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Statut juridique des sites de vidéo en ligne (fr) : Différence entre versions

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Reste que de nombreux professionnels de l'Internet offrent à la fois des services d'hébergement et éditent des contenus. Il s'agit d'une convergence verticale de plus en plus recherchée à l'heure où trouver de nouveaux débouchés s'avère souvent essentiel. De plus, les [[contrats]] unissant ces premiers à leurs clients s'apparentent souvent à des conventions complexes permettant une application distributive des [[régimes]] : celui de l'hébergeur et le champ de responsabilité atténuée pour la partie s'y rapportant, celui de l'éditeur et la [[responsabilité civile (fr)|responsabilité civile]] de droit commun pour la partie restante.
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Reste que de nombreux professionnels de l'Internet offrent à la fois des services d'hébergement et éditent des contenus. Il s'agit d'une convergence verticale de plus en plus recherchée à l'heure où trouver de nouveaux débouchés s'avère souvent essentiel. De plus, les [[contrat (fr)|contrats]] unissant ces premiers à leurs clients s'apparentent souvent à des conventions complexes permettant une application distributive des régimes : celui de l'hébergeur et le champ de responsabilité atténuée pour la partie s'y rapportant, celui de l'éditeur et la [[responsabilité civile (fr)|responsabilité civile]] de droit commun pour la partie restante.
 
C'est-ce qu'explique le professeur Christophe Caron : «'' sur certaines parties du site qui abritent des contenus placés par des utilisateurs, une société peut avoir un rôle d'hébergeur, alors que, à l'égard d'autres parties du site qui accueillent des contenus placés par l'exploitant du service, ce dernier aura alors un rôle d'éditeur ''» <ref> CARON (Ch.), « Sites de partage de vidéos : un arrêt important » in Communication commerce électronique, n° 10, Octobre 2009, comm. 86 </ref>.
 
C'est-ce qu'explique le professeur Christophe Caron : «'' sur certaines parties du site qui abritent des contenus placés par des utilisateurs, une société peut avoir un rôle d'hébergeur, alors que, à l'égard d'autres parties du site qui accueillent des contenus placés par l'exploitant du service, ce dernier aura alors un rôle d'éditeur ''» <ref> CARON (Ch.), « Sites de partage de vidéos : un arrêt important » in Communication commerce électronique, n° 10, Octobre 2009, comm. 86 </ref>.
  

Version du 8 novembre 2010 à 22:22


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Le statut juridique des sites de vidéos en ligne est une problématique contemporaine du droit des médias, souvent au cœur des controverses entre ayants droit et sites internet collaboratifs, et liée à des enjeux économiques substantiels.

Que parait loin le temps du web 1.0. Calme, discret et serein, ce papi du numérique ne faisait pas de vague et ravissait tous ceux qui le côtoyaient. Mais aujourd'hui démodé, ses héritiers l'ont supplanté ; et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas adopté la même marche de conduite que cet aïeul placide. Facebook, Wikipedia ou Second life sont les noms de ces enfants impitoyables et à l'ambition démesurée qui - à coups d'informatique pratique et d'électronique tonique - bâtissent la société de l'information sur les cendres de la société industrielle.

Ce web 2.0 qui règne désormais sur la toile de l'Internet permet aux utilisateurs, à l'inverse de son prédécesseur, de déposer des contenus en ligne. Auparavant, l'internaute était passif, simple spectateur de contrées virtuelles encore méconnues car peu explorées. Désormais, il est devenu un acteur incontournable de ce monde immatériel mais où les actes produisent des conséquences qui, elles, s'avèrent bien réelles. Or, c'est là que le bât blesse ; car s'il est à mettre au crédit de ces innovations à la portée immesurable une accessibilité au savoir et aux connaissances sans commune mesure avec le XXème siècle, leur côté sombre doit être sérieusement pris en considération afin d'éviter des effets collatéraux plus que dommageables. Sont visées par ces mots les nombreuses atteintes aux droits de propriété intellectuelle des artistes et des producteurs qui résultent inévitablement de l‘émergence du web 2.0. Ainsi, l'industrie du disque n'est plus qu'une pâle copie de ce qu'elle fut au cours des années 1990 et celle du livre tente de se maintenir au prix de concessions et de mutations tant indispensables aujourd'hui qu'inimaginables il y a deux décennies. Le cas des vidéos qui va être ici envisagé se révèle particulièrement topique de ces conséquences synonymes de révolutions.

Dès lors que des milliards d'individus empruntent une route dépourvue de signalisation et où la police ne possède aucun pouvoir, les accidents abondent inévitablement. Le droit tente donc de mettre en place quelques panneaux afin de réduire les risques et les abus. Mais les particularités de l'Internet rendent sa mission périlleuse. Ainsi, la Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique du 21 juin 2004 (ci-après LCEN)[1] - sorte de « code de la communication au public en ligne » - montre des carences qui obligent les juges à faire œuvre de création. Ce seront les deux parties de ces développements autour du cadre juridique des plateformes de vidéos en ligne.

Sommaire

Partie 1 / Les apports de la LCEN, un régime archaïque et source de méfiance.

Chapitre 1 / Les définitions de la loi, un régime précis mais dépassé.

Section 1 / Présentation de la problématique.

Il est donc plus que commun que l'opération consistant pour des particuliers à placer sur des sites des œuvres de l'esprit soit réalisée sans respect des droits afférents auxdites œuvres. Or, existent des « principes de loyauté et de libre concurrence, attachés à l'exercice de toutes activités commerciales, imposant à une entreprise intervenante sur un marché de s'assurer que son activité ne génère pas des actes illicites au préjudice de tout autre opérateur économique », comme le rappela la Cour d'appel de Paris [2] ; et Internet n'est pas seulement un formidable moyen de communication et d'expression - si bien qu'il relève désormais d'une liberté fondamentale [3] - il s'agit également d'un marché au développement exponentiel, tant et si bien que les acteurs du web 2.0 sont avant tout des sociétés commerciales à l'envergure souvent démesurée. Apparaissent inexorablement de vives tensions entre ces derniers et les entreprises traditionnelles du secteur de la culture, mais aussi du luxe. Juridiquement, l'enjeu est donc de parvenir à protéger les droits d'auteur et les marques, mais sans aboutir à l‘étouffement de ces sociétés dont les contrefaçons constituent, implicitement, une grande part du fonds de commerce. Que les deux parties s'en tirent sans trop de dommages, voici la difficile conciliation à laquelle doivent s'atteler législateur et justice.

C'est à ce juste équilibre que la LCEN tente tant bien que mal d‘aboutir. Étant donné que poursuivre les internautes ayant mis en ligne les contenus illicites est une bataille difficilement remportable, les actions et les polémiques ou incertitudes en découlant touchent les acteurs qui administrent ces sites. Ces dernières se focalisent logiquement sur la question du régime de responsabilité leur étant imputable et, concomitamment, sur celle de leur qualification juridique.

Concernant les plateformes de vidéos en lignes, qui sont principalement Youtube - propriété du groupe Google - et le français Dailymotion, il est particulièrement délicat pour juristes et juges de choisir entre les deux catégories d'opérateurs envisagés par la LCEN, c'est-à-dire éditeur ou hébergeur ; la qualification de fournisseur d'accès n'étant en revanche en aucun cas envisageable. Ces explications vont donc tourner autour de ce duo et des hésitations qu'il entraîne ; même si, on peut le signaler dès à présent, la notion d'hébergeur semble avoir aujourd'hui remporté plus de points que son adversaire. Cependant la partie perdure toujours.

Section 2 / Présentation générale de la LCEN.

La LCEN du 21 juin 2004, qui encadre donc juridiquement la communication au public en ligne en France, transpose en droit national la directive communautaire du 8 juin 2000 relative à la société de l'information et au commerce électronique [4]. Cependant, cette dernière s'inspire elle-même d'un texte plus ancien : le Digital Millenium Copyright Act américain (DMCA) de 1998 [5]. Un premier constat s'impose donc, ce domaine en perpétuelle évolution est régi à l'heure actuelle par un texte de 2004 - certes modifié à mainte reprises - s'inspirant d'un homologue européen datant de 2000 et d'un confrère états-unien encore plus âgé. Par ailleurs, il sera opportun de s'adonner à quelques considérations de droit comparé in fine de ce commentaire (v. infra l'arrêt Viacom c/ Youtube rendu le 23 juin 2010 par une Cour (us ny de New York, partie II, B, 2, a).

