une présomption de réception, même s'il n'y a pas de signature de l'accusé de réception.
L'arrêté ministériel d'expulsion est exceptionnel. Il est pris par le ministre de l'intérieur en cas de trouble à l'ordre public, comme par exemple la commission d'une infraction importante.
L'interdiction du territoire national résulte d'une décision de justice et non d'une décision administrative qui peut faire l'objet de recours. L'interdiction du territoire national est de trois ans en cas de séjour irrégulier[5] et de dix ans en cas de non-respect d'une mesure d'expulsion ou d'assignation à résidence[6]. L'interdiction nationale peut faire l'objet d'un relèvement. Elle est exécutoire lorsque la condamnation devient définitive (v. Caractère exécutoire du jugement). C'est à partir de ce moment que le temps d'interdiction du territoire est calculé, ce qui signifie qu'il n'y a pas de délai de prescription de la peine. Généralement, il y aura une tentative de mise à exécution de la peine à l'issue d'une incarcération. Globalement, l'interdiction du territoire national repose sur le trouble à l'ordre public.
Il existe également l'accord de réadmission Schengen
L'obligation de quitter le territoire national et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ont une validité de un an. Ces actes administratifs peuvent faire l'objet d'un retrait suite à un recours gracieux adressé à l'auteur de l'acte, le préfet, ou à son supérieur hiérarchique, le Ministre de l'Intérieur. Si l'arrêté n'est pas notifié in personam, lorsqu'il est remis à l'intéressé(e) en main propre, mais en poste restante, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) conseille de prendre le temps de préparer sa défense avant de se saisir du document administratif. Celui-ci doit être motivé, en fait par un examen détaillé de la situation de l'étranger en cause, et en droit.
L'obligation de quitter le territoire national et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peuvent faire l'objet de recours et deviennent caducs lorsqu'ils ont été exécutés, à la différence de l'interdiction du territoire national. Faute de motivation, l'arrêté entaché d'illégalité doit être déféré au greffe du tribunal administratif du département dans lequel l'étranger se situe. La question peut accessoirement se poser de l'exception d'illégalité de l'arrêté non motivé, hors délai.
Si l'étranger prouve qu'il a exécuté la mesure d'obligation de quitter le territoire national ou l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, il peut revenir.
L'expulsion peut être réalisée vers un pays autre que celui dont l'étranger est issu. Lorsque, par méconnaissance ou détournement des textes, certains étranger demandent le séjour dans un État de l'espace Shengen, mais séjournent ailleurs, ils peuvent être reconduits dans cet État.
Durant le temps d'exécution de l'obligation de quitter le territoire ou de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, ainsi que durant le temps de l'examen des recours intenté contre ces décisions, il y aura généralement un arrêté de placement en centre de rétention administrative. Cet arrêté est pris après l'écoulement d'un délai de trente jours après l'adoption de l'obligation de quitter le territoire ou de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, destiné à permettre l'exécution de la mesure. L'étranger qui ne respecte pas ces mesures est passible des sanctions prévues par l'art. L 624-1 CESEDA.
Rétention administrative
La rétention administrative débute avec un arrêté de placement en rétention administrative. Ce régime n'est pas obligatoire. Il a pour fonction de préparer l'éloignement. L'étranger est placé dans des locaux spécifiques nommés « centres de rétention administrative » s'ils sont permanents, ou « locaux de rétention » lorsqu'ils sont temporairement créés par arrêté. L'arrêté de rétention est valable quarante-huit heures, c'est-à-dire le temps de la rétention administrative. Cette durée peut être prorogée deux fois. Elle peut être prorogée une première fois de quinze jours par le juge des libertés et de la détention sur demande du préfet au cours d'une audience publique, à laquelle sont convoqués le retenu et son avocat, le préfet ou son représentant, et son avocat, le procureur et un éventuel interprète. Elle peut être prorogée, c'est-à-dire prolongée une seconde fois de quinze ou de cinq jours par une décision particulièrement motivée. La prorogation de quinze jours est ordonnée en cas d'urgence absolue, de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyages de l'interessé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement. La prorogation de cinq jours est ordonnée lorsque, malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement est inexecuté en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat ou de l'absence de moyen de transport et que l'une de ces deux circonstances doit intervenir à bref délai ou bien lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement malgré les diligences de l'administration pour pouvoir procéder à l'execution de la mesure d'éloignement. L'amplitude globale de la rétention administrative est de trente-deux jours, mais, en pratique, la seconde décision du juge des libertés et de la détention est extrêmement rare. Quelqu'un qui n'a pas de document de voyage ne peut être reconduit sans l'accord de son pays.
