Droit administratif général (fr)
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Le droit administratif constitue la partie la plus importante du droit public. Il regroupe l'ensemble des règles juridiques différentes du droit privé qui sont applicables à l'activité administrative des personnes publiques et des personnes privées. Le contrôle de son application est assuré par un ensemble de juridictions qui constitue la justice administrative. Sa définition même est complexe et fait l'objet de débats.
Nous allons en dégager les caractères fondamentaux, à savoir qu'il s'agit d'un droit évolutif, d'un droit jurisprudentiel et d'un droit spécialisé.
Sommaire
Un droit évolutif
L'idée d'un droit administratif n'est pas absente de l'Ancien régime français
Certes, l'administration y était complexe, liée au système féodal, mais à partir du XVIe siècle, on voit apparaître une organisation structurée et centralisée. On voit apparaître des secrétaires d'État, les intendants ; on voit même apparaître des juridictions spécialisées dans diverses matières administratives (droit des forêts, gabelle).
Puis survient la Révolution, qui va à la fois supprimer et innover. Elle introduit dans notre système administratif la division territoriale en départements et elle pose aussi -et surtout- des principes généraux qui subsisteront à travers les changements de régimes : principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire, affirmation des droits individuels, reconnaissance de la primauté de la loi. Mais c'est quand même avec le régime napoléonien qu'a été effectivement réalisée la synthèse de cet ensemble. C'est à Napoléon que l'on doit le Conseil d'État et le corps préfectoral.
Depuis l'an VIII, les traits essentiels de la vie administrative ont été maintenus
Mais une évolution profonde s'est produite en de nombreux points, évolution liée bien sûr à la transformation générale de l'État consécutive aux révolutions qui se sont succédées depuis le XIXe siècle. C'est ainsi que l'idée démocratique a été introduite dans les institutions administratives et que le procédé de l'élection s'est généralisé. Tout le système administratif est à la base d'élection. De plus en plus, les citoyens participent au pouvoir administratif dans le cadre de ce que l'on appelle la décentralisation. De plus, on a vu se développer une tendance à reconnaître une large autonomie aux différents services publics en les personnalisant, en leur donnant la personnalité juridique par le procédé de "l'établissement public". S'agissant également de cette particularité, on assiste aussi à la participation de personnes privées à l'administration. L'État libéral a cédé la place à l'État interventionniste. Aux fonctions primitives de police et de gestion des services publics et administratifs, se sont ajoutées des fonctions qui se traduisent par une réglementation et une intervention étendue aux entreprises privées industrielles et commerciales, aux services sociaux, professionnels et économiques. Dans les rapports qui s'établissent entre l'État et ses agents, on a assisté à une remise en cause du lien hiérarchique et au développement des droits, des libertés et des garanties reconnues aux fonctionnaires contre l'arbitraire. Autrement dit, dans les rapports de la puissance publique avec les administrés, on aperçoit certes toujours une administration qui commande et qui impose des sujétions (administration de souveraineté), mais les administrés se sont vus, eux aussi, progressivement, reconnaître une protection des droits accrue.
Tout changement d'ordre social ou politique a des répercussions en droit administratif
Les deux guerres mondiales ont conduit à aborder en droit administratif des problèmes administratifs et à aborder également la délicate question des limites de la légalité. Par ailleurs, en France, le changement profond des structures a entraîné une révision des notions d'acte législatif et réglementaire. Quant aux diverses transformations sociales et économiques qui se sont déroulées depuis, elles ont eu des répercussions sur presque tous les aspects du droit administratif. Relevons parmi ces répercussions les suivantes : réforme de la décentralisation territoriale à partir de 1982[1], réforme de la fonction publique d'État (statut de la fonction publique), réforme des interventions économiques et sociales de l'État avec le droit d'expropriation, urbanisme avec l'activité hospitalière (santé publique), enseignement, nationalisations ou privatisations, planification, aménagement du territoire, environnement, etc. De même encore la réforme des relations entre administration et administrés : institution d'un médiateur, administration transparente, informatique, droit commercial, droit à communication des documents administratifs, droit à motivation des actes administratifs, astreintes en matière d'exécution des jugements par l'administration, réforme de la justice administrative avec la création de Cours administratives d'appel, qui se situent entre les Tribunaux administratifs et le Conseil d'État. Et ceci sans même évoquer les incidences de la construction européenne.