Paradoxalement, cette loi n'engendra que peu de contentieux au cours des premières années suivant sa promulgation. Il fallait en réalité attendre le déploiement du web 2.0 et notamment l'émergence des sites de partage de vidéos pour que son article 6 - qui traite des différentes qualifications juridiques en cause - entre en action relativement aux droits d'auteur. Or l'ancienneté de son contenu fait que, s'il n'est devenu obsolète, en tout état de cause il est clairement dépassé par les mutations de la communication au public en ligne puisqu‘il avait été mis en place pour appréhender le web 1.0 (v. infra partie I, B). Dans une telle conjoncture, on comprend l'importance du rôle des juges et de l'adaptabilité des normes.

Section 3 / Le contenu de l'article 6 et les différents régimes édités.

L'article 6 de la LCEN instaure un régime de responsabilité limitée pour les hébergeurs, tandis que s'appliquent aux éditeurs les règlent classiques de la responsabilité civile des articles 1382 et suivants du Code civil. Toutefois, encore faut-il pouvoir désigner les entités qui se cachent sous l'une ou l'autre appellation. C'est là la question la plus périlleuse, celle sur laquelle juges et doctrine se cassent les dents depuis quelques temps déjà.

A / Le commerce électronique.

Le commerce électronique est appréhendé par l'article 14 de la loi comme étant « l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services […] consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ».

Partant, les opérateurs qui seront en cause dans ces développements et pour lesquels la qualification juridique est incertaine entrent dans le champ du commerce électronique, donc de la directive du 8 juin 2000[6] et de la loi du 21 juin 2004[7].

B / Les hébergeurs.

- 1 / Leur définition.

La LCEN distingue deux genres de prestataires techniques, c'est-à-dire d'intervenants qui n'agissent qu'afin d'apporter un soutien matériel aux internautes et sans autre considérations vis-à-vis des contenus : les fournisseurs d'accès et les fournisseurs d'hébergements. Il est important d'insister sur le fait qu'ils doivent n'agir qu'en vertu de missions de nature exclusivement technique car il s'agit du critère décisif, voir unique.

L'article 6, I, 2, de la loi définit les hébergeurs comme étant des « personnes physiques ou morales qui assurent […] pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par les destinataires de ces services ». La doctrine se risque à dessiner des contours légèrement plus précis en précisant que ledit public ne peut dans les faits être constitué que de clients dans un rapport commercial [8]. Mais la pratique comme la jurisprudence montrent qu'une grande frange des opérateurs est susceptible d'entrer sous le couvert de cette désignation et que penser que la définition peut être précisée n'est finalement qu'une utopie. En conséquent, peuvent être concernés les plateformes de vidéos, mais également tous les sites permettant de stocker les informations de tiers tels que les moteurs de recherche [9].

- 2 / Leurs responsabilité et obligations.

Ce même article 6, I, 2 poursuit en déterminant, en des termes sensiblement identiques, les conditions permettant d'engager les responsabilités civile et pénale de ces acteurs, la seconde n'étant quasiment jamais en cause dans les contentieux. Ainsi, ils « ne peuvent pas voir leur responsabilité […] engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible », formulation visant explicitement à rendre exceptionnelle la possibilité d'engager valablement lesdites responsabilités. À noter qu'en vertu d'une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, ce contenu doit apparaître comme « manifestement illicite » [10] pour que ces dispositions puissent jouer, ce qui renforce l'impression d'intouchabilité. La loi vise expressément les cas de pédophilie, de crime contre l'humanité et d'incitation à la haine raciale. Alors seulement l'hébergeur est astreint à retirer immédiatement les vidéos maladives. On comprend cette position du juge constitutionnel, les hébergeurs pouvant être tentés de ne courir aucun risque en supprimant quasi automatiquement tout contenu dont la régularité lui parait douteuse, au préjudice des libertés d'expression et d'information.

Pour autant, il ne s'agit pas de croire que la loi édite là un régime d'irresponsabilité ; au contraire, elle instaure des obligations très précises à l'égard des hébergeurs puisqu‘ils sont tenus de supprimer les contenus leur ayant été précisément signalés comme manifestement illicites par l'effet d'une notification. Dès cet instant, ils doivent se hâter, le document - à condition d'être régulier - a force obligatoire et il n'est nul besoin d'attendre une quelconque décision de justice pour agir. Néanmoins, le formalisme rigoureux de cette notification, défini à l'article 6.I.5, rend la procédure délicate à mettre en œuvre et permet à l'hébergeur d'identifier concrètement et sans équivoque le contenu visé. Subséquemment, la notification ne peut, selon le texte, lier l'hébergeur qu'à condition de contenir les mentions suivantes : « la date de la notification ; si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ; les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ; la description des faits litigieux et leur localisation précise ; les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ». Encore, est exigée « la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté ».

De la sorte, est mis en œuvre un régime proche de la responsabilité en cascade de la loi du 29 juillet 1881 quant aux délits de presse puisque attaquer l'hébergeur n'est possible qu'après tentative infructueuse à l'égard du responsable direct et premier de l‘atteinte aux droits du requérant.

Il est intéressant ici de s'attarder quelques instants sur le travail parlementaire ayant mené à l'adoption de cette procédure. En effet, elle prouve à quel point il peut être difficile pour le monde politique de percevoir les enjeux et intérêts afférents aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'article décrit ci-dessus ne figurait pas dans le projet de loi originel déposé par le Gouvernement. Il provient d'un amendement parlementaire directement motivé et suggéré par le forum des droits sur l'internet qui estimait vital de simplifier la tâche des hébergeurs [11]. Le Sénat n'ayant pas voulu du texte, ce fut finalement la commission mixte paritaire qui l'entérina [12], mais cela prouve qu'au sujet de l'Internet et des nouvelles technologies en général, l'apport des technocrates se révèle indispensable.

Encore, l'article 6.II oblige les hébergeurs à se procurer les données permettant l'identification précise des fournisseurs de contenu et à les conserver. Cette disposition vise à permettre à celui dont les droits sont altérés par des contenus diffusés de retrouver celui qui a pris l'initiative de leur mise en ligne. Elle prouve que le système établi par la LCEN recherche en premier lieu à ce que les actions en indemnisation soient tout d'abord dirigées contre les responsables originaires avant de l'être à l'encontre des hébergeurs qui ne sauraient donc être plus que des auxiliaires des victimes.

Enfin, l'article 6, I, 7 dispose que les fournisseurs d‘accès et d‘hébergement « ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu'elles transmettent ou qu'elles stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».

Les obligations de ces acteurs s'avèrent donc grandement limitées, si bien que, évidemment, les plateformes de vidéos ou autres sites de vente aux enchères et moteurs de recherche tentent de se glisser dans l'habit d'hébergeur, statut nettement plus favorable du fait de ce régime de responsabilité spécifique [13].

En conclusion sur la notion d'hébergeur au sens de la LCEN, l'on peut citer Philippe Stoffel-Munck pour qui le régime juridique mis en place « signale d'abord que c'est au titulaire de droits d'assurer la protection de ceux-ci, puis que l'opérateur est un auxiliaire dans cette défense de son patrimoine ; mais il n'est pas son substitut » [14].

C / Les éditeurs.

- 1 / La responsabilité et les obligations.

À l'inverse, les titulaires de droits soutiennent la qualification d'éditeur, celle-ci permettant l'application d'une responsabilité pleine et entière devant les actes de contrefaçon. Ainsi, les éditeurs sont tenus par une obligation de diligence à l'égard des contenus qu'ils fournissent. Ils doivent donc vérifier leur compatibilité par rapport aux bonnes mœurs ou à la protection de l'enfance, mais ils doivent encore et surtout s'attacher à contrôler le fait que des droits de propriété intellectuelle n'y soient pas attachés.

La loi omet de définir la notion, l'article 6.III.1 précisant tout au plus que l'éditeur est une « personne dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne », formule laconique s'il en est. En outre, est précisé qu'il a une obligation d'identification dans les mentions légales des sites, ce qui ne permet guère de le distinguer d'un hébergeur.

- 2 / Une notion d'éditeur particulière.

En revanche, il s'agit de ne pas se fourvoyer car l'éditeur ici en cause doit être clairement distingué de celui définit - cette fois-ci précisément - par l'article L. 132-1 du Code de la propriété intellectuelle. L'éditeur d'un site n'est que rarement cessionnaire de droits et ne fabrique pas en nombre des exemplaires d'œuvres de l'esprit. Aussi des auteurs, regrettant cette polysémie, proposent-ils d'évoquer plus sûrement des « responsables de sites » [15].

En revanche, l'on peut tenter de raisonner par analogie en reprenant les dernières évolutions législatives dans le domaine des médias. En effet, la récente loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision [16] a inséré la notion d'éditeur de service de média audiovisuel dans le paysage juridique, plus précisément dans la loi du 30 septembre 1986[17]. Celui-ci est décrit comme ayant pour rôle de contrôler la sélection et l'organisation d'un catalogue de programmes. De plus, la non moins récente loi du 12 juin 2009[18] crée l'éditeur de service de presse en ligne qui exerce une « maîtrise éditoriale » sur son contenu, « consistant en la production et la mise à disposition du public d'un contenu original (...) » [19].