La demande d'aide juridictionnelle peut être présentée au plus tard au moment de l'introduction de la demande, mais pas au-delà[7]. Dans ce cas, la juridiction saisie est tenue de surseoir à statuer et la juridiction supérieure tenue de soulever d'office l'irrégularité résultant du non-respect par le premier juge de cette obligation de surseoir :
- « Compte tenu de l’importance de l’aide juridictionnelle, ainsi que de l’obligation de transmission évoquée ci-dessus, pour la mise en œuvre du droit constitutionnellement garanti de toute personne à un recours effectif à une juridiction, l’irrégularité tenant à ce qu’une décision juridictionnelle a été rendue en méconnaissance de l’obligation de surseoir à statuer qui s’impose à toute juridiction lorsqu’a été présentée une demande d’aide juridictionnelle, que la demande ait été présentée directement devant le bureau d’aide juridictionnelle ou bien devant la juridiction saisie, doit, le cas échéant, être soulevée d’office par la juridiction qui est saisie de cette décision[8] »
Le délai de recours contre l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est de quarante-huit heures, c'est-à-dire le temps de la rétention administrative.
L'intervention du juge des libertés et de la détention se produit en règle générale. Elle n'a pas lieu lorsque l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est déjà exécutoire. Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle de la légalité de la procédure (v. Conditions de validité de la décision exécutoire), ainsi qu'un contrôle de la nécessité du maintien de la rétention, mais non un contrôle de la régularité de l'expulsion. Autrement dit, le rôle du juge est limité puisqu'il n'a pas à se préoccuper du fond du dossier à savoir ce qui justifie le choix du préfet de placer l'étranger en rétention administrative.
L'appel peut être formé auprès de la Cour d'appel. Si l'appel confirme le premier jugement, un pourvoi en cassation est possible, mais il faut un avocat au conseil depuis 2006. Hors le Conseil d'État exerce un filtre ce qui équivaut à un refus d'un recours réel et effectif parce que le coût de la procédure dissuade d'intenter ce recours.
L'administration a l'obligation d'utiliser au mieux le temps de rétention. Par exemple, pour déterminer le pays d'origine. En cas de mauvaise foi de la part de l'étranger (refus de communiquer son pays d'origine ou sa langue de communication), il sera passible des peines prévues par l'art. L 624-1 CESEDA.
Les droits du retenu sont à peu près ceux du mis en zone d'attente. Les recours possibles sont
- le recours contre la rétention administrative, formulé auprès du Tribunal administratif
- le recours contre la décision du juge des libertés et de la détention. Il est formé auprès de la Cour d'appel ou de la préfecture
- la demande d'asile peut être formée en rétention administrative. L'OFRA statue conformément à une procédure rapide de réponse durant le temps de rétention.
L'assignation à résidence
L'assignation à résidence est une alternative à la rétention administrative. Elle est ordonnée « à titre exceptionnel » et vise à permettre à l'étranger d'organiser lui-même son retour dans les quinze jours. Elle repose sur une garantie de représentation, l'existence d'une adresse fiable, c'est-à-dire d'un domicile fixe. Elle permet par exemple la préparation du départ. Cette mesure est souvent assortie d'un contrôle.
Retour volontaire
Conformément aux normes européennes, on privilégie les dispositifs incitatifs de retour volontaire avec un dispositif financier. L'étranger souhaitant partir volontairement peut se présenter auprès de l''Office français de l'intégration et de l'immigration, ex-OMI. Le retour volontaire comprend une prise en charge du départ, y compris un encouragement financier allant de quelques centaines à quelques milliers d'euros. Il peut y avoir une aide à un projet dans le pays d'origine. Un étranger qui commence un retour volontaire ne sera pas inquiété ni au plan pénal, ni au plan administratif. On ne peut bénéficier deux fois d'un dispositif d'aide au retour volontaire.
Notes et références
- ↑ Art. L 624-1 et s. CESEDA
- ↑ L 622-1 et s. du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- ↑ Art. L 623-1 et s. CESEDA
- ↑ Art. L 625-1 et s. CESEDA
- ↑ Art. L 621-1, al. 2 CESEDA
- ↑ Art. L 624-2 CESEDA
- ↑ Conseil d'État, avis n° 322713 du 6 mai 2009 : JORF n° 120 du 26 mai 2009 p. 8721
- ↑ Conseil d'État, avis n° 322713 du 6 mai 2009, précité
Bibliographie
GISTI, Le guide de l'entrée et du séjour des étrangers en France, Paris: 2005, Éditions La Découverte, 6e éd. 323 p. ISBN 2707145130
- Vandendriessche Xavier, Le droit des étrangers, Paris : 2005, Éd. Dalloz-Sirey, 175 p. ISBN 2247060943
- Journal Officiel, Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Éd. Les Journaux Officiels, ISBN 211075950X
- Renault-Malignac, Fabienne, Tchen, Vincent, Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Éd. Litec - Juris-Classeur, ISBN 2711006247
Voir aussi
- Trouver la notion séjour territoire étranger dans l'internet juridique français
- Asile en France
- Cimade - service œcuménique d'entraide
- Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI)
- Rubrique Espace de liberté, de sécurité et de justice dans le droit de l'Union européenne