Ceci dit, on réforme beaucoup, mais peut-être trop, trop souvent, ou trop vite, car toutes ces réformes n'ont pas le succès des bouleversements napoléoniens. Quoi qu'il en soit, le droit administratif s'applique à une administration qui est dans une période de mutation et d'incertitudes considérables, d'où des hésitations de la part des juges et de la doctrine.
Le droit administratif est aussi évolutif à raison de l'importance de la jurisprudence.
Le droit administratif est un droit prétorien
Le droit administratif est un droit jurisprudentiel, prétorien, ce qui signifie qu'il est largement l'œuvre du juge. Ainsi, les règles les plus importantes ont été fixées par le juge, soit que celui-ci ait plus ou moins artificiellement rattaché la règle à un texte prééxistant soit qu'il les ait affirmées de son propre chef. En Droit Administratif, la mise à l'écart du Code civil et l'importance des lacunes législatives ont amené le juge à véritablement "créer" le Droit Administratif.
Si le droit administratif est essentiellement jurisprudentiel, il n'est tout de même pas totalement l'oeuvre du juge
La jurisprudence est une source fondamentale de ce droit mais il faut faire une place aux autres sources, et notamment aux textes, surtout législatifs, qui sont plus importants qu'on ne le dit. On a déjà noté l'importance des textes en droit administratif, à propos de son caractère évolutif, par exemple sur les structures administratives, sur l'organisation des services publics, le statut de la fonction publique, etc.
Le juge administratif est toutefois à l'origine des grandes théories générales
Malgré l'abondance des textes, il demeure toutefois que la plupart des théories générales (théorie générale des services publics, théorie générale des sociétés, des contrats administratifs) sont essentiellement jurisprudentielles parce que le juge doit, à leur propos, dégager des théories d'ensemble. Par exemple, il existe de très nombreux textes concernant les établissements publics, mais le juge doit dégager la théorie générale, conceptualiser.
L'arrêt du Tribunal des Conflits Blanco du 8 février 1873 rendu à l'occasion d'une affaire de responsabilité est emblématique à cet égard :
« Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'État pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code Civil pour les rapports de particulier à particulier ;
Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécéssité de concilier les droits de l'État avec les droits privés ; »
Tout ceci donne au droit administratif des caractéristiques particulières
C'est en raison de cet aspect que dans la réalité, les méthodes du Conseil d'État sont constructives et souvent très subtiles. Cet aspect largement jurisprudentiel imprime à la règle de droit administrative se présente avec des caractéristiques très particulières de souplesse et de relative incertitude. L'incertitude évolue parce que le juge administratif, désireux d'adapter ses solutions aux problèmes contemporains, formule souvent la motivation motivée et avec souplesse. On a pu utiliser à cet égard les expressions de laconisme, d'hermétisme et même d'ésotérisme. Ces traits contribuent à permettre à la jurisprudence (et donc au droit administratif) de s'adapter aux nécessités souvent renouvelées de la société.
Néanmoins, avec l'intégration de sources de droit de valeur supérieure ainsi qu'une tentative de codification du droit administratif, ce caractère est parfois profondément remis en cause, au détriment d'une certaine souplesse d'évolution et d'adaptation du droit.
Le droit administratif est un droit autonome
En qualifiant le droit administratif de droit autonome, on entend dire qu'il est constitué par un ensemble de règles qui se différencient catégoriquement du droit privé, qui est considéré comme étant le droit commun. On a déjà évoqué les fondements de cette autonomie, à savoir qu'elle est intimement liée à la nature même de l'activité administrative et à la nature des rapports qui s'établissent entre l'administration et les administrés. Nous avons vu que le rapport de droit public est dominé par les idées d'inégalité et d'intérêt général, contrairement au droit privé qui est fondé sur l'intérêt personnel et l'égalité. C'est l'idée qui anime l'arrêt Blanco. Ce qu'il importe de bien saisir, c'est la portée de cette autonomie, qui peut être plus ou moins grande.
En principe le droit administratif se traduit par des règles très différentes des règles du droit privé
Cette autonomie se manifeste tout d'abord dans les règles qui intéressent le fond du droit. C'est ainsi que les divers privilèges de l'administration ou les diverses obligations de service public constituent des éléments spécifiques à l'administration, c'est-à-dire qu'ils n'ont aucun équivalent en droit privé. Mais l'autonomie s'exprime aussi au niveau des techniques juridique. C'est ainsi que nous verrons utilisée en droit administratif (ainsi qu'en droit constitutionnel) la notion de compétence. Ce terme n'existe pas en droit privé, où l'on parle plutôt de capacité juridique.