Après étude de ces dernières définitions, la distinction avec l'activité d'hébergement semble moins obscure puisqu'il semble établi que leur vocation est en premier lieu de sélectionner, mettre en forme et surtout contrôler des contenus. Autrement dit, l'éditeur possède un rôle actif antinomique de l'idée de simple apport technique. « Le pivot entre les deux notions se situe ici : l'hébergeur ne participe pas à l'acte même de publication, alors que l'éditeur en est l'initiateur ou le partenaire actif, puisqu'il contrôle et organise tant les contenus à publier que le rythme des publications » [20].

Néanmoins, l'affaire se corse dès lors que la jurisprudence, pas plus que la loi, ne parvient à mettre une étiquette sur ces entités décidément bien insaisissables (v. infra partie II).

Chapitre 2 / Les remises en cause de la loi, pour un régime repensé.

Section 1 / L'idée d'une catégorie intermédiaire.

Il s‘agit donc de distinguer éditeurs et hébergeurs afin d‘appliquer à chacun un régime lui étant propre. Mais, au vu de la pratique et des décisions contradictoires rendues par la justice (v. partie II), la question se pose de savoir s‘il ne serait pas opportun de créer une catégorie intermédiaire, un hybride tantôt éditeur, tantôt hébergeur [21]. En effet, Dailymotion ou Youtube exercent des activités à mi-chemin entre la simple prestation technique et les choix éditoriaux.

L'Assemblée Nationale commanda un rapport d'application sur la LCEN en 2007 [22]. Celui-ci indiquait déjà que les frontières entre les acteurs de l'Internet avaient tendance à s'estomper devant des pratiques de plus en plus polyvalentes : « l'évolution de l'action d'hébergement suppose de légiférer rapidement, voire de façon urgente, pour fixer plus précisément les limites au sein desquelles le statut d'hébergeur, qui est un statut exonératoire de responsabilité, s'applique. Autant la loi doit être appliquée, autant elle doit régir une réalité. L'une des pistes est sans doute l'éclatement du statut d'hébergeur, en fonction du caractère plus ou moins actif de l'hébergement ».

Ainsi, si dans la loi existent trois catégories, celles-ci paraissent à l'heure actuelle désuètes devant le web 2.0 et les sites communautaires qui, s'ils participent clairement d'une opération technique de stockage, le font « dans le cadre d'un concept original défini par eux » [23]. Dès lors, ils ne répondent pas - ou pas exactement - à la définition de la loi. Certains auteurs - qui jugent que la LCEN « est bien loin d'inspirer sinon de mériter ainsi la confiance » [24] - réclament donc une modification des textes en vigueur, afin de faciliter le travail des juges et courir après l'évolution des pratiques et technologies, précisant qu' « une législation trop détaillée et trop technique risquerait d'être obsolète dès sa promulgation » [25]. D'autres proposent « d'affirmer qu'en principe l'éditeur est celui qui a fourni le contenu mis en ligne et l'hébergeur celui qui l'a reçu pour le diffuser sur son site, puis d'ajouter que, par exception, ne peut bénéficier de l'article 6.I.2 le site qui se dédie à titre principal à la diffusion de contenus manifestement illicites » [26]. Ainsi des sites s'intitulant par exemple « contrefaçon.com » ne pourraient plus revendiquer cette qualification totalement injustifiée à leur égard, tandis que les plateformes mettant en œuvre les moyens nécessaires pour supprimer les contenus illicites dont-ils prennent connaissance pourraient continuer à en profiter. Cependant, c'est oublier que dans ce cas de figure le droit commun se révèle tout à fait apte à jouer son rôle. Ainsi, il est possible de faire prononcer la nullité absolue d'une société dont l'objet social serait contraire à l'ordre public [27].

Section 2 / L'idée d'une qualification distributive.

Reste que de nombreux professionnels de l'Internet offrent à la fois des services d'hébergement et éditent des contenus. Il s'agit d'une convergence verticale de plus en plus recherchée à l'heure où trouver de nouveaux débouchés s'avère souvent essentiel. De plus, les contrats unissant ces premiers à leurs clients s'apparentent souvent à des conventions complexes permettant une application distributive des régimes : celui de l'hébergeur et le champ de responsabilité atténuée pour la partie s'y rapportant, celui de l'éditeur et la responsabilité civile de droit commun pour la partie restante. C'est-ce qu'explique le professeur Christophe Caron : « sur certaines parties du site qui abritent des contenus placés par des utilisateurs, une société peut avoir un rôle d'hébergeur, alors que, à l'égard d'autres parties du site qui accueillent des contenus placés par l'exploitant du service, ce dernier aura alors un rôle d'éditeur » [28].

Section 3 / L'idée d'un critère de neutralité.

Encore, un critère nouveau pourrait être employé en droit français : celui de la neutralité. En effet, ce dernier est employé par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) - qui le tire directement de la directive du 8 juin 2000 - afin de distinguer éditeurs et hébergeurs. Ainsi, dans son arrêt du 23 mars 2010 relatif à Google [29], la haute Cour juge qu'un prestataire est neutre - et donc susceptible de bénéficier du régime dérogatoire des hébergeurs - s'il adopte un comportement purement « technique, automatique et passif impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle des données stockées » [30]. La CJUE semble donc vouloir réserver la qualification d'hébergeur aux seuls acteurs n'exerçant strictement aucune fonction excédant le caractère technique. Il y aurait ainsi des « hébergeurs passifs » et des « hébergeurs actifs » assimilables à des éditeurs de contenus.

Mais au-delà de ces variations sémantiques, il n'est pas sûr que ce critère puisse apporter quelque indice supplémentaire aux juges. Or ce sont en premier lieu les magistrats qui bâtissent aujourd'hui le cadre juridique des plateformes de vidéos en ligne, un cadre pour le moins instable et problématique.

Partie 2 / Les apports de la jurisprudence, un régime instable et source d'insécurité.

Chapitre 1 / La question de la qualification juridique, de l'éditeur à l'hébergeur.

Section 1 / Dans un premier temps, la tentation de la qualification d‘éditeur.

Les contentieux portant sur la qualification juridique des sites de vidéos en ligne apparurent au cours de l'année 2007. Les juges, dans un premier temps, penchèrent en faveur de la qualification d'éditeur de site et donc de la responsabilité pleine et entière du droit commun[31]. En outre, si une décision du tribunal de grande instance (TGI) de Paris du 13 juillet 2007 [32] ne retint pas cette qualification au sujet de Dailymotion mais lui préféra celle d'hébergeur, elle opta néanmoins pour une responsabilité forte à travers la contrefaçon par fourniture de moyens]]. En effet, elle expliquait que « ce site ne pouvait pleinement bénéficier des limitations de responsabilité propres aux hébergeurs, dans la mesure où le service proposé générait ou induisait des actes de contrefaçon en incitant à la mise à disposition de vidéos dans des conditions telles que cette mise à disposition concernerait des œuvres protégées par le droit d'auteur ».

A / Les arguments probants et récurrents soutenant cette qualification.

Les artistes et autres ayants droits cherchent donc à faire valoir devant les juges que la qualification d'éditeur doit s'appliquer aux plateformes de vidéos en ligne. Pour cela, ils avancent en général devant les tribunaux deux arguments tendant à prouver l‘existence de choix éditoriaux, l'un de caractère matériel, l'autre de caractère économique. En premier lieu, ils prétendent que ces sites dépassent largement le cadre de la simple intervention technique puisque l'architecture, la structure des pages et le formatage des vidéos relèvent de leurs propres choix. En sus, ils arguent le fait qu'une exploitation commerciale des contenus est effectuée à travers la publicité, les produits en découlant dépendant directement de l'audience réalisée, soit de l'attirance des contenus proposés. Or, les juridictions retiennent justement ce critère commercial pour interdire la qualification d'hébergeur aux sites de vente en ligne [33].

B / La définition de l'éditeur de contenus par les tribunaux.

Venant compenser la carence du législateur, les tribunaux tentent de préciser la notion d'éditeur de contenu, qu'ils retiennent ou non cette qualification. Ainsi, certains juges considèrent que doit être qualifié en tant que tel celui qui offre « une structure de présentation par cadres » aux internautes et qui «  diffuse, à l'occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement profit » [34] ou bien celui qui tient « un rôle actif dans le référencement, le classement et le tri des liens permettant d'accéder aux oeuvres contrefaites » [35].

La jurisprudence est clairement contrastée puisque dans d'autres décisions est exigé - en guise de condition sine qua non - que l'opérateur en cause soit « personnellement à l'origine de la diffusion » [36], « détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu'elle a créé ou dont elle a la charge » ou encore « contrôle les contenus des vidéos envoyées par les internautes selon des choix fixés par un comité de rédaction propre » [37] pour accéder à la qualification d'éditeur. Enfin, plus récemment, le TGI de Paris [38] posait la définition suivante : « l'éditeur se définit […] comme étant la personne qui détermine les contenus devant être mis à la disposition du public sur le service qu'elle a créé ou dont elle a la charge ». Mais cette dernière est - à l'image des autres - très équivoque puisque le verbe « déterminer » peut mener à différentes acceptions et peut-être que accepter ou supprimer des contenus est une action pour le moins « déterminante ».

Les éléments constitutifs de la qualification d'éditeur s'avèrent donc fort difficiles à cerner au sein de cette jurisprudence fluctuante.

C / L'inévitable question de la qualité pour agir.

Une autre question particulière put intéresser les juges, mais nécessitant cette fois-ci moins de développements, celle de la qualité pour agir. En effet, elle est susceptible de se poser dès lors que des sociétés de gestion collective administrent les droits pour le compte de leurs adhérents. Les décisions de justice relative à la responsabilité des sites communautaires de partage de vidéos appliquent logiquement la distinction entre droit de percevoir les rémunération appartenant auxdites sociétés et droit d'autoriser restant l'apanage des artistes. Donc, quand bien même un auteur aurait cédé ses droits patrimoniaux à une telle entité, il ne perdrait nullement « sa qualité et son intérêt à agir pour la protection de ses droits, notamment par l'action en contrefaçon » [39]. En revanche, il est bon de signaler que, si un producteur était cessionnaire des droits, toute action relèverait alors de son pouvoir.

Section 2 / La solution retenue par les juges du fond : la qualification d'hébergeur.

Comme l'explique Philippe Stoffel-Munck, « au regard du grand public, Jean-Yves Lafesse est d'abord un artisan majeur de la renaissance du genre humoristique constitué par les canulars téléphoniques ou audiovisuels. Au regard de la communauté des juristes, son inventivité et son audace le signalent aussi comme le promoteur d'une utile clarification des concepts de la LCEN dans l'environnement du Web 2.0 » [40]. Il est vrai que le roi de la caméra cachée, en initiant une part substantielle des contentieux touchant à la protection des droits sur les plateformes de vidéos en ligne, permit au TGI de Paris de clarifier la situation en prenant parti pour la qualification d'hébergeur. Pour autant, il ne faut pas croire qu'il s'agisse là d'une position ferme et définitive car l'appréhension de ces problématiques par la Cour de cassation semble diverger (v. II, A, 3).

Le premier jugement affirmant que Youtube ou Dailymotion ne peuvent être considérés qu'en tant qu'hébergeurs date du 19 octobre 2007 [41]. Cette solution fut reprises par les juges du fond dans les affaires Lafesse et dans quelques autres arrêts importants où est considéré que la responsabilité des sites n'est engageable qu'après que le caractère illicite ait été clairement désigné par une notification des ayants droits.

A / Le contenu de la jurisprudence des juges du fond.

- 1 / Les espaces publicitaires, des éléments insignifiants.

Il convient de rappeler que les demandeurs aux procès se fondent toujours sur le fait que les plateformes de vidéos ont une raison d'être commerciale et que la fin des opérations de stockage de vidéos est la recherche de lucre. Or, si la jurisprudence des juges du fond est - depuis 2007 - constante sur un point, c'est sur celui-ci : cet élément est sans incidence aucune sur le choix entre les qualifications d'éditeur ou d'hébergeur [42]. Dans l'ensemble des affaires les plus contemporaines, les juges écartent cet argument, expliquant que la LCEN traite des opérateurs uniformément, qu'ils exercent leurs activitésà titre onéreux ou à titre gratuit. En effet, si la loi prévoit que des hébergeurs peuvent ne pas faire payer leurs services aux utilisateurs, cela signifie insidieusement qu'ils se financeront par des recettes provenant des annonceurs. De plus, les contenus mis en ligne ne sont pas directement visés par un ciblage et ne font donc pas l'objet d'une sélection basée sur des critères commerciaux.

- 2 / Les interventions techniques, des éléments inopérants.

Dans ces affaires comme dans toutes les affaires touchant à ce sujet, les faits ne posent aucune difficulté : des vidéos - telles que en l'espèce « Lafesse refait le trottoir » ou « Les yeux dans Lafesse » - sont mises en ligne par des internautes sur Youtube ou Dailymotion. S'en suit une assignation en justice de ces opérateurs par les ayants droits, avançant les arguments technique et commercial décrits précédemment et réclamant la reconnaissance de leur responsabilité en la qualité d'éditeurs, mais également d'hébergeurs, subsidiairement (v. infra : B/ La question de la responsabilité en tant qu‘hébergeur).

Les juges répondent que ne saurait s‘appliquer le régime des éditeurs et que, en conséquent, reste celui des hébergeurs, lequel ne permet pas de retenir de responsabilité du fait des vidéos contrevenantes [43]. Dans le jugement relatif à Dailymotion, le tribunal retient que « la limite imposée par la société Dailymotion quant à la taille des fichiers acceptés est une contrainte technique et n'implique aucun regard sur le contenu du fichier posté mais seulement une limite à ce que le serveur peut intégrer ». Puis, il poursuit en décrivant que « le réencodage opéré par la société Dailymotion pour rendre compatibles les fichiers postés est également une opération purement technique qui ne demande aucun choix quant au contenu de la vidéo postée ». Les juges retiennent encore que « ne constitue un choix éditorial que le choix des contenus des fichiers mis en ligne » et que « le fait de structurer les fichiers mis à la disposition du public » ne donne pas au créateur du site « la qualité d'éditeur tant qu'il ne détermine pas les contenus des fichiers ».

Cette solution se voit confirmée par l'arrêt d'appel de l'affaire « Joyeux Noël » [44] - du nom de ce film à propos duquel les producteurs s'opposaient à Dailymotion - qui retient que la mise à la disposition d'une architecture, d'un formatage technique des vidéos postées et d'une classification n'ont pour finalité que de « rationaliser l'organisation du service et d'en faciliter l'accès à l'utilisateur sans pour autant lui commander un quelconque choix quant au contenu qu'il entend mettre en ligne ». Les défendeurs ne sauraient donc être plus que des prestataires techniques à la responsabilité limitée.

C'est-ce que confirme la même juridiction dans le second jugement « Lafesse », à propos de Youtube cette fois-ci. Laconiquement, elle juge que Youtube ne saurait être assimilé à un éditeur dans la mesure où il n'assure « aucun choix des contenus ni aucune intervention sur ceux-ci » et parce qu'il « n'exerce pas [...] de choix éditorial, ne sélectionnant pas les fichiers mis en ligne et n'intervenant pas sur leur contenu ». Néanmoins, le TGI parisien affirme que « le prestataire de stockage au sens de l'article 6 de la LCEN [...], contrairement à l'éditeur, n'est pas personnellement à l'origine des contenus diffusés ».

Cela a son importance car, en dépit de la certaine banalité de ces propos, il était important que les juges gravent dans le marbre le fait que l'éditeur est celui qui fourni les contenus afin que ceux-ci soient mis à disposition des internautes et non celui qui reçoit ces documents avec mandat pour les mettre en ligne. De plus, cette décision permet de comprendre que les juges réfléchissent ''a contrario''. Ils recherchent si l'opérateur est un éditeur et, dans la négative, ils concluent qu'il s'agit alors d'un hébergeur. Ce n'est donc pas tant que Youtube est un hébergeur, c'est surtout que Youtube n'est pas un éditeur ; d'où l'importance des raisonnements portant sur le besoin d'établir des catégories intermédiaires (v. supra, partie I, B). Enfin, il ne faut pas omettre de préciser - ce que ne fait pas le tribunal - que « seul est applicable l'un de ces deux statuts  ».

- 3 / Des dernières décisions confirmant ces solutions.

La Cour d'appel de Paris vint confirmer la jurisprudence du TGI dan un arrêt « Omar et Fred » rendu le 14 avril 2010. En l'espèce les faits s'avéraient à nouveau très peu originaux : les humoristes ainsi que leurs sociétés de production, après avoir repéré sur le site Dailymotion des séquences de leur spectacle, avaient mis en demeure celui-ci de les retirer. Puis, ces extraits revenant inlassablement sur le site, ils l'avaient assigné devant le TGI pour contrefaçon. Le tribunal de grande instance, dans un jugement en date du 15 avril 2008 [45], avait jugé que Dailymotion était un hébergeur et que sa responsabilité ne pouvait être engagée, rejetant l'ensemble des demandes des ayants droits qui avaient donc fait appel.