Parfois, l'autonomie est plus limitée
Elle est plus relative, en ce sens que l'on aperçoit une certaine similitude entre la règle de droit administrative et celle de droit privé. La règle de droit administratif paraît alors avoir été inspirée par le droit privé, ou transposée de celui-ci.
Il y a de nombreux exemples de cette adaptation, qu'il s'agisse des règles du fond du droit. Par exemple la notion de contrat, ou encore la notion d'agent. On verra apparaître également la notion de faute, de risque, ou de rapport contractuel. Ou qu'il s'agisse des techniques juridiques. Au plan des techniques juridique, on verra les personnalités morales, la notion de propriété ou la notion de droit subjectif.
Bibliographie
- Chapus, René, Droit administratif général. Tome 1, 15e éd. Paris : Montchrestien, 2001. 1427 p. ISBN 2-7076-1266-9
- Chapus, René, Droit administratif général. Tome 2, 15e éd. Paris : Montchrestien, 2001. 797 p. ISBN 2-7076-1267-7
- Laubadère, André de (1910-1981), Gaudemet, Yves, Traité de droit administratif. Tome 1, Droit administratif général : l'administration, la juridiction administrative, les actes administratifs, les régimes administratifs, 16e éd. Paris : LGDJ, 918 p. ISBN 2-275-02075-6
- Laubadère, André de (1910-1981), Gaudemet, Yves, Traité de droit administratif. Tome 2, Droit administratif des biens: la propriété publique, les domaines administratifs, l'expropriation, la réquisition, les travaux publics, 12e éd. Paris : LGDJ, 2002. 543 p. ISBN 2-275-02016-0
- Laubadère, André de (1910-1981), Gaudemet, Yves, Traité de droit administratif. Tome 5, La fonction publique, 12e éd. Paris : LGDJ, 2000. 229 p. ISBN 2-275-01941-3
Liens externes
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- Les rapports entre l'administration et le droit
- L'administration non-soumise au droit
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- Une première forme de la soumission de l'administration au droit apparaît lorsqu'il y a soumission de l'administration à une règle
- Un progrès considérable est réalisé lorsque l'activité administrative est soumise toute entière à des règles de droit
- Les modalités du régime administratif
- La soumission de l'administration au droit commun
- La soumission de l'administration à un droit spécial
- Le régime juridique français
- Les régimes administratifs étrangers
- la notion d'acte administratif
Partie I L'encadrement juridique de l'administration
- Le fond détermine la compétence
- Le partage des compétences est l'œuvre de la jurisprudence
- L'origine du principe de séparation des autorités administrative et judiciaire
- L'affirmation du principe
- La conséquence pratique de ce principe est donc l'impossibilité pour les administrés en conflit avec l'État de s'adresser aux tribunaux
- Le Conseil d'État reprend son rôle
- Raisons d'être du principe de séparation des autorités administrative et judiciaire
- La valeur du principe du principe de séparation des autorités administrative et judiciaire
- La dualité des juridictions pose le problème du partage des compétences
- Cette dualité entraîne souvent des incohérences et des contradictions sur le fond même de certains litiges
- l'incompétence du juge administratif à l'égard des activités non-administratives
- La compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives
- Le principe de la compétence du juge administratif à l'égard des activités de gestion publique
- Les exceptions au principe de la compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives
- La compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives
- Signification du principe de légalité
Partie II Le commerce juridique administratif
- Les cas d'illégalité qui mettent en cause les éléments formels de l'acte: l'illégalité externe
- Illégalité relative à l'auteur de l'acte
- La théorie de la compétence
- Les modalités de l'illégalité pour incompétence
- L'illégalité relative aux formes de l'acte
- La procédure administrative non contentieuse (PANC)
- Le vice de forme et de procédure
- Illégalité relative à l'auteur de l'acte
- Les cas d'illégalité qui mettent en cause les éléments formels de l'acte: l'illégalité externe
- Les cas d'illégalité qui mettent en cause les éléments matériels de l'acte: l'illégalité interne
- L'exécution du contrat administratif
- Le droit à indemnité comporte deux aspects, à savoir le créancier de l'indemnité et le débiteur de l'indemnité.
- Le calcul de l'indemnité
Partie III Institutions administratives