Les juges du second degré confirment la solution rendue en première instance, retenant un critère similaire à celui de la « détermination » évoqué précédemment : la « capacité d'action sur les contenus ». Or, selon la Cour, les plateformes communautaires n'ont pas cette capacité. Le reste de la motivation de l'arrêt est proche des jugements rendus précédemment et les arguments technique et commercial sont rejetés notamment parce que les opérations de formatage ou de classification sont nécessaires pour organiser les service et relèvent donc directement de l'hébergement.

La réponse à la question de la qualification s'avère donc classique et une ligne jurisprudentielle semble se dessiner. Cependant, cet arrêt ayant été rendu quelques temps après celui de la Cour de cassation dans l'affaire « Tiscali » (v. infra), les spécialistes attendaient de savoir quelle ligne serait suivie par la Cour d'appel. Et, pour l'instant, elle décide de poursuivre sur le même registre que les autres juges du fond.

Section 3 / Dans un troisième temps, la contradiction apportée par une position des juges du droit antinomique.

Faute d'avoir pu jusqu'à présent se prononcer directement au sujet des sites de vidéos en ligne, la Cour de cassation eut néanmoins l'occasion de donner son point de vue sur ces considérations d'ordre juridico technologique à l'occasion de l'arrêt rendu le 14 janvier 2010 par la 1ère chambre civile[46]. Or, ce point de vue se révèle tout à fait dissonant des jugements et arrêts rendus jusqu'à présent par les juges du fond. En effet, la haute juridiction aboutit à la conclusion que Tiscali ne peut se voir appliquée la qualification d'hébergeur, reprenant l'argumentation de la Cour d'appel [47] qui avait constaté que les services fournis par la société sur son site Internet excédaient les simples apports techniques en permettant aux internautes de créer leurs pages personnelles et en proposant aux annonceurs de mettre en place directement sur ces pages des espaces de communication payants.

Ici, le bât blesse puisque l'on ne distingue que de très vagues nuances entre les services proposés par Tiscali et ceux proposés par Youtube ou Dailymotion. Peut-être l'emplacement des publicités diffère-t-il - pages individualisées chez l‘une, pages d'accueil et cadres standards chez les autres - mais l'on sait que le recourt à la publicité n'est pas un critère déterminant en vertu de la loi elle-même. Cet arrêt fut accueilli par une grande incompréhension du côté des juristes et des professionnels. Il suscita même une vive réaction de la part de la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, afin d'assurer que le statut des hébergeurs n'était pas pour autant remis en cause [48].

Il est néanmoins important de noter que cet arrêt fut rendu sous le visa de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 - modifiée par la loi du 1 août 2000 - aujourd'hui abrogé ; tant et si bien que l'hébergement n'est plus défini comme le « stockage direct et permanent » de contenus, mais comme le « stockage » de documents « fournis par des destinataires du service ». Avec la disparition des termes « direct et permanent », le législateur souhaitait sans doute diminuer l'accent mis sur le caractère technique des prestations d'hébergement, influençant par là la jurisprudence. Mais cet article affirmait déjà qu'il importait peu que l'opérateur agisse « à titre gratuit ou onéreux » et comme le décrit un auteur, critiquant fermement les juges de cassation, « le législateur n'avait donc pas entendu exclure de ce statut les sociétés commerciales, lesquelles doivent trouver un moyen de percevoir une rémunération en contrepartie de la prestation qu'elles offrent. Quelle différence juridique pourrait-il exister entre une rémunération perçue directement auprès des utilisateurs et une rémunération perçue par l'affichage d'un bandeau publicitaire ? La Cour de cassation reste muette sur ce sujet » [49].

Cet arrêt ne manquera pas d'inciter les ayant droits victimes de contrefaçons à intenter de nouveaux procès à l'encontre des acteurs du web 2.0 plutôt qu'à l'encontre des internautes comme le dispose pourtant la LCEN. L'on attend donc avec impatience que les juges du droit se prononcent à nouveau sur le sujet pour savoir quelle posture sera plus fermement adoptée.

Chapitre 2 / La question de la responsabilité en la qualité d'hébergeur, d'une semi responsabilité à une quasi irresponsabilité.

Section 1 / Les différentes solutions retenues par les juges du fond.

A / La question de la procédure de notification.

L'arrêt rendu le 14 avril 2010 par la Cour d'appel de Paris apporte en outre quelques précieuses précisions quant à la question de la mise en œuvre de la responsabilité des plateformes au titre de leur qualité d'hébergeurs, ce que réclament toujours les plaignants de façon subsidiaire.

Le législateur mit en place une procédure de notification des contenus illicites entraînant une présomption de connaissance des contenus illicites qui oblige à les retirer « promptement » dès lors qu‘ils sont « manifestement illicites » (v. supra I, A, 3). Ce contentieux s'avère donc fondamental pour les deux parties puisqu'il s'agit de déterminer quelles sont les formes à respecter strictement et celles dont l'importance est moindre, mais également d'établir ce que revêt cette expression d'origine constitutionnelle : « manifestement illicites ».

Or, il faut avouer que les juges ont une propension importante à absoudre les sites de vidéos dès lors que la notification ne respecte pas précisément les termes de la loi [50]. Par exemple, le tribunal de Paris estima, dans une décision en date du 27 avril 2009 [51], que « la notification a un caractère obligatoire du fait de l'absence d'obligation de surveillance des contenus ». Quant à la Cour d'appel, dans l'affaire « Omar et Fred » elle constata que certaines notifications produites par les appelants n'identifiaient et localisaient pas suffisamment les contenus contrevenants, empêchant Dailymotion d'agir utilement en vue de leur suppression. Ainsi aurait-il été nécessaire de communiquer les adresses URL précises des documents à la plateforme afin qu'elle puisse aisément les dénicher au sein des milliers de fichiers stockés.

Néanmoins, les juges condamnaient Dailymotion à payer des dommages et intérêts en raison du fait que, après une première notification en bonne et due forme consistant en l'assignation en justice, des extraits du spectacle des humoristes étaient demeurés présents sur le site.

Il semble donc que les opérateurs, suite à une première notification régulière, engagent leur responsabilité si les contenus réapparaissent (v. infra b, sur les obligations de moyens et de résultat). Cette vision des choses revient à de multiples reprises dans les décisions des juges (v. notamment T. com., réf., 10 avr. 2009, Cortix c/ Google Inc.).

Dans d'autres affaires - proches sur le fond - les tribunaux purent préciser, de façon contradictoire, que la preuve de la connaissance du caractère illicite peut être apportée par tous moyens car il s'agit d'un fait juridique [52] ou que la notification doit être effectuée au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception pour être valable et engager la responsabilité des prestataires de l‘Internet [53]. Encore ont-ils pu affirmer que le demandeur est susceptible d'être condamné sur le fondement de l'abus du droit d'agir en justice [54].

Dans les affaires « Lafesse », était également nécessaire de se positionner quant à une éventuelle responsabilité de Youtube ou Dailymotion en la qualité d'hébergeurs. Dans le jugement du 15 avril 2008 [55], les juges désapprouvaient encore le comique qui pourtant estimait sa requête recevable « en raison de la parfaite connaissance des faits et activités précisément signalés comme illicites, […] de la persistance de la mise en ligne des oeuvres identifiées » et de « la remise en ligne des mêmes oeuvres ». Ainsi, ils répondaient que Dailymotion n'était « pas responsable a priori du contenu des vidéos proposées sur son site ; seuls les internautes le sont ; elle n'a aucune obligation de contrôle préalable du contenu des vidéos mises en ligne », et que « la connaissance effective du caractère manifestement illicite d'une atteinte aux droits patrimoniaux ou moraux des auteurs ou producteurs ne relève d'aucune connaissance préalable et nécessite, de la part des victimes de la contrefaçon, qu'ils portent, à la connaissance de la société qui héberge les sites des internautes, les droits qu'ils estiment bafoués, dans les conditions prévues (par la LCEN) ».

Il serait donc nécessaire de procéder à des notifications pour toute apparition et réapparition de contenus illicites ; lesquels doivent être suffisamment précises puisque le tribunal notait que « les demandeurs se contentaient d'affirmer que leurs droits étaient bafoués mais sans donner les adresses URL litigieuses et sans apporter les justifications des contrefaçons alléguées », ce qui empêchait la plateforme de circonscrire les documents à supprimer.

Nonobstant ces considérations, les juges - faisant dans la demi-mesure - retinrent la responsabilité de Dailymotion à propos de certaines autres vidéos qui, cette fois, pouvaient être aisément situées sans la masse de contenus. Ainsi, le jugement conclut : « Daily Motion a engagé sa responsabilité d'hébergeur en ne retirant pas promptement les vidéos dont le caractère manifestement illicite […] avait été porté à sa connaissance », mais ne dénote qu'une atteint au droit moral de l'artiste dont « l'oeuvre et l'interprétation ont ainsi été dénaturées ».

Dans l'affaire « Joyeux Noël », juges de première et seconde instance s'étaient opposés sur ce terrain. En effet, le TGI avait retenu tout d'abord la responsabilité de Dailymotion en raison de l'existence de « faits et circonstances » faisant apparaître le caractère illicite des contenus stockés [56]. Mais le jugement fut réformé sur ce point par la Cour d'appel, celle-ci estimant que le fournisseur d'hébergement ne saurait être tenu responsable que si, dès le moment où il a eu connaissance du fait qu'il abritait des contenus illicites, il n'a pas « agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».

Concernant la seconde affaire « Lafesse » - ayant opposé le comédien à Youtube [57] - est écrit dans le jugement que « les oeuvres figurant dans le tableau suivant ont continué à être diffusées par l'hébergeur […] postérieurement à sa connaissance des actes illicites :

Titre du DVD : POURVU QUE ÇA DURE ; Oeuvre (titre séquence) : La girafe ; Date de notification du premier constat à l'hébergeur : 20 septembre 2007 ; Date des constats suivants : 16 octobre 2007 ; 22 octobre 2007, 20 février 2008. Titre du DVD : LES YEUX DANS LAFESSE ; Oeuvre (titre séquence) : Les flics homos ; Date de notification du premier constat à l'hébergeur : 20 septembre 2007 ; Date des constats suivants : 16 octobre 2007, 22 octobre 2007. Titre du DVD : LES YEUX DANS LAFESSE Oeuvre (titre séquence) : Y a un perroquet qui vous a chié sur la tête Date de notification du premier constat à l'hébergeur : 20 septembre 2007 ; Date des constats suivants : 20 février 2008, 16 octobre 2007, 22 octobre 2007, 11 janvier 2008 [...]


Il résulte de l'analyse de ce tableau que la société Youtube n'a pas promptement retiré l'ensemble des oeuvres en cause, puisqu'en dépit de sa connaissance des adresses URL contenues dans les procès-verbaux de constat, parmi les quatorze séquences concernées, deux figuraient encore sur le site après quelques quatre mois, dix autres à l'issue d'une vingtaine de jours ».

Ainsi, le tribunal retient la responsabilité de la filiale de Google dès lors que les notifications ont été très précisément formulées. À l'inverse, il juge inopérantes deux mises en demeure qui ne « comportaient qu'une référence imprécise aux oeuvres de M. Jean-Yves Lafesse et ne livraient pas d'éléments d'identification des pages HTML litigieuses ». Malgré les termes de la loi, tout dépend donc de l'appréciation subjective des juges du fond, lesquels se laissent bien souvent séduire par les arguments des sites Internet dès lors que les ayants droits ne leur facilitent pas suffisamment la tâche. En l'espèce, Youtube était néanmoins condamné sur le fondement du tableau présenté ci-dessus.

B / La question d'une obligation de surveillance et d‘une obligation de résultat.

La jurisprudence quant au thème de l'obligation de surveillance est là aussi plus qu'incertaine ou, en tout cas, hésitante. Existent à parité des solutions ayant imposé la contrainte « particulière » de veiller à ce que des contenus illicites ne soient pas remis en ligne après une première notification[58], se fondant notamment sur le fait que des moyens techniques rendent possibles ces opérations et peu important que « les diffusions successives soient imputables à des utilisateurs différents » [59], et des jugements se prononçant à l'inverse en faveur de l‘exclusion de telles obligations, faisant peser les risques sur les ayants droits[60] et planer une macabre odeur d'insécurité juridique.

Le corollaire de cette obligation de surveillance serait une obligation de moyens et de résultats, c'est-à-dire que les hébergeurs seraient tenus, après première notification, de mettre en œuvre les techniques - telles que les « empreintes numériques » - permettant d'empêcher de nouvelles diffusions. Or, Dailymotion et consorts affirment ne pas avoir les moyens humains, matériels et financier pour mettre en œuvre ces contraintes portant sur des dizaines de milliers de fichiers (v. infra 2, c).

C / La question des données à conserver par les hébergeurs.

Dans une espèce, Youtube a pu être condamné pour avoir omis de recueillir les « noms, prénoms, domiciles et numéros de téléphone » des éditeurs de contenus [61]. Il s'agit d'une énumération concrète étonnante par rapport aux termes de la loi qui exigent simplement que soient sauvegardées « les données de nature à permettre l'identification » (v. supra I, A, 3), renvoyant ensuite à un décret en Conseil d'État - encore en souffrance à l‘heure actuelle - le soin de « définir les données » visées à cet égard. En réalité, les juges se permettent donc de faire œuvre réglementaire et de se substituer à une administration depuis trop longtemps défaillante. Un auteur postule qu'il serait plus opportun de « simplement analyser si les données collectées pouvaient être considérées par l'hébergeur comme de nature à satisfaire à son obligation à contenu indéterminé », ajoutant que dans le cas contraire, « une légèreté blâmable pourrait lui être reprochée, mais si les données pouvaient être jugées pertinentes, qu'importe qu'il n'y figure pas, par exemple, le deuxième prénom de l'éditeur ? » [62].

Section 2 / Le soutien des solutions retenues par les juges du fond.

A / Des solutions confortées sur un plan international.

Recourir un temps au droit comparé s‘avère, dans cette étude, opportun. Les problématiques en cause relèvent en effet par nature d'une envergure supranationale, comme toute question relative à cet Internet qui ne connaît pas de frontières. De plus, Youtube a pour origine les Etats-Unis et les décisions rendues dans ce pays l'intéressent doublement, notamment dans le but d'y tirer des arguments afin de se défendre en France ou dans d'autres pays.

Or, l'United States district court de New York - en quelque sorte l'équivalent d'une Cour d'appel française - rendit récemment, le 23 juin 2010, un arrêt fondamental sur ces questions de droits d'auteur et de droit de la communication au public en ligne [63]. Dans cette espèce, Viacom, un puissant groupe de l'industrie du cinéma américaine, avait assigné en justice Youtube au sujet de faits semblables à ceux étudiés jusqu'à présent : il réclamait la bagatelle d'un milliard de dollars en compensation de la mise en ligne par des internautes de contenus audiovisuels - en l'occurrence pas moins de 160 000 vidéos - au préjudice des droits de propriété intellectuelle s'y rattachant. Dans son arrêt, la juridiction étasunienne confirme que la qualification d'hébergeur doit s'appliquer à la filiale de Google, peu important le fait qu'elle se finance par la publicité. En conséquent, Youtube bénéficie du safe harbor - soit le « port sûr » en français - qui signifie que l'opérateur du web 2.0 profite d'une immunité totale. Cependant, la juridiction prend le soin de préciser que ce safe harbor s'efface dès lors que le prestataire d'hébergement avait connaissance de la présence d'éléments indésirables dans ses vidéos. On se rapproche donc grandement des décisions rendues par les tribunaux français en la matière.

De plus, l'United States district court, se fondant notamment sur le Digital Millenium Copyright Act et sur une jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis[64], explique que le seul fait que Youtube ait connaissance que son site est utilisé à des fins illégales par les internautes est sans incidence sur son irresponsabilité. Il ne serait donc pas envisageable de demander à la plateforme de rechercher et supprimer tous les documents illicites et, au contraire, l'arrêt considère qu'il est nécessaire de lui communiquer des données précises quant à ces documents afin qu'il puisse les identifier sans peine, ce qui n'est pas sans rappeler l'article 6.I.5 de la LCEN (v. supra I, A, 3). Est ajouté que le lien URL doit figurer dans cette notification, ce qui cette fois fait penser à la jurisprudence française (v. supra II, B, 1, A). Dès lors, Youtube devait réagir promptement à ce que la Cour appelle un red flag, ce qu'il avait fait en l'espèce selon elle.

La solution américaine semble donc très proche de celle adoptée par les juges français, ce qui la conforte mais ne parait guère étonnant puisque la LCEN trouve son inspiration indirecte dans le Digital Millenium Copyright Act (v. supra 1, A, 2).

B / Des solutions confortées sur un plan économique.

Cette jurisprudence plutôt laxiste et compréhensive à l'égard des opérateurs de vidéos en ligne peut en premier lieu s'expliquer par la prise en considération de l'importance acquise aujourd'hui par ces services emblématiques du web 2.0. Ainsi, dans l'affaire « Joyeux Noël » [65], les juges expliquaient leurs choix par le fait qu'il s'agissait avant toute chose de « ne pas entraver […] le rôle moteur des services [qui participent] du développement de l'économie numérique ». Cette motivation explicite sans doute a-t-elle été reprise implicitement dans nombre des autres jugements ayant donné raison aux sites de vidéos en ligne en les qualifiant d'hébergeurs.

C / Des solutions confortées sur un plan technique.

Les sites tels que Youtube ou Dailymotion rencontrent un succès tel que ce dernier, par exemple, enregistre 15 000 nouvelles vidéos par jour et est consulté 72 millions de fois par mois, ce qui en fait le site européen le plus vu dans le monde. Dans ces conditions l'on comprend qu'il soit délicat d'envisager un contrôle a priori de tous les documents postés par les internautes.

Cependant, plusieurs décisions judiciaires avaient affirmé que les sites de partage régulièrement notifiés engageaient leur responsabilité si les contenus en cause réapparaissaient (v. supra II, A, 2) [66], ce qui nécessite des moyens humains, techniques et financiers substantiels étant donné la masse à traiter. Existent pour ce faire la technologie des empreintes de contenus permettant de contrôler le fait qu'une vidéo n'a pas déjà été censurée par le site antérieurement [67]. Dès qu'une vidéo est déposée, sur Dailymotion par exemple, le site effectue une comparaison avec les empreintes déjà existantes et, si la comparaison est positive, la vidéo est automatiquement rejetée. Mais cette technique demeure limitée puisque ne pouvant viser les dizaines de milliers de contenus déjà en ligne. En conséquent, une séquence signalée comme illicite est tout à fait susceptible d'avoir une ou plusieurs homologues à un autre endroit du site de partage que les titulaires des droits n‘auraient pas remarquées.

Il faut dire que ces opérateurs sont souvent de bonne foi et les tribunaux le reconnaissent régulièrement. La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 6 mai 2009, faisait ainsi gré à Dailymotion du constat qu'il mettait en garde les utilisateurs contre les dangers liés aux actes de contrefaçon, leur permettait de signaler tout contenu illicite par un procédé simple et utilisait la fameuse technologie des empreintes numériques.

L'on est en droit néanmoins de s'étonner de cette approche puisque la bonne foi est indifférente pour constituer le délit de contrefaçon[68].

Section 3 / Conclusion : Une solution pour l'avenir, la coopération entre sites de vidéos et ayants droits.

Les ayants droit estiment que le poids de la lutte contre la contrefaçon devrait peser exclusivement sur les sites de partage quant ces derniers arborent un état d'esprit - on le comprend logiquement - inverse. En réalité, plutôt que de s'opposer à travers de multiples querelles matérialisées dans les procès qui ont été étudiés, ces parties devraient renforcer - voir débuter - une coopération approfondie car, cela ne fait aucun doute, elles en sortiraient toutes deux gagnantes.

Malheureusement, à l'heure actuelle, l'on est encore loin d'atteindre cet idylle et dans les différentes espèces soumises aux juges, les mis en cause souvent se plaignaient du manque de coopération des ayants droit (46 v. notamment TGI Paris, 29 avr. 2009, Roland Magdane et a. c/ Dailymotion, la juridiction estimant que l'ayant droit qui s'abstient de permettre une identification complète de ses oeuvres a un « comportement déloyal »).

Le récent accord conclut entre la société Dailymotion et l'Institut National de l'Audiovisuel[69] (rendu public le 20 octobre 2010) fait, de ce point de vue, figure de précurseur et montre la marche à suivre. En effet, le site devient en quelques sortes la vitrine vidéo de l'INA en lui permettant d'exposer plus de 50 000 vidéos accessibles gratuitement et légalement. Concernant les contreparties, l'accord porte sur un partage des recettes à parité qui, sans doute, profite à l'un comme à l'autre, sachant que pour l'INA l‘enjeu est également d‘élargir l‘audience en profitant de l‘exposition mondiale de Dailymotion. En réalité, les deux parties coopèrent depuis un certain temps puisque le site a, notamment, adopté la technologie des empreintes numériques développée par l'institut. En outre, Dailymotion avait par le passé déjà négocié avec des sociétés de gestion collective (SACD et SCAM[70] et des majors telles que Universal Music, Warner Music ou EMI, mais les accords n'avaient jamais atteint cette envergure.

Cependant, ils ne concernent que les parties « official users » dans lesquelles les sociétés de production et de médias participent à la mise en ligne de leurs films et reportages, mais les particuliers ne sont nullement concernés. Quoi qu'il en soit, ils prouvent la volonté du site de partage de vidéos d'agir en toute transparence et en toute légalité, une attitude qui devrait diminuer les contentieux et les procès. Encore, sont négociées des chartes de collaboration - notamment dans le cadre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique - afin de constituer un répertoire commun d'empreintes numériques [71].

Reste que, à moyen ou plus long terme, les sites de partage de vidéos seront sans doute amenés à fournir aux usagers des « services de médias audiovisuels à la demande », lesquels ne sont pas régis par la LCEN mais par la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication audiovisuelle. Dès lors que les sites contrôleront « la sélection et l'organisation » des contenus, quel régime juridique leur sera appliqué ? Que ce soient des règles mixtes ou propres aux éditeurs ou hébergeurs, nul doute que le sujet est encore loin d'être épuisé et possède de beaux jours devant lui.

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : JORF n° 143 du 22 juin 2004 p. 11168
  2. CA Paris, 28 oct. 2006, PIBD, 2006, n° 838, III, p. 671
  3. Conseil constitutionnel, décision n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, dite « HADOPI »
  4. Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), Journal officiel n° L 178 du 17/07/2000 p. 0001 - 0016
  5. Digital Millennium Copyright Act, 112 Stat. 2860 (1998); voir aussi GINSBURG (J.), « Chronique des Etats-Unis », in RIDA, janv. 1999, n° 179, p. 143 et s.
  6. Directive 2000/31/CE op. cit.
  7. Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, op. cit.
  8. LE TOURNEAU (P.), Contrats informatiques et électroniques, 6 éd., Dalloz, coll. Référence, 2010/2011, Paris, 10.8
  9. « Il ne saurait être contesté que le prestataire d'un service de référencement transmet des informations du destinataire dudit service, à savoir l'annonceur, sur un réseau de communication ouvert aux internautes et stocke, c'est-à-dire met en mémoire sur son serveur, certaines données, telles que les mots clés sélectionnés par l'annonceur, le lien promotionnel et le message commercial accompagnant celui-ci, ainsi que l'adresse du site de l'annonceur », selon la formule de la Cour de justice (CJUE, 23 mars 2010, Google, n C-236/08 à C-238/08, § 111, II, A). Elle nous enseigne qu'un « service de la société de l'information » peut avoir plusieurs activités (fourniture d'accès, hébergement, recherche de données, courtage,...) et que l'une n'exclut pas l'autre (TGI Paris, 13 mai 2009, L'Oréal c/ eBay, D. 2009. 2910, note HUET (J.)
  10. Cons. const., déc. n° 2004-496 DC, 10 juin 2004, Journal Officiel du 22 Juin 2004
  11. amendement proposé par le député Patrice Martin-Lalande, AN, 2e séance, 25 et 26 févr. 2003, JOAN, CR, 26 févr. 2003
  12. v. DIONIS DU SEJOUR (J.), député, et HERISSON (P.) et SIDO (B.), sénateurs, « Rapport sur les dispositions restant en discussion du projet de loi », n° 1553, AN, n° 274 Sénat (2002-2003), p. 24
  13. v. militant pour une application de la responsabilité des hébergeurs, PROUST (S.), « Propos critiques à l'encontre de l'orientation actuelle de la jurisprudence face au développement du web 2.0 » in RLDI, 2007, n° 30, p. 29 ; v. également à ce propos RENARD (I.) et HERZOG (N.), « Quelle responsabilité pour les acteurs du web 2.0 ? » in Expertises, 2007, p. 336
  14. STOFFEL-MUNCK (Ph.), « Quel régime de responsabilité pour les plates-formes de commerce électronique du Web 2.0 ? », in Communication Commerce électronique, n° 1, Janvier 2009, comm. 6
  15. v. CARON (Ch.), « Contrefaçon et sites communautaires : état des lieux jurisprudentiel », in Communication Commerce électronique, n° 12, Décembre 2007, comm. 143
  16. loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
  17. nouvel art. 2 de la loi n° 86-1067 du 30 sept. 1986 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
  18. loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 relative à la protection de la création sur Internet
  19. art. 1 de la loi n° 86-897 du 1 août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse
  20. THOUMYRE (L.), « Les notions d'éditeur et d'hébergeur dans l'économie numérique », in Recueil Dalloz, 2010 p. 837
  21. DERIEUX (E.), « Distinction entre éditeur de service et prestataire technique », in JCP G, 2008, II, 10140 et SASSERATH (O.), « Réflexions sur le statut d'hébergeur selon la directive Commerce électronique », in RLDI, nov. 2008, n° 1416
  22.  DIONIS DU SEJOUR (J.) et ERHEL (C.), « rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique », Doc. AN, n° 627, p. 20
  23. DUONG (L.-M.), « Les sources du droit d'Internet : du modèle pyramidal au modèle en réseau », in Recueil Dalloz, 2010 p. 783
  24. DERIEUX (E.) « Distinction entre éditeur de service et prestataire technique », in La Semaine Juridique Edition Générale, n° 36, 3 Septembre 2008
  25. DUONG (L.-M.) op. cit.
  26. STOFFEL-MUNCK, op. cit.
  27. v. Cass. 3e civ., 9 janv. 1973, n° 71-11.840, Bull. civ. 1973, III, n° 34 ; D. 1973, p. 367, note FRANCK (G.)
  28. CARON (Ch.), « Sites de partage de vidéos : un arrêt important » in Communication commerce électronique, n° 10, Octobre 2009, comm. 86
  29. CJUE, 23 mars 2010, aff. jtes, aff. C-236/08, C-237/08 et aff. C-238/08, in Communication commerce électronique, 2010, étude 12, BONET (G.) ; CARON (Ch.), note in Communication commerce électronique, com. 70
  30. v. pt 112
  31. v. TGI Paris, ord. réf., 22 juin 2007, JurisData n° 2007-344341 ; MONTELS (B.), obs. in Communication commerce électronique, 2008, chron. 6; SIRINELLI (P.), obs. in RIDA, juill. 2007, p. 305 (P.) ; réformé, sur un point de procédure par CA Paris, 14e ch., sect. A, 29 oct. 2008, JurisData n° 2008-371477 ; MONTELS (B.), obs. in Communication commerce électronique, 2009, chron. 6
  32. TGI Paris, 13 juillet 2007
  33. CARON (Ch.), obs. ss Cass. com., 21 oct. 2008, n° 07-14.979, FS-D, Sté Sedo GmbH c/ Sté des Hôtels Méridiens, JurisData n° 2008-045518 ; in Communication commerce électronique, 2008, comm. 134
  34. TGI Paris, ord. réf., 22 juin 2007 ; CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n° 2006-305324  ; CAPRIOLI (E.), note in Communication commerce électronique, 2006, comm. 139 ; TGI Paris, 12 juill. 2006, PIBD 2006, n° 838, III, p. 676
  35. TGI Bastia, 6 juill. 2007
  36. TGI Paris, 19 oct. 2007 ; v. aussi, TGI Paris, 13 juill. 2007
  37. TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 15 avr. 2008, Lambert [dit Lafesse] et a. c/ SA DailyMotion et a. , JurisData n° 2008-360863
  38. TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 14 nov. 2008, Jean-Yves Lambert dit Lafesse et a. c/ Sté Youtube et a. ; STOFFEL-MUNCK (Ph.), comm. in Communication commerce électronique, 2009, comm. 6
  39. TGI Paris, 14 nov. 2008 op. cit.
  40. STOFFEL-MUNCK op. cit.
  41. TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 19 oct. 2007, Zadig Productions et al. c/ Sté Google
  42. v. notamment TGI Paris, réf., 5 mars 2009, R. Magdane et al. c/ Youtube ; v. Légipresse, 2009, n° 260, I, p. 50 ; confirmé en appel le 13 octobre 2010
  43. TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 14 nov. 2008, Jean-Yves Lambert dit Lafesse et a. c/ Sté Youtube et a. ; STOFFEL-MUNCK (Ph.), comm. 6, in Communication commerce électronique, 2009 ; TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 15 avr. 2008, Lambert [dit Lafesse] et a. c/ SA DailyMotion et a. ; JurisData n° 2008-360863
  44. TGI Paris, 13 juillet 2007, Christian C, Nord-Ouest Production c/ SA Dailymotion
  45. TGI Paris, 3e ch., sect. 1, 15 avr. 2008, Omar S. et Fred T. c/ Daily Motion
  46. Cass. 1re civ., 14 janv. 2010, n° 06-18.855, Sté Télécom Italia (Tiscali) c/ Dargaud Lombard, Lucky Comics ; JurisData n° 2010-051043 ; obs. STOFFEL-MUNCK (Ph.), comm. 25 in Communication commerce électronique, 2010
  47. CA Paris, 4e ch. A, 7 juin 2006, Tiscali Media c/ Dargaud Lombard, Lucky Comics ; JurisData n° 2006-305324 ; note CAPRIOLI (A.) in Communication commerce électronique, 2006 ; TGI Paris, 3e ch., sect. 1, 16 févr. 2005, Dargaud Lombard c/ Tiscali Media ; JurisData n° 2005-267947 ; note GRYNBAUM (L.), comm. 119, in Communication commerce électronique, 2005
  48. http://pro.01net.com/editorial, 12 mars 2010
  49. THOUMYRE (L.), « Les notions d'éditeur et d'hébergeur dans l'économie numérique » in Recueil Dalloz, 2010, p. 837
  50. v. sur cette question : THOUMYRE (L.), « L'art et la manière de notifier l'hébergeur 2.0 », in Communication commerce électronique, 2008, étude 5
  51. T. com. Paris, 27 avr. 2009, Davis Films c/ Dailymotion
  52. TGI Paris, 13 oct. 2008, Sté 20 Minutes France SAS ; T. com. Paris, 27 avr. 2009, Davis Films c/ DailyMotion ; TGI Paris, 10 juill. 2009
  53. CA Paris, 6 mai 2009 ; TGI Paris, réf., 9 févr. 2009
  54. TGI Paris, réf., 15 déc. 2008
  55. TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 15 avr. 2008, Lambert [dit Lafesse] et a. c/ SA DailyMotion et a. ; JurisData n° 2008-360863
  56. TGI Paris, 13 juillet 2007, Christian C, Nord-Ouest Production c/ SA Dailymotion
  57. TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 14 nov. 2008, Jean-Yves Lambert dit Lafesse et a. c/ Sté Youtube et a. ; v. STOFFEL-MUNCK (Ph.) in Communication commerce électronique, 2009, comm. 6
  58. TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 19 oct. 2007, Zadig Productions et al. c/ Sté Google ; TGI Paris, 10 avr. 2009 ; v. RLDI, mai 2009, n° 1618
  59. TGI Paris, réf., 5 mars 2009, R. Magdane et al. c/ Youtube ; v. Légipresse, 2009, n° 260, I, p. 50 ; confirmé en appel le 13 octobre 2010
  60. TGI Paris, réf., 19 mai 2008, Assoc. française du festival international du film et al. c/ YouTube et al. ; TGI Paris, 22 sept. 2009
  61. TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 14 nov. 2008, Jean-Yves Lambert dit Lafesse et a. c/ Sté Youtube et a.
  62. MONTELS (B.), « Un an de droit de l'audiovisuel », in Communication commerce électronique, n° 6, Juin 2009, chron. 6
  63. US District court Judge Stanton, New York, Viacom Int. Inc. v. Google, 23 juin 2010, 07-CV-02103, http://static.googleusercontent.com/external_content/untrusted_dlcp/www.google.com/en/us/press/pdf/msj_decision.pdf
  64. Cour suprême des États-Unis, 27 juin 2005, v. Communisation commerce électronique, 2005, comm. 130
  65. TGI Paris, 13 juillet 2007, Christian C, Nord-Ouest Production c/ SA DailyMotion, SA UGC Images
  66. v. TGI Paris, 10 avr. 2009, Zadig c/ Dailymotion
  67. ce sont les bases Audible Magic et INA, alimentées par les ayants droits, http://www.dailymotion.com/fr/legal/contentprotection
  68. Cass. 1re civ., 29 mai 2001, n° 99-15.284 ; JurisData n° 2001-009833 ou Cass. 1re civ., 26 juin 2001, n° 99-15.587 et 99-15.893 ; JurisData n° 2001-010418 ; SIRINELLI (P.) in Propriété intellectuelle, oct. 2001, p. 71, ; v. sur le sujet, Gautier (P.-Y.), « L'indifférence de la bonne foi dans le procès civil pour contrefaçon » in Propriété intellectuelle, 2002, n° 3, p. 28
  69. v. http://www.zdnet.fr/actualites/l-ina-diffuse-50-000-videos-d-archives-sur-dailymotion-39755550.htm
  70. v. l'accord entre Dailymotion et l'[[Union syndicale de la production audiovisuelle (fr)|]] d'octobre 2007 ; v. MONTELS (B.) op. cit.
  71. comme l'a recommandé l'Action n° 34 du Plan de développement de l'économie numérique d'octobre 2008 ; v. http://www.francenumerique2012.